Alimentation : après le bio, local, et végétarien, le bassin grenoblois change d'échelle

MANGER AUTREMENT (4/5). Déjà engagée sur le sujet de la transition alimentaire, la ville de Grenoble a, sous l’impulsion du maire écologiste Eric Piolle, fait de la place pour le bio, le local et le végétarien au sein de ses cantines scolaires et crèches et a même instauré "un à deux" repas végétariens par semaine -sans provoquer de tollé-. Mais c’est désormais sur un territoire beaucoup plus large, qui regroupe désormais sept communautés de communes alpines (dont la Métropole de Grenoble) et trois acteurs socioprofessionnels, que ce bassin alpin compte repenser sa souveraineté alimentaire.
En optant pour un nouveau « Projet Alimentaire interTerritorial » (PAiT), la ville de Grenoble et son bassin urbain s'allient à des territoires qui pourraient demain constituer des partenaires, voire même des greniers et réservoirs de projets d'agriculture durable.
En optant pour un nouveau « Projet Alimentaire interTerritorial » (PAiT), la ville de Grenoble et son bassin urbain s'allient à des territoires qui pourraient demain constituer des partenaires, voire même des greniers et réservoirs de projets d'agriculture durable. (Crédits : DR/Lucas Frangella)

Avec près de 12.000 repas servis aux écoles et aux crèches, qui misent sur le bio, le local et le végétarien (avec l'instauration depuis deux ans d'« un à deux » repas sans viande par semaine sans que l'opposition n'y ait trouvé à redire), la ville de Grenoble poursuit son chemin vers une transition de l'alimentation.

Dès 2017, elle annonçait notamment un quota de « 50% de composantes bio et/ou locales » au sein de ses cantines scolaires, et près de « 30% du budget alimentaire du self municipal pour produits bio et/ou locaux » tandis que son service du protocole (réceptions) nourrissait même l'ambition d'atteindre le « 100% bio et local » dans le domaine des boissons et le « 80% bio » sur le plan des aliments.

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Mais son engagement se traduit désormais en quelque sorte à une échelle bien plus large, puisque la ville de Grenoble a rejoint plusieurs autres acteurs de son bassin. Car depuis 2019, sept partenaires publics (ville de Grenoble, Grenoble-Alpes Métropole, Pays Voironnais, Le Grésivaudan, Le Trièves, les PNR du Vercors et de Chartreuse) et trois acteurs socioprofessionnels (chambre d'agriculture de l'Isère, collectif autonomie alimentaire, réseau des conseils de développement de la région grenobloise) se sont alliés, le regard tourné vers les assiettes de leurs habitants.

Leur objectif : déployer une stratégie agricole et alimentaire « interterritoriale », sur un bassin qui englobe au total près de 700.000 habitants et 272 communes, où l'on retrouve également 318 000 emplois dont près de 3.200 emplois agricoles.

Objectif : bâtir à plus large échelle un projet partagé

Récemment, le plan France Relance est entré dans la danse et prévoit en effet d'appuyer la création des plans alimentaires territoriaux, nés de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, en leur proposant une enveloppe de 80 millions d'euros de subventions, sous la forme d'appels à projets.

A ce sujet, le bassin grenoblois pourrait lui aussi tenter de saisir sa chance. D'autant plus que depuis deux ans, il se voit à une échelle bien plus large que celle de sa propre collectivité.

En co-construisant un nouveau « Projet Alimentaire interTerritorial » (PAiT), la ville de Grenoble et son bassin urbain s'allient ainsi désormais à d'autres réservoirs de population, mais également à des territoires qui pourraient demain constituer des partenaires, voire même des greniers et des réservoirs de projets d'agriculture durable.

Bien que l'autonomie alimentaire semble aujourd'hui, pour les collectivités françaises, encore un sujet délicat à atteindre, compte-tenu du volume de production locales nécessaires en vue d'alimenter la population des métropoles, tous les partenaires engagés dans cette démarche partagent néanmoins une ambition : bâtir ensemble un nouveau projet partagé, qui réponde aux enjeux de ces territoires alpins.

« L'idée n'est donc pas de transposer la politique grenobloise que nous menons à une échelle plus large, mais bien de co-construire un projet ensemble », met en garde Salima Djidel, 2ème vice-présidente à la santé, la stratégie et la sécurité alimentaire de Grenoble-Alpes Métropole et conseillère municipale déléguée Restauration municipale à la ville de Grenoble.

