(Publié le 22/02/2021 à 13:30, réactualisé à 15:00)
C'est le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin qui a porté, ce week-end, le débat sur la scène nationale. Dès samedi, le ministre LaRem s'est insurgé du choix évoqué par le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, annonçant l'instauration temporaire d'un menu sans viande (mais avec œufs et poissons) à compter de ce lundi, au sein des cantines lyonnaises. L'objectif affiché : se conformer à un renforcement du protocole sanitaire, demandé par le gouvernement, à compter de ce lundi 22 février au sein des écoles, visant à "fluidifier les passages à la cantine" des écoliers, qui prennent chaque jour 30.000 repas à l'échelle la ville.
La mesure a rapidement donné lieu à une réaction émanant directement du ministère de l'Intérieur : "En plus de l'insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français, on voit bien que la politique moraliste et élitiste des verts exclut les classes populaires", estimait Gérald Darmanin ce week-end, affirmant que "de nombreux enfants n'ont souvent que la cantine pour manger de la viande", dénonçant "idéologie scandaleuse".
Ce à quoi le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, a répondu, en annonçant qu'il saisirait le préfet du Rhône comme juge et arbitre de la légalité d'une telle mesure. "Arrêtons de mettre de l'idéologie dans l'assiette de nos enfants ! Donnons-leur simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir. La viande en fait partie", a estimé le ministre. La décision lyonnaise a également fait réagir le ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, qui s'est élevé contre "un choix anti-social et doctrinaire", tandis que le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a lui aussi mis en garde : "Je suis toujours pour qu'on laisse le choix aux élèves. Il ne faut pas que ce soit une décision idéologique".
Au niveau local, le président de région LR Laurent Wauquiez n'a pas tardé lui non plus à réagir ce week-end en dénonçant « une forme d'hypocrisie ».
« Au lieu d'assumer clairement le fait de dire : nous voulons imposer aux enfants de ne pas manger de viande, on prend prétexte de la crise sanitaire. Cette hypocrisie, qui fait avancer masquée une approche idéologique, est particulièrement choquante quand il s'agit d'enfants. L'épidémie a bon dos », a jugé le président de Région.
Le maire sortant (ex-LaRem) Gérard Collomb, n'a pas non plus hésité à s'élever contre le choix de son ancien adversaire à la mairie de Lyon : présent ce lundi matin pour soutenir une manifestation des agriculteurs en centre-ville de Lyon, l'ancien maire a affirmé : « La question qui est posée c'est celle de la liberté, la liberté pour des enfants de pouvoir consommer de la viande, l'école laïque n'a pas à se mêler des problèmes d'alimentation ».
Une mesure pragmatique ou dogmatique ?
Du côté de l'Hôtel de Ville, le cabinet du maire écologiste Grégory Doucet se défend d'avoir voulu créer une polémique et rappelle : « Le gouvernement nous a imposé un sixième protocole destiné aux écoles, toujours sans aucune concertation, et qui ne nous laissait que deux solutions : proposer en gros un pique-nique froid, et pas forcément au sein de la cantine avec des distances qui atteignent désormais 2 mètres, ou bien reconduire le menu sans viande, qui avait déjà été mis en place par Gérard Collomb lui-même à Lyon, à l'issue du premier confinement ».
Un menu appelé « sans viande » , « mais qui n'est pas pour autant végétarien », rappelle la Ville, puisqu'il est composé de poisson et d'œufs. « Nous avions choisi de reconduire cette option, au moins jusqu'aux vacances de Pâques, car il nous semblait que c'était là où se trouvait le plus grand dénominateur commun, car il faut savoir qu'aujourd'hui, près d'un repas sur deux est un menu "sans viande" commandé par les familles ».
L'entourage de Grégory Doucet s'élève contre un procès qu'il juge avant tout comme « politique » :
« Lorsque Gérard Collomb prend cette mesure au premier confinement et ce durant deux mois, il s'agit d'une mesure pragmatique et personne n'y trouve à redire. Lorsque c'est les Verts, on parle d'une mesure dogmatique ».
Outre le soutien de son homologue Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, qui appelait à faire taire la polémique en évoquant "une décision de gestion de crise sanitaire", Grégory Doucet a pu compter sur un autre soutien plus inattendu : celui du ministre de la santé isérois LaRem Olivier Véran, qui a concédé lui-même, alors qu'il était justement en visite à Lyon ce lundi :
« Je ne suis certainement pas choqué et certainement pas scandalisé qu'on puisse proposer des repas sans viande ou sans poisson à l'école. (...) Je dirais qu'il n'y a pas pour moi lieu à polémiquer ».
Et de rappeler qu'il souhaitait plutôt se concentrer sur d'autres sujets. « Là où je me bats, et là où Julien Denormandie se bat à mes côtés ainsi que Jean-Michel Blanquer (...), c'est inciter l'ensemble des communes à faire appliquer un tarif social pour les familles qui vivent en situation de précarité ».
La question économique en discussions ce lundi
Outre la joute politique, se pose également une question économique : car avec près de 30.000 repas livrés chaque jour au sein des cantines lyonnaise, les agriculteurs rhondaniens, conduits par la FDSEA 69, manifestaient ce jeudi matin en centre-ville de Lyon.
Objectif : demander des explications sur ce menu imposé et d'exposer « l'impact négatif d'imposer un tel régime aux enfants de la 2ème ville de France ».
Des arguments auxquels la ville de Lyon ne se dit pas insensible : une rencontre s'est d'ailleurs tenue en fin de matinée ce lundi à l'Hôtel de ville, entre des représentants des agriculteurs et l'adjoint au maire de Lyon en charge de l'Alimentation Locale et de la Sécurité Alimentaire, Gautier Chapuis, ainsi que l'adjointe en charge de l'éducation à la Ville, Stéphanie Léger. Ils devaient également se rendre en Préfecture du Rhône cet après-midi.
« L'objet de cet échange va être de déterminer quel sera le montant que vont perdre les agriculteurs avec cette mesure temporaire, et voir ce que l'on peut faire pour eux », précisait ce lundi matin le cabinet du maire de Lyon.
Et d'ajouter : « Notre objectif est également de les rassurer et d'expliquer que demain, notre enjeu sera bien de les aider à relocaliser l'agriculture et de leur redonner du souffle, pour faire appel à eux davantage en local ». Pas question donc, selon le cabinet du maire, de signer le retrait définitif de la viande au sein des assiettes lyonnaises.
(A suivre)
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