Les dessous de la campagne de tests massive en Auvergne-Rhône-Alpes

DECRYPTAGE. Alors que le gouvernement entame un déconfinement beaucoup plus mesuré que prévu, la région Auvergne Rhône-Alpes conduite par le président LR Laurent Wauquiez lance, dès ce mercredi 16 décembre, une campagne massive de 2,2 millions de tests antigéniques en une semaine. Une logistique de taille, alors que l'annonce d'une telle campagne continue de susciter son lot de polémiques.
(Crédits : Reuters)

(Publié le 11/12/2020 à 14:30, actualisé le 16/12/2020 à 12:45)

Annoncée à la mi-novembre, la campagne massive de tests voulue par le président LR Laurent Wauquiez débute ce mercredi 16 décembre, et s'échelonnera ainsi jusqu'au 23 décembre. Elle se destinera à tous les habitants volontaires à se faire tester au Covid-19 avant les fêtes. Avec un objectif affiché : permettre aux citoyens de passer les fêtes de Noël en famille.

Du côté des chiffres, plusieurs ont cependant été cités : car sur les 8 millions d'habitants que compte la région Auvergne Rhône-Alpes, 2,2 millions de tests auraient été pré-commandés. Le président de région annonçait lui-même sa volonté de réaliser 2 à 4 millions de tests durant cette semaine, tandis que du côté de l'opposition, l'élu de la Loire Johann Cesa, membre du groupe Socialiste et Démocrate, affirme que l'exécutif régional avancerait désormais le chiffre des 500.000 à 1 million d'habitants.

Une seule chose est sure : pour cela, la collectivité a annoncé l'ouverture de 1.300 centres de dépistage éphémères, qui viendront s'ajouter à 1.300 centres existants et mobilisera près de 15.000 professionnels contactés par la région, par le biais des professionnels de santé (médecins, infirmiers libéraux, pharmaciens, secouristes, etc).

Pour autant, ce mardi 15 décembre encore, à la veille du lancement de la campagne, les villes de Lyon et Villeurbanne campaient sur leur position en s'estimant "confortées", dans leurs doutes sur l'efficacité d'une telle campagne à l'approche des fêtes de Noël, par un courrier du conseil scientifique.

Et rapportaient ainsi l'organe consultatif en matière de santé indiquait « qu'une campagne de mass testing au niveau national ne lui paraît pas réaliste » puisqu'il faudrait répéter l'opération toutes les deux semaines « pour avoir un réel impact, compte-tenu de la période d'incubation et des délais de transmission du virus ».

A l'heure actuelle, le coût de cette campagne pour la Région est estimé à 13 millions d'euros pour les tests, 5 millions d'euros pour le matériel de protection et 1 million d'euros pour les matériels divers.

Deux types de tests différents seront utilisés : les tests PCR et les tests antigéniques. "Les tests PCR ont un niveau de fiabilité plus élevé et seront utilisés pour des publics asymptomatiques, en particulier pour les lycéens. De plus, nous avons acheté 2,2 millions de tests antigéniques, qui ont l'avantage de permettre un résultat en 30 minutes maximum", détaillait Laurent Wauquiez, le président LR de la Région Auvergne Rhône-Alpes, qui précisait qu'actuellement, près de 20.000 tests antigéniques seraient déjà réalisés chaque semaine en AuRA.

Comment Laurent Wauquiez s'y prendra-t-il cependant pour mettre en oeuvre une telle campagne en un temps record ?

15 000 professionnels et volontaires mobilisés

Cette stratégie passera tout d'abord par la mobilisation de l'ensemble des professionnels déjà habilités à réaliser ces tests.

Parmi les professionnels, 4.000 personnels des centres de dépistage permanent seront mobilisés, ainsi que 1.500 techniciens et collaborateurs de laboratoire, 2.228 professionnels libéraux (dont des médecins, infirmiers libéraux, kinésithérapeutes, sages-femmes, et professionnels de santé retraités).

Ils seront également épaulés par 500 étudiants en santé, que la Région s'engage à rémunérer à hauteur de 150 euros la journée. Enfin, 1.500 sapeurs-pompiers et 1.000 sauveteurs et de secouristes seront mis à contribution, de même que 4.000 volontaires ou bénévoles au sein des communes.

La Région mettra à disposition de ces équipes un million de masques chirurgicaux ainsi qu'un million de masques FFP2, mais également 4 millions de paires de gants, 1,3 millions de surblouses, ainsi que des charlottes, surchaussures, visières, gel hydroalcoolique, etc. Une hotline sera activée pendant la semaine pour les centres de dépistage avec, au bout du fil, 50 collaborateurs issus de la Région.

2.600 sites de dépistage tous azimuts

Car comme la Région l'indique, elle a souhaité labelliser "tous les centres qui avaient déjà commencé à dépister avant son action, soit près de 1.300 établissements : 315 laboratoires, 344 pharmacies, 717 centre médicaux (médecins et infirmiers), 14 hôpitaux", développe Laurent Wauquiez.

De plus, 1.300 sites éphémères vont voir le jour, avec un objectif : "proposer des centres à moins de 20 minutes du domicile de chaque habitant". Ils seront donc hébergés prioritairement au sein de plus de 400 lycées, mais aussi une dizaine de maisons familiales rurales (MFR) et une cinquantaine de Centres de formations des apprentis (CFA).

Plus de 70 entreprises et leurs services infirmiers seront également de la partie (dont Suez, Valeo, Fiducial, le Centre Léon Bérard à Lyon) ainsi que la totalité des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), mais aussi des ESAT (établissements et service d'aide par le travail), des sites administratifs comme les hôtels de région de Lyon et Clermont-Ferrand.

