Zone 30, plan vélo, et gratuité des transports : comment Clermont-Ferrand vise la neutralité carbone

A l'heure où le dernier rapport du GIEC pointe à nouveau l'urgence climatique, Ville et Métropole de Clermont-Ferrand se sont engagées dans un changement profond de leurs modes de déplacements pour répondre aux enjeux climatiques : nouveau schéma cyclable métropolitain, réduction de la vitesse en centre-ville, mais aussi gratuité des transports en commun le week-end... Cette dernière mesure fait même l'objet d'une expérimentation de 24 mois avec, au coeur des enjeux, la question du report modal.
(Crédits : DR)

Le parc automobile français a augmenté de 43 % depuis 1920. Aujourd'hui, le transport routier est le premier secteur d'émissions de gaz à effet de serre et il contribue pour moitié au bilan carbone moyen d'un Français. 62 % de la population française est même soumise à un dépassement du seuil de particules fines, recommandé par l'OMS...

A l'occasion des troisièmes rencontres du Réseau International des Villes Michelin (RIVM) à Querétaro (Mexique), les villes adhérentes (dont plusieurs villes européennes, mais aussi américaines et sud-américaines, et parmi lesquelles on compte Clermont-Ferrand) avaient déjà voté à l'unanimité leur engagement vers une neutralité climatique, en s'engageant collectivement à réduire les sources d'émissions liées notamment aux secteurs de la mobilité, de l'économie, du logement ou de l'habitat.

Une déclaration qui se traduit déjà dans les faits pour Clermont-Ferrand : depuis plusieurs mois la Ville et la Métropole clermontoise ont donc engagé une politique volontaire en termes de mobilité.

Celle-ci comprend notamment le déploiement d'un nouveau schéma cyclable métropolitain, la refonte du plan de circulation et la piétonisation de l'hyper-centre, mais aussi et surtout la gratuité des transports en commun le week-end, un engagement qui faisait aussi partie des promesses de campagne du socialiste Olivier Bianchi aux derniers municipales de juillet 2020.

Des transports en commun gratuits le week-end

Depuis le 4 décembre dernier, les transports en commun sont ainsi gratuits le week-end, sur le périmètre du SMTC (Clermont Auvergne Métropole, Pérignat-sur-Allier et Mur-sur-Allier). Le coût de cette mesure : 2,1 millions d'euros par an sur 24 mois, répartis à parts égales entre Clermont Auvergne Métropole, la Ville de Clermont-Ferrand et le SMTC.

Les tarifs du SMTC (tickets, abonnements...) resteront quant à eux inchangés en 2022. La gratuité commence à partir du premier service du samedi matin, jusqu'au dernier service de la nuit du dimanche, pour le tramway, les bus et le transport à la demande, y compris pour les personnes à mobilité réduite.

Cette expérimentation, prévue pour une durée de deux ans, s'inscrit plus largement dans la continuité des gratuités mises en place du bus de nuit BEN et des vélos en libre-service C.Vélo (abonnement et première demi-heure).

« La gratuité des transports en commun le week-end présente des vertus écologiques, économiques et sociales. Les familles n'auront plus à prendre la voiture et à penser au stationnement pour se déplacer en ville. Il s'agissait d'un de nos engagements de campagne pour les Municipales » rappelle Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand et président de Clermont Auvergne Métropole.

Un choix que l'opposition menée par Jean-Pierre Brenas (LR) considère cependant encore comme un contresens : « Cette 'gratuité' n'existe pas et elle aura un coût : 2,1 millions d'euros par an. Ce sont les citoyens qui devront l'assumer car Clermont Auvergne Métropole devra compenser, au niveau de la fiscalité, ce manque de recettes commerciales ».

En plus d'être jugée « coûteuse » et « déresponsabilisante », l'opposition estime que cette dépense est « inutile pour les citoyens, qui ont déjà les moyens de payer un abonnement pour l'utilisation des transports en commun. Il s'agira seulement d'un effet d'aubaine pour ceux qui les utilisent déjà. Les usagers potentiels des transports en commun veulent davantage un réseau efficient que quelques malheureux bus gratuits ».

