Auvergne Rhône-Alpes : ce que contient le budget primitif 2023, placé sous le signe de l'inflation et de l'énergie

DECRYPTAGE. S'appuyant sur la bonne note reçue très récemment par l'agence de notation Standard & Poor’s ("AA" le 9 décembre dernier), la Région Auvergne Rhône-Alpes de Laurent Wauquiez a présenté les grandes lignes de son budget primitif 2023. Avec, à la clé, deux promesses dans un contexte d'inflation et de crise énergétique : ne pas augmenter la fiscalité et rallonger l'enveloppe de l'investissement, notamment sur les postes liés à la performance énergétique et l'environnement. Les groupes écologistes et socialistes ont quant à eux souligné le manque de considération de la question sociale et la timidité de l'investissement dans cette période difficile. Une occasion pour Laurent Wauquiez aussi de lancer quelques pieds de nez à l’État, pour un président de Région qui ne cache plus son souhait de revenir dans la course présidentielle, engagée pour 2027.
Selon de premières estimations, la crise pourrait avoir un impact de plus de 50 millions d'euros sur les finances régionales en 2023, évalue l'exécutif régional.
"Selon de premières estimations, la crise pourrait avoir un impact de plus de 50 millions d'euros sur les finances régionales en 2023", évalue l'exécutif régional. (Crédits : DR/ML)

L'assemblé régionale a voté jeudi dernier son budget primitif 2023 à 4,3 milliards d'euros hors Feader (fonds européen agricole pour le développement rural), en hausse par rapport au budget 2022, qui représentait alors 3,9 milliards d'euros.

Ce budget primitif s'inscrit dans la continuité de la politique de Laurent Wauquiez, président de Région, qui venait de renouveler par ailleurs sa notation AA chez l'agence Sandard & Poor's.

Cette-fois cependant, la crise énergétique et l'inflation entrent dans l'équation, incitant à la "prudence" sur les recettes. Une retenue dans laquelle l'opposition observe plutôt un "désinvestissement sur le volet social", dans un contexte où les administrés sont touchés par des hausses de prix à tous les niveaux.

La crise énergétique fait augmenter les dépenses

Dans ce budget primitif, les dépenses de fonctionnement s'élèvent ainsi à 2,58 milliards d'euros (hors fonds européens et de péréquation), soit 4,4% de plus que les 2,46 milliards d'euros intégrés dans le budget 2022. Une augmentation essentiellement attribuable au fonctionnement provenant des lycées (qui ont reçu un complément de dotation de fonctionnement, compte-tenu de l'augmentation du prix de l'énergie), des mobilités (avec la révision automatique des clauses de prix ainsi que de la réévaluation du point d'indice de la fonction publique).

"Selon de premières estimations, la crise pourrait avoir un impact de plus de 50 millions d'euros sur les finances régionales en 2023", assure l'exécutif régional. Soit 25 millions d'euros pour les lycées, l'autre moitié pour les transports ainsi qu'un million pour les bâtiments régionaux.

A titre de comparaison, pour la Région Nouvelle-Aquitaine "l'inflation et la flambée des prix de l'énergie entraînent un surcoût de 185 millions d'euros pour les finances régionales, dont 74 millions pour les lycées, 60 millions pour les trains et cars régionaux et 27 millions pour les frais financiers."

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Face aux hausses de coûts observées également dans les transports, la négociation avec la SNCF sera en revanche "un sujet central de l'année qui s'ouvre" selon le Vice-président délégué aux finances de la Région, Nicolas Daragon (également maire de Valence). La SNCF a en effet demandé à la Région une rallonge de 168 millions d'euros afin de faire face à la crise énergétique.

Le poste des transports représente ainsi près de 50% des dépenses de fonctionnement, suivis par l'enseignement (20%) et la formation (11%). Mais Nicolas Daragon, vice-président délégué aux finances, à l'administration générale a tenu à rappeler que ces dépenses de fonctionnement sont "mesurées en permanence à l'aune des recettes", pour une collectivité qui s'affiche depuis plusieurs années comme "la région la mieux gérée de France".

