Grenoble Capitale Verte : une occasion de transformer (aussi) l’essai pour le monde économique ?

Samedi dernier, la capitale des Alpes s’est parée d’un nouveau titre officiel de Capitale Verte européenne 2022, appelé désormais se traduire en actes puisque durant 12 mois, Grenoble devra mobiliser largement (citoyens, associations, chercheurs et entreprises) autour des enjeux de transition. Avec à la clé, une enveloppe allant jusqu’à 16 millions d’euros (sur trois ans) et un Groupement d’intérêt public (GIP) qui se charge de regrouper Ville, Métropole et Département. La volonté « d’embarquer » son monde économique est également affichée, même si dans les faits, la forme reste cependant à déterminer.
(Crédits : DR/ML)

Le titre, emblématique, vise à mettre en lumière, chaque année depuis 2010, des agglomérations de plus de 100.000 habitants « qui font preuve d'engagements forts en matière de transitions sociales et environnementales ». Et en 2022, c'est donc Grenoble et plus indirectement, sa municipalité écologiste élue en 2014 et réélue en 2020, qui ont remporté ce titre, consommé depuis samedi par une grande cérémonie officielle, dont le périmètre a néanmoins dû être revu en raison du contexte sanitaire.

Les ambitions demeurent toutefois les mêmes : parvenir, durant cette année de « règne » sous les couleurs de la transition écologique, à mobiliser « plus de 200 partenaires publics et privés » à travers « 200 événements à l'agenda ».

Pour cela, outre le coup d'envoi, qui s'est tenu samedi 15 janvier en présence de plusieurs personnalités politiques (dont la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, le commissaire européen à l'environnement, aux océans et à la pêche Virginijus Sinkevičius, ou encore le maire de la ville finlandaise jusqu'ici tenante du titre en 2021, Pekka Timonen), le territoire grenoblois compte sur sa nouvelle agence, Grenoble Capitale Verte européenne, créée à cette occasion, pour franchir un cap.

Constituée sous la forme d'un GIP (groupement d'intérêt public) rassemblant Ville de Grenoble (écologiste), métropole (conduite par l'ex-PS Christophe Ferrari) et Département (mené par le LR Jean-Pierre Barbier), cette nouvelle agence aura fort à faire, et ce, sur plusieurs fronts.

Politique d'abord, car en regroupant trois collectivités de trois bords politiques différents à l'aube de la présidentielle de 2022, cette agence devra mettre la balle au centre et se mettre au service de son territoire, mais également gérer un budget global estimé à près de 16 millions d'euros au total sur trois années (2021-2023).

Soit 4 millions d'ores et déjà apportés par l'Etat, lors d'une première visite de Barbara Pompili à l'automne dernier, 350.000 euros de la part de la Commission Européenne, et le reste, « qui devrait être apporté par les trois principales collectivités (Ville, Métropole, Département) ainsi que par des mécènes», rappelle le directeur de cette nouvelle agence trans-collectivité, Guillaume Thieriot. Un profil lui-même passé auparavant par la direction de cabinet ou de pôles de collectivités comme la Région PACA ou la ville d'Avignon, ainsi que par la direction générale d'un centre culturel franco-mozambicain en Guinée.

La création d'un GIP aux manettes de plusieurs millions d'euros

D'ailleurs, le nouveau directeur y voit là une spécificité de la candidature grenobloise : « contrairement à d'autres capitales vertes européennes, cette agence, qui a d'abord été incubée au sein des services de la Ville de Grenoble, avec le recrutement de 12 personnes depuis octobre dernier, avant d'être installée officiellement le 23 décembre, par la signature d'un arrêté préfectoral ».

Avec à la clé, un budget de 2,7 millions d'euros rien que pour cette agence, qui sera financée à la fois par les contributions des collectivités et de la Commission européenne. « Ce mouvement d'intérêt public sera chargé de coordonner l'ensemble de la programmation et des défis associées à cette année, de piloter la communication et la promotion de cette année, tout en incitant les citoyens à participer ».

Car l'année à laquelle se prépare Grenoble se veut aussi « participative », comme le rappelle Guillaume Thieriot. « C'est même une autre spécificité du dossier grenoblois, qui voulait se distinguer par cet aspect collaboratif qui veut que des événements soient aussi portés par l'ensemble des acteurs du territoire ».

Côté financements, une enveloppe de 340.000 euros a déjà été octroyée à 52 projets, à travers le dispositif coup de pouce vert, tandis qu'une seconde phase d'appel à projet est prévue en avril prochain avec une nouvelle enveloppe de 150.000 euros, que l'agence grenobloise espère voir abondée par des mécènes. Plus largement, 500.000 euros seront également affectés à l'accueil d'événements d'envergure internationale ou européenne, qui font partie du cahier des charges soumis par l'UE.

grenoble capitale verte

Un titre à endosser en pleine crise sanitaire

Comment pour autant, devenir Capitale verte en temps de Covid ? « Crise sanitaire ou pas, il était important pour nous que l'année démarre. Nous savions dès le départ que nous risquons d'avoir une année compliquée, mais notre programmation aura tout de même lieu et va se dérouler au maximum comme prévu, avec l'objectif d'embarquer le plus grand nombre possible de territoire dans la démarche de transition écologique, environnemental, et sociale », souligne le directeur de l'agence.

Concrètement, après un resserrement du format de la cérémonie d'ouverture, qui aurait dû se tenir de manière populaire sur les quais de l'Isère -et dont le format est reporté à une date ultérieure au cours de l'année-, certaines manifestations se tiendront en visio, ou plus globalement, en petit format.

Mais ce ne sera pas nécessairement un obstacle, puisque, comme le rappelle le directeur de l'agence Grenoble capitale verte, son ambition passe par le fait de « labelliser un certain nombre d'événements, provenant non pas d'en-haut, mais des acteurs du territoire, et de parvenir ainsi à un grand nombre d'occasions de porter ces transitions ».

Il en veut pour preuve un chiffre : rien que sur le premier trimestre, Grenoble annonce déjà la tenue de 140 événements labellisés, variant Omicron ou non, ce qui conduit Guillaume Thieriot à évaluer à « 500 à 600 » le nombre de rencontres qui devraient ainsi se tenir au fil de l'année.

En s'appuyant à la fois sur cet ADN "participatif", voulant que les propositions d'événements soient ouverts aux différents acteurs du territoire (associations, entreprises, citoyenne, etc), mais aussi scientifique, à l'égard de l'historique de la ville (qui se pose comme l'un des bassins à l'échelle mondiale de la microélectronique, mais aussi comme second pôle de recherche français avec près de 25.000 chercheurs et la présence de 5 instruments européens), l'année de Capitale Verte de Grenoble compte également miser sur la présence d'un Conseil scientifique d'une quarantaine de chercheurs qui a été créé il y a deux ans, à la demande de la Ville et la Métropole pour accompagner le plan Air Climat.

"Cela va nous permettre d'incarner le volet science, et d'organiser au moins deux à trois conférences par mois sur différentes thématiques », ajoute Guillaume Thieriot.

Embarquer (aussi) les entreprises

Outre l'occasion, pour les élus locaux, d'étayer le choix de Grenoble en rappelant une série de « premières » (comme celle du « premier éco-quartier primé en France en 2009 » avec la reconversion de la Caserne de Bonne, du « premier Plan d'action climat au niveau local en France en 2005 », ou de la création dès 2019 « de la plus grande Zone à Faibles Emissions de France »), que permettra concrètement d'impulser ce nouveau titre sur le plan local ?

Car même si contrairement à des événements internationaux comme les Jeux Olympiques, aucune structure ou réalisation urbanistique n'est à l'agenda d'un tel « label » de Capitale verte, « l'objectif n'est pas uniquement de faire valoir ou briller Grenoble ».

Pour le directeur de l'agence, l'ambition est également que cette année permette « d'accélérer les transitions et de se donner des objectifs ambitieux en matière de neutralité carbone, ce qui passera à la fois par le fait d'embarquer les entreprises, les associations, ou encore les familles, mais aussi pour les collectivités concernées de déclencher certaines actions et projets ».

En parallèle à cette année, Grenoble Alpes Métropole a par exemple posé deux jalons qu'elle espère déterminants : celui d'une étude de neutralité carbone à l'échelle du territoire métropolitain d'ici 2050, commandée au bureau d'études Enerdata et attendue d'ici l'été. Ou encore la mise sur pied d'une Convention citoyenne à l'échelle de la métropole, avec la volonté de « mesurer les impacts des politiques publiques et de les orienter vers les bonnes trajectoires ».

« Nous nous sommes engagés à mettre en débat d'ici la fin de l'année toutes les questions qui seront posées par la convention citoyenne, et de les renvoyer à la métropole pour celles qui sont de sa compétence, mais aussi aux communes ou même à l'Etat en fonction des sujets. Les questions qui paraîtraient plus complexes à traiter pourront même aller jusqu'à la tenue d'un référendum métropolitain, afin que tout le monde se sente concerné à l'échelle locale », explique le vice-président de Grenoble-Alpes Métropole chargé de l'air, de l'énergie et du climat, Pierre Verri.

Côté entreprises, la feuille de route semble toutefois encore en pleine construction, quelques mois après l'officialisation du titre. Car si Grenoble est souvent considérée comme un bassin de la microélectronique et plus largement de la recherche, en tête des classements pour son attractivité ou les levées de fonds de ses startups, la place des acteurs privés demeure encore en suspens dans cette année.

Grenoble Capitale Verte n'a pas encore communiqué sur le nombre d'entreprises partenaires, mais devrait dévoiler « d'ici quelques semaines une liste de partenaires privés », affirme Guillaume Thieriot, avant d'ajouter : « Cette année sera aussi l'occasion d'engager un travail collectif, et de faire converger les besoins des territoires avec l'identification de projets structurants pour l'ensemble de territoire et portés notamment par les acteurs privés ».

La CCI de Grenoble indique elle-même avoir été contactée par la Ville de Grenoble et s'avère inscrite pour accueillir les délégations étrangères et leur faire visiter le "Learning grid by Grenoble", même si l'institution concède que beaucoup de choses "restent encore à construire" durant cette année. Pour l'organisme consulaire, les attentes se résument à plusieurs titres : s'appuyer sur cette occasion pour "valoriser les entreprises du territoire sur les thèmes de la transition écologique et surtout énergétique", en citant en exemple la présence de startups innovantes et grands groupes (Schneider, Poma...) mais aussi plus largement d'acteurs de la formation dédiés à l'énergie (Learning grid by Grenoble, INPG, Université Grenoble Alpes), de la recherche (CEA Liten), pôles de compétitivité (Tenerrdis)...

Transformer l'essai, un pari encore à remporter

Est-ce à dire que Grenoble, qui se pose déjà comme un terreau très fertile dans le domaine de l'innovation et de la deeptech, en profitera pour transformer l'essai sur le terrain et créer davantage de ponts avec ses startups et ses entreprises innovantes, notamment par le biais de la commande publique ?

Pour le vice-président Pierre Verri, "la Métropole est justement en phase d'adaptation de ses codes de marchés publics afin qu'ils soient plus vertueux, qu'on limite pas exemple la distance parcourue ou encore qu'on favorise des modes de production plus vertueux". La Métropole s'est d'ailleurs déjà rapproché du groupe La Poste à ce sujet, afin de travailler sur des pistes concernant son schéma de logistique urbaine.

"Un certain nombre d'acteurs économiques du territoire se sont déjà engagés dans les défis proposés par cette année, dont de grands groupes comme Schneider, Orange, Caterpillar, Air Liquide, BioMérieux ou encore Vicat, ainsi que des PME comme Chartreuse Diffusion ou Terre Vivante. Ils pourront ainsi être appuyés par notre comité scientifique ainsi que par le comité opérationnel dans les transitions qu'ils peuvent opérer, et bénéficier à ce titre d'une aide économique, le Coup de pouce vert", ajoute Pierre Verri.

Vendredi dernier, le groupe isérois Schneider avait discrètement ouvert le chemin en programmant une rencontre, placée sous l'égide de Grenoble Capitale Verte, à destination d'une quinzaine de clients de la région, venus rencontrer une sélection d'une vingtaine de startups aux propositions disruptives, et labellisées par la fondation Solar Impulse.

Le pdg du groupe, Jean-Pascal Tricoire, estimait à cette occasion que le titre de Grenoble devrait permettre à la ville comme à ses industriels « d'accélérer » sur les enjeux de transition énergétique. La balle est donc désormais lancée dans le camp grenoblois.

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