Conseil Savoie Mont Blanc : vers la fin d'une instance bi-départementale unique en France en 2024 ?

Alors que la Haute-Savoie a annoncé, au premier semestre 2022, sa volonté de dissoudre cette instance bi-départementale unique en France qu'elle partage avec le département de la Savoie, les modalités de la rupture restent en réalité encore floues. Né en 2016, à la suite de l’Assemblée des Pays de Savoie, le Conseil Savoie-Mont Blanc était jusqu'ici chargé de coordonner les politiques publiques des deux Savoies sur différentes thématiques comme le tourisme, la culture ou l'université.

Ils avaient un an pour penser à la suite, et vont désormais devoir se pencher sur « l'après ». Les élus Hauts-Savoyards du Conseil Savoie Mont-Blanc ont voté en 2022 la fin du Conseil Savoie Mont Blanc, cette instance bi-départementale unique en France qui avait pris, en 2016, le relais de l'ancienne Assemblée des Pays de Savoie. Lancée en 2001, la coopération entre la Savoie et la Haute-Savoie avait en effet débuté dans le cadre de l'Assemblée des Pays de Savoie (APS), laquelle visait à « mutualiser leurs engagements et leurs moyens sur des sujets d'intérêt commun ». Avec, parmi les objectifs affichés, celui de favoriser l'identité savoyarde et mutualiser les engagements des deux collectivités. Un travail conjoint qui permettait jusqu'alors de participer au financement, par exemple, de l'Université de Savoie Mont-Blanc, ou au service Savoie Biblio ou encore à l'agence Savoie Mont-Blanc pour le tourisme et à l'orchestre des Pays de Savoie.

Une décision perçue comme une « répudiation » par la Savoie

Mais en 2022, Martial Saddier, président du Conseil départemental de la Haute-Savoie depuis juillet 2021, a fait savoir sa volonté de mettre fin à la collaboration telle qu'elle existait jusqu'à présent.

Pour justifier cette position, l'élu s'appuie sur un rapport de la Chambre régionale des comptes, rendu public en 2020, qui évoque notamment « d'importantes fragilités juridiques au niveau de l'organisation et du fonctionnement de l'institution ». Parmi les critiques, « l'attribution imprécise de ses compétences », ainsi que l'absence d'autonomie dans le fonctionnement du Conseil.

« Sans services, ni personnel affecté, il s'appuie sur les services des deux départements pour exercer ses missions, hors de toute formalisation juridique », précise également le rapport.

Martial Saddier défend ainsi son « coup de pied dans la fourmilière », par « la volonté de continuer à travailler, mais avec une structure qui soit beaucoup plus légère, qui soit plus réactive » affirmait-il ainsi, fin novembre, au micro de RCF.

Face à lui, le président du Conseil Général de la Savoie, Hervé Gaymard, défenseur du Conseil Savoie Mont-Blanc avait dénoncé, en octobre dernier, une « répudiation », et non un divorce, en raison de la décision unilatérale de dissolution. L'élu savoyard évoque également un « immense gâchis », remettant « en cause 40 années de coopération interdépartementale" »

« Il ne peut pas y avoir un divorce total »

D'autant que mettre fin au Conseil, qui coordonne les politiques publiques des deux Savoies sur différentes thématiques comme le tourisme, la culture ou l'université, va nécessiter une réorganisation pour les deux départements et leurs interlocuteurs.

A l'occasion de la présentation du budget primitif 2023, en session du Conseil départemental de la Savoie, le 16 décembre dernier, Hervé Gaymard, a réaffirmé ses reproches : « La dissolution voulue par mon homologue haut-savoyard nécessite un énorme travail juridique, financier et organisationnel, dont nous nous passerions bien. Cette énergie serait mieux dirigée pour traiter des dossiers plus prioritaires »a-t-il ainsi déclaré.

« Je suis intimement persuadé qu'il ne peut pas y avoir un divorce total... », confie cependant Bruno Berthier, juriste et maître de conférence à l'Université Savoie Mont-Blanc.

Sur la culture, l'université, la promotion touristique ou encore les grands chantiers d'aménagements, les deux départements vont devoir continuer à trouver un modus operandi pour fonctionner ensemble.

« Je ne vois pas comment on peut sinon imaginer la rénovation des voies de circulation, ou la mise en place de certains vastes chantiers de transition énergétique, le soutien à la filière bois... », énumère-t-il.

« Ce que veulent les élus haut-savoyards, c'est sortir de la répartition 50/50, et que ce soit davantage représentatif de la démographie, avec deux tiers/un tiers, afin de bénéficier d'une majorité de blocage », estime l'universitaire, qui fait remonter les origines de la scission à l'histoire des deux territoires.

« Depuis le rattachement du duché de Savoie à la France, on constate un antagonisme de plus en plus net entre la Savoie du nord et celle du sud. Géographiquement et économiquement, celle du Nord et la Vallée de l'Arve regardent vers Genève, ce qui n'est pas le cas de la Savoie du sud. » Sans oublier la concurrence entre Annecy et Chambéry.

Avec aujourd'hui une Haute-Savoie davantage organisée autour du Léman, qui est presque une banlieue genevoise, et connaît une croissance très importante en termes de population, mais aussi d'économie, accueillant une population nouvelle, jeune et diplômée qui a fait évoluer la donne électorale.

« Condamnés à vivre ensemble »

« Au-delà de toutes les raisons objectives, il y a aussi beaucoup de gesticulations, tempère par ailleurs Bruno Berthier. Sur le plan de la promotion touristique ou de l'université, par exemple, les deux départements sont condamnés à vivre ensemble, à financer ensemble des actions ! »

Avec la question des entités créés ou co-gérées par le Conseil Savoie Mont Blanc jusqu'à présent. Ou des instances dans lesquelles un seul représentant s'exprimait pour les deux départements.

« Pour le financement de l'université, par exemple, une bonne partie de la recherche est financée par le CSMB. Il va donc falloir que chaque département vote une enveloppe... Jusqu'à présent, nous n'avions qu'un seul interlocuteur issu du Conseil, avec l'équipe de la présidence de l'université. Désormais, vont-ils être en ordre dispersé ?, s'interroge Bruno Berthier. Cela va être un gaspillage, une perte d'énergie. C'est un peu navrant, même si d'autres régions fonctionnent comme cela ».

De premières réunions entre les services des deux départements devaient être organisées dès le début de l'année 2023, afin de se pencher sur la suite. Des échanges qui "se poursuivront vraisemblablement durant plusieurs mois avant de pouvoir adopter la délibération requise", a précisé Hervé Gaymard en décembre dernier.

En attendant de statuer sur son avenir, le Conseil Savoie Mont Blanc a adopté « à l'unanimité », en janvier dernier « une première partie des crédits d'investissement pour 2023 », a-t-il indiqué. Le Conseil départemental de la Savoie y participe à hauteur de 9,5 millions d'euros - soit le même montant qu'en 2022. Du côté de la Haute-Savoie, contactée par la Tribune, on a également fait savoir que la participation ne bougeait pas pour 2023. Et que les élus préparaient la suite pour 2024.

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