Le contexte instable joue sur les recettes

Du côté des recettes de fonctionnement, elles s'élèveront cette année à 2,97 milliards d'euros (hors dotation) contre 2,84 milliards en 2022. A l'intérieur de celles-ci, le Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional) note une "dynamique forte de la recette de TVA pour 2023 de + 173 millions d'euros, ce qui représente + 9% d'un budget primitif à l'autre", a commenté Antoine Quadrini, président du Ceser, lors du conseil régional. A noter la TVA représente également la principale source de recettes, hors-emprunts, soit "61% des entrées" de ce budget primitif 2023.

En parallèle, deux baisses se profilent : celle des "recettes issues des cartes grises, qui diminuent quant à elles 50 millions d'euros [passant de 290 à 240 millions d'euros ndlr], notamment en raison de la chute des ventes de véhicules", a rappelé Antoine Quadrini. La TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) est elle aussi "structurellement déclinante, car il y a un déclin de la consommation de carburant", a fait remarquer Nicolas Daragon. Un déclin qui s'explique aussi par la hausse du prix à la pompe pour les consommateurs.

Enfin, le vice-président aux finances a par ailleurs appuyé "le contexte incertain de recettes que nous vivons actuellement. [...] En principe, la TVA est une recette dynamique car adossée à la conjoncture économique, sauf que la période que nous traversons nous invite à la prudence."  Malgré cette prudence au "vu de la progression de la consommation et du contexte d'inflation", le budget présenté table tout de même une augmentation de +4% des recettes.

En revanche, comme à son habitude, aucune hausse d'impôts n'est à prévoir du côté de la Région.

L'investissement en hausse

Dans son budget primitif 2023, la Région Auvergne Rhône-Alpes porte également un investissement de 1,4 milliard d'euros, en légère hausse par rapport aux 1,383 milliards d'euros annoncés en 2022.

"Sur le plan des investissements (hors crédits européens Feader et FSE), les dépenses sont en hausse pour les compétences lycées et transports et diminuent pour l'environnement, l'aménagement du territoire et l'action économique", a commenté le Ceser. Ainsi, 29% de l'investissement sera dédié à l'enseignement, 21% aux transports, 18% à l'action économique et 9% à l'aménagement du territoire, 4% pour la culture et le sport.

Si l'on conjugue les volets investissement et fonctionnement, ce sont ainsi près de 392 millions d'euros qui seront dédiés au soutien à l'économie et l'emploi sur ce budget. 112 millions sont également prévus pour l'agriculture et 63 millions pour le tourisme (Plan Montagne 2, plateau de Gergovie...).

Ce volet comprend aussi la relocalisation (montant de l'investissement non communiqué) qui est une question chère à Laurent Wauquiez, après la promesse d'y dédier 1,2 milliard d'euros sur six ans afin de ramener 30.000 emplois dans les secteurs stratégiques. Le Ceser invite néanmoins à veiller à concilier les objectifs avec ceux de l'ambition ZAN (Zéro artificialisation nette).

Deux autres compétences, qui ne font pas partie du giron du conseil régional sont tout de même intégrées : soit le champs de la sécurité (30 millions d'euros) et la santé, afin de lutter contre les déserts médicaux (22 millions d'euros), qui se retrouvent dans un axe dédié à "protection de la vie des habitants".

Enfin, la Région communique aussi sur le fait que 78 millions d'euros seront aussi dédiés à "développer l'offre culturelle partout sur le territoire", alors même que celle-ci avait par ailleurs annoncé une coupe franche de près de 4 millions d'euros dans ce poste en 2022 qui avait fait monter au créneau le secteur culturel, afin de réorienter ce budget vers d'autres projets.

L'apparition d'une ligne "verte"

Ce budget, soumis au vote en fin de semaine dernière par l'hémicycle régional, aura également vu apparaître une mise en avant de l'investissement vers la performance énergétique et l'environnement.

En pleine crise énergétique, un milliard d'euros au total (investissement et fonctionnement) sont ainsi présentés comme "verts". Une somme transversale qui englobe plusieurs compétences, des transports au secteur du bâtiment, en passant le développement des énergies renouvelables ou la rénovation thermique. 