Le groupe mené par Jean-Pierre Brenas plaide quant à lui pour un financement de nouvelles mobilités et une modernisation du réseau de transports en commun.

Tout l'enjeu : encourager le report modal

Du côté de la métropole de Clermont, l'ambition de cette mesure, issue des rencontres citoyennes de la mobilité, vise très clairement à susciter un report modal, en enclenchant une dynamique d'usage des transports en commun en semaine, pour les nouveaux usagers du week-end.

« Les transports en commun deviendront ainsi la solution de mobilité la plus simple et la plus économique pour rejoindre les lieux de vie de la métropole. Avec la gratuité, nous sommes persuadés que de nombreux usagers passeront d'une pratique occasionnelle des transports à une pratique plus régulière », avance François Rage, président du SMTC.

En renforçant l'attractivité et le dynamisme du centre-ville grâce à un accès simple et gratuit, la ville de Clermont-Ferrand veut ainsi soutenir l'activité économique des commerçants ouverts le week-end. La gratuité est valable pour tous, quel que soit son âge ou son lieu de domicile. Il est inutile de présenter une carte ou un ticket.

« L'ensemble des équipes de la T2C auront à cœur d'accompagner la mise en œuvre de cette décision politique à travers une qualité de service qui permettra, tout autant, à de nouveaux usagers de découvrir la facilité d'utilisation et l'attractivité des transports en commun, qu'à des usagers occasionnels de confirmer leurs pratiques à travers des déplacements axés sur les loisirs ou de nouveaux usages à l'image de la diversité des déplacements offerte par le réseau », souligne Blandine Galliot, présidente de T2C.

Pour l'heure, aucun bilan chiffre n'est cependant disponible pour appuyer l'impact d'une telle mesure.

Un nouveau schéma cyclable métropolitain

Une décision qui se veut toutefois emblématique, et qui n'arrive pas non plus seule puisqu'elle vient compléter d'autres engagements, pris par Clermont-Ferrand, en faveur du climat, comme la mise en œuvre d'un nouveau schéma cyclable métropolitain.

Au total, 23 km d'aménagements seront réalisés, dont 17 km d'aménagements supplémentaires à l'existant et 6 km d'aménagements provisoires préfigurateurs. A celà se rajoute la mise en place progressive de double-sens cyclables, liés au passage de Clermont-Ferrand à 30 km/h.

Actuellement, Clermont-Ferrand compte 19 km de double-sens cyclables. 38 km supplémentaires vont être installés progressivement dans les nouvelles rues à sens unique limitées à 30 km/h, en particulier dans les petites rues recevant peu de trafic de voitures. Dans ces rues, les double-sens cyclables permettent aux usagers vélo de remonter une rue en sens unique dès lors que la signalisation verticale est en place.

Objectif : atteindre les 365 km d'aménagements cyclables d'ici 2028, une cible pour laquelle la Métropole investira 31 millions d'euros sur 10 ans et promet une concertation large, réalisée auprès des élus, techniciens, experts de la mobilité, usagers et association de cyclistes.

En novembre 2021, après une série d'accidents dont ont été victimes des cyclistes, le groupe les élus d'opposition ont dénoncé "le retard coupable de la ville et de la métropole en matière d'infrastructures cyclistes." Ils regrettaient notamment la lenteur avec laquelle Clermont-Auvergne Métropole met en place le schéma cyclable voté à la métropole.

"Nous avons voté en 2018 - il y a trois ans - un réseau de 365 kms sur l'agglomération. Nous l'avons voté sur dix ans. Il doit normalement être terminé en 2028. Pour que les délais soient tenus, les trois dixièmes devraient aujourd'hui être réalisés, soient 110 kms ?"