Certains lieux de passage fréquentés accueilleront aussi ces centres de passage éphémères : c'est par exemple le cas de 16 gares situées en AuRA, mais aussi de 37 grandes surfaces, et même d'un drive situé à Alpexpo Grenoble.

De plus, 301 communes partenaires auront leur propre centre de dépistage temporaire sur trois jours, du 18 au 20 décembre, ainsi que 28 stations de ski. La Région prévoit même que 40 cars itinérants couvrent 243 communes plus rurales, en particulier dans le Cantal.

Lyon et Villeurbanne circonspectes

Si de nombreuses communes ont accepté d'accueillir l'opération, celles de Lyon et de Villeurbanne se sont déclarées "circonspectes" sur une campagne de tests massive avant Noël, pointant le fait que "la campagne proposée par la Région aurait toute sa place au retour des fêtes" plutôt qu'avant.

"Les tests antigéniques réalisés en masse sont plus pertinents dans une phase croissante de l'épidémie, ce qui n'est pas le cas actuellement", a indiqué Cédric Van Styvendael, le maire de Villeurbanne, dans un communiqué.

"J'attends toujours la réponse de Lyon. J'espère que le bon sens va revenir", déclarait pour sa part Laurent Wauquiez il y a quelques jours, tout en annonçant néanmoins un déploiement de la campagne à Lyon sur les gares, à l'Hôtel de région et dans deux mairies d'arrondissement, le 2e et le 6e.

Une passe d'armes avec le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, -qui avait d'abord indiqué dans un entretien à La Tribune Auvergne Rhône-Alpes ne pas avoir réussi à rencontrer le président de Région au bout de ses 100 jours mandat- serait-elle en train de se poursuivre désormais sur le chemin de la gestion de l'épidémie ? Il semble en tous cas que plusieurs visions s'affrontent, et pas uniquement dans le camp EELV.

Des critiques émergent

La démarche avait aussitôt été qualifiée "d'effet d'annonce" par le ministre de la Santé isérois, Olivier Véran, qui soulignait que "ni le directeur de l'ARS ni le préfet" n'avaient été "ni informés, ni mis au courant". De son côté, l'ARS indiquait le 20 novembre qu'il s'agissait "d'une initiative du Conseil Régional, pour laquelle l'ARS n'a pas été associée à l'élaboration du projet, ni a fortiori, à sa mise en œuvre".

Il semblerait que les choses aient finalement évolué puisqu'une réunion de travail a eu lieu le vendredi 20 novembre entre l'ARS et le Conseil Régional, au cours de laquelle ce dernier a présenté son projet, "ce qui a été l'occasion de préciser l'inscription de celui-ci dans la stratégie nationale d'utilisation des tests antigéniques, incluant notamment le lien avec la plateforme nationale SI-DEP, le contact-tracing et l'isolement des personnes positives", précisait l'ARS le 20 novembre.

Contacté, le président de l'URPS Médecins Libéraux AuRA, Pierre-Jean Ternamian, estime que "cela a du sens de tester les gens, surtout dans une période où ils vont se réunir".

"Je pense même qu'il ne faut pas en rester là : il faut intensifier et refaire d'autres campagnes de tests à grande échelle. Cela ne doit néanmoins pas empêcher de garder les masques et tous les gestes barrière", met en garde Pierre-Jean Ternamian.

Pour Olivier Rozaire, président de l'URPS pharmaciens d'Auvergne-Rhône-Alpes, "une telle organisation en si peu de temps, pour un geste assez technique" peut être qualifiée "d'impressionnante". Il juge que "c'est une opération sérieuse" et note que dans la région, 1.000 pharmacies sur 2.500 vont notamment pratiquer ces tests, dont certaines au sein de leur officine, tandis que d'autres iront prêter main forte aux centres temporaires.

Olivier Rozaire le rappelle : "Un quart des Français voudraient se faire tester avant les fêtes, ce qui représente 2 millions de personne en Auvergne-Rhône-Alpes. C'est une initiative qui va répondre à une demande qui existe probablement partout en France, et à laquelle certaines régions ne pourront peut-être pas répondre".

Mais des réserves demeurent

Reste que l'objectif ce coup de force ne doit pas faire oublier les objectifs à adresser en priorité : car l'idée "n'est pas de réussir en volume" comme le confirme Olivier Rozaire, mais bien de "casser les chaînes de contamination, afin que l'incidence du virus en Auvergne-Rhône-Alpes soit plus faible que dans d'autres régions".

De son côté, le président de l'URPS infirmiers libéraux d'Auvergne-Rhône-Alpes, Lucien Baraza, reconnaît que les infirmiers s'avéraient "un peu sceptiques au début", "car l'ARS ne voulait pas se mobiliser. Désormais l'ARS a donné son blanc-seing", rappelant que Laurent Wauquiez a dédié 150 collaborateurs au suivi de ce projet.

Mais ces tests ne devront cependant pas se substituer au respect des gestes barrière, comme le craignent déjà certains professionnels. "Même si une personne est testée négative, elle doit continuer à respecter les gestes barrière et bien aérer les locaux", insiste-t-il.

Avec, au coeur des inquiétudes qui demeurent, la fiabilité de ces tests, qui pour les kits PCR, doivent être réalisés dans les 7 jours des premiers symptômes, pour obtenir une fiabilité de 95%. Tandis que pour les tests antigéniques, ils doivent encore être réalisés plus tôt, alors que sur des personnes symptômatiques, leur fiabilité ne dépasserait pas 40 à 50%.

Malgré cette campagne, que plusieurs surnomment désormais la "campagne Wauquiez", demeurera également un