Dans les investissements comptabilisés comme "verts" (383,1 millions d'euros), on retrouve par exemple en premier lieu une nouvelle fois la compétence transports, qui constitue 80% de ce "budget vert", comme le note le Ceser. Avec des projets comme le Bus à haut Niveau de Service qui reliera Trévoux à Lyon en 2026 (15 millions d'euros), l'acquisition de matériel roulant (172 millions d'euros), la création de vélos route (25 millions d'euros).

Cela englobe aussi la rénovation thermique des lycées (70 millions d'euros) et des bâtiment régionaux (six millions d'euros).

Pour les énergies renouvelables, 5,7 millions d'euros d'investissement et 13,1 millions d'euros de fonctionnement sont fléchés sur leur développement, "sauf l'éolien", rappelle la Région conduite par le LR Laurent Wauquiez, qui n'a jamais caché son opposition à cette énergie.

Concernant l'action économique, l'investissement vert se traduit par exemple par 6 millions d'euros pour "des aides aux entreprises aux activités écologiques, économie sociale et solidaire, remplacement de matériel et relocalisation." Ou encore 20 millions d'investissement sur "les aides à la recherche à visée écologique", dont l'industrie du futur, la mobilité et l'énergie.

L'opposition contre-attaque sur l'inflation

A l'occasion de la présentation du budget, le président de Région, qui fait désormais figure de candidat pressenti pour la droite depuis l'élection d'Eric Ciotti, n'a pas hésité à écorner, au passage, les actions de L'Etat, qui est selon lui "en incapacité de faire face" dans ce contexte, en alignant les chiffres : avec une "dette qui explose à 113,3 % du PIB" ou encore un "déficit public au-dessus des 3% au moins jusqu'en 2027".

Déjà dans les starting-blocks pour 2027, Laurent Wauquiez se positionne d'ores et déjà. Avec, d'un côté une augmentation de "+87% d'épargne brute depuis 2015" mais aussi "un ratio de désendettement quasiment divisé par deux" depuis la même année. Cependant, la Région ne communiquera pas le détail précis de ces pistes d'économies.

Une gestion qu'a critiqué la présidente du groupe Écologiste, Fabienne Grébert : "C'est toujours la même litanie : réduction des dépenses de fonctionnement, investissement, réduction de la dette. [...] 487 millions d'euros en plus inscrits aux recettes de fonctionnement, pour quels bénéfices ? Vous êtes dans la queue du peloton en matière de dépenses de fonctionnement par habitant : 330 euros." Soulignant aussi la contribution plus forte des administrés aux recettes régionales, avec l'inflation en cours.

Fabienne Grébert a notamment demandé un investissement plus fort pour la transition écologique : "investir un milliard de plus sur le mandat porterait la capacité de désendettement à 5,2 années contre 3,8 aujourd'hui. Et nous laisserait tout de même deuxième au classement des régions. L'obsession du podium du meilleur gestionnaire ne doit pas se faire en sacrifiant les habitants de la région."

Du côté du groupe socialiste, écologiste et démocrate conduit par l'ex-ministre Najat Vallaud Belkacem, on s'offusque en premier lieu de la tenue des débats budgétaires qui se sont finalement déroulés à huis-clos à la demande de l'exécutif du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, "qui aurait en effet été informé, lundi 12 décembre, de l'existence de menaces crédibles et sérieuses d'intrusion dans l'enceinte de l'Hôtel de Région de la part d'individus extrémistes susceptibles d'empêcher le bon déroulement de l'Assemblée plénière".

Et d'ajouter : "Tout ceci illustre un climat délétère dans et autour du Conseil régional et la volonté de « bunkerisation » de Laurent Wauquiez au détriment de la démocratie locale", pour le groupe socialiste qui relève que depuis l'affaire du dîner des sommets révélée par Médiapart, "jamais l'Assemblée plénière du Conseil régional ne se sera tenue dans des conditions normales".

L'opposition fustige également un budget 2023 qualifié de "responsable, de combat et d'ambition", qui intègre notamment une "hausse des tarifs TER", ou encore "des tarifs des cantines", qui a déjà demandé à l'exécutif régional de revenir, entre autres, sur les augmentations des tarifs TER votées en octobre dernier.

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