Le groupe d'opposition LR à Clermont-Ferrand argumente également que la gratuité des transport en commun ait "un effet désincitatif sur l'utilisation du vélo et sur les autres modes de transports doux." Il réclame "un véritable réseau de pistes cyclables sécurisées, continues, protégées, prioritaires et apaisées" ainsi que la mise en place d'infrastructures nécessaires (bornes de recharge, stations libre-service de vélos, trottinettes, mono-roues électriques) à la pratique des mobilités alternatives.

Réduire les limitations de vitesse

L'aménagement de pistes cyclables va aussi de pair avec une autre annonce : depuis le 31 décembre 2021, la ville de Clermont Ferrand a réduit, à l'image d'autres métropole comme Grenoble ou désormais Lyon, sa vitesse maximale autorisée en agglomération à 30 km/h. A cette date, 26 % des axes linéaires en agglomération affichaient cette limitation. Après le déploiement, ce sera 83 %. Les axes de transit (pénétrantes urbaines, voies structurantes...) resteront limités à 50 km/h.

La mesure permet de favoriser la cohabitation des usages sur l'espace public et de réduire le nombre et la gravité des accidents.

Avec, dans l'argumentaire de la métropole, des chiffres : jusqu'ici, 43 % des déplacements en voiture sur l'unité urbaine de Clermont-Ferrand étaient inférieurs à 3 km. Réduire la vitesse aurait donc un impact direct sur les émissions polluantes et fluidifie le trafic en incitant les usagers à ne pas prendre leur voiture, notamment sur les courtes distances.

En encourageant les modes de déplacement actifs, plus économiques et meilleurs pour la santé, Clermont-Ferrand souhaite ainsi réduire la pollution sonore, le bruit étant proportionnel à la vitesse des véhicules et améliorer la qualité de vie des habitants vivant à proximité des voies de circulation.

Une concertation a eu lieu avec le SMTC pour maintenir la vitesse à 50 km/h sur la majorité des lignes les plus fréquentées. Afin d'informer les usagers de ce changement, 110 panneaux « zone 30 » ont été déployés de manière progressive en entrées de ville.

Du marquage au sol sont également ajouté sur les axes maintenus ou abaissés à 50 km/h. Sur les zones passées à 30 km/h, les « ondes vertes » aux feux tricolores seront maintenues et ajustées à la nouvelle limitation. Afin d'évaluer les impacts et bénéfices de cette mesure sur le temps long, des mesures comparatives du niveau sonore, de la qualité de l'air, de la vitesse, du trafic et du report modal sont effectuées.

Là encore, l'opposition n'est pas convaincue. "Nous opposons à la mise en place des 30kmh à Clermont-Ferrand car convaincus que cette mesure n'est pas à la hauteur des enjeux. Côté pollution, aucune étude ne démontre un avantage quelconque. Côté sécurité, réduire la vitesse de 50kmh à 30kmh n'engendrera pas selon les statistiques moins d'accidents, mais des blessés moins graves. Pour notre part, nous voulons qu'il n'y ait plus d'accident. "

Jusqu'aux journées sans voiture

Une politique qui va même jusqu'à l'organisation, les dimanche 20 septembre 2020 et 19 septembre 2021, de deux journées "sans voitures" au sein du centre-ville, où Clermont Auvergne Métropole et la Ville de Clermont-Ferrand ont ainsi expérimenté un "rééquilibrage" de l'espace public au profit des piétons, des mobilités douces et des transports en commun.

Pour sensibiliser le grand public à ces questions, des animations issue des Rencontres Citoyennes de la Mobilité ont encouragé les modes de déplacement alternatifs à la voiture en profitant d'initiation au BMX, de théâtre de rue, de visites décalées, de démonstration de trottinette freestyle...

« Les mobilités sont un enjeu central des politiques publiques de la Métropole et de la Ville de Clermont-Ferrand. Durant les six prochaines années, nous devrons métamorphoser nos façons de nous déplacer pour faire du territoire un exemple en matière de transition écologique », rappelait alors Olivier Bianchi lors de la première édition.

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