« Cela témoigne de la volonté politique présente sur ce territoire de traiter la question de l'alimentation à une échelle interterritoriale, qui nous semblait l'échelle de gouvernance la plus propice à la structuration d'un système alimentaire à la hauteur des enjeux représentés ». Car difficile en effet de produire uniquement à Grenoble pour des grenoblois...

Déjà près de 395 exploitations labellisées en bio

Un premier état des lieux des forces en présence fait d'ailleurs état d'un assemblage des périmètres administratifs, compris au sein de ce PiAT, qui s'étendrait ainsi sur plus de 100 km du Nord au Sud, allant bien au-delà du bassin géographique très contraint de l'Y grenoblois.

Techniquement, ce plan comprend même 31 communes situées sur le département de la Savoie et 59 communes sur le bassin de la Drôme, même si l'Isère demeure la plus largement représentée (182 communes).

Du côté des professionnels présents sur ce bassin, on apprend qu'il existe déjà près de 395 exploitations labellisées agriculture biologiques ou en cours de conversion sur ce territoire élargi, mais aussi 78 Amaps, ou encore 124 marchés alimentaires.

Pour passer de l'état des lieux aux actes, les partenaires se sont donnés ainsi plusieurs axes stratégiques en commun, à savoir de « garantir une production alimentaire de qualité et en volumes », « accompagner le changement en matière de comportements au champ, au magasin et dans l'assiette » ou encore « faciliter l'articulation des compétences au profit d'un système alimentaire durable ».

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Ils ont même commencé à identifier, en s'appuyant sur les conclusions d'une Stratégie agricole et alimentaire inter territoriale (SAAIT) co-construite en 2015, cinq grands enjeux, dont la préservation et la reconquête du foncier agricole à travers l'installation de nouvelles exploitations, la sensibilisation des consommateurs aux changements de pratiques alimentaires, ou encore le développement de la part de produits locaux et biologiques au sein de la restauration collective.

Dans leur dossier de candidature, qui vient d'obtenir la labellisation de l'Etat courant 2020, ils se disent également « conscients de l'importance des enjeux et de l'urgence à agir », et souhaitent faire « de la lutte contre la pression foncière et la re-territorialisation du système alimentaire une priorité pour leurs territoires alpins ».

En se dotant d'une gouvernance commune et d'outils de gestion partagés, ces collectivités veulent renforcer leur coopération et se donner un cap commun « au service de la transition alimentaire ».

La perspective de la loi Egalim, et les freins qui demeurent

Le travail de recensement aura permis à ces collectivités d'identifier des projets susceptibles d'être financés par le plan de relance. En attendant, du « temps d'animateur » ainsi que des crédits ont été mobilisés par chaque territoire pour suivre cette action, tandis que la Métropole est allée chercher un programme européen (projet Food Trails H2020) pour financer l'animation globale.

Prochaine étape ? Décliner plusieurs axes prioritaires déjà engagés : à savoir, accompagner les communes vers plus de bio et local, engager les habitants du territoire dans la transition alimentaire, notamment à travers l'organisation du « Mois de la transition alimentaire » initiée à l'automne 2020, ou encore œuvrer à l'adaptation de la production locale au changement climatique.

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En 2021, deux nouvelles actions se mettront en place en faveur du déploiement d'une alimentation bas carbone (à travers un bilan carbone filières élevage, le Défi Famille à alimentation positive...) mais aussi la mise en œuvre d'un observatoire de l'alimentation durable.

Avec, comme prochaine échéance également, celle de la loi Egalim, qui vise à instaurer des quotas d'approvisionnements locaux au sein de la restauration collective.

« Nous attendons les évolutions réglementaires de la loi Egalim sur les repas végétariens notamment », glisse Salima Djidel. Car selon elle, si l'heure semble bien favorable aux transitions y compris alimentaires, les PIA et notamment les PiAT, s'inscrivent dans une démarche de long terme. « Plus on aborde ces questions et mieux c'est ».

Et de pointer néanmoins une forme de dichotomie de la part du gouvernement : « Nous avons d'un côté des outils prévus comme le PIA qui donnent un cadre et drivent les collectivités sur les questions alimentaires, et de l'autre, la non-obligation pour les industriels de noter l'origine du lait. De même, une collectivité qui veut consommer local doit passer par des marchés publics régis par le code des marchés publics européens, où l'on ne peut justement pas intégrer de critère local. Ce sont deux injonctions paradoxales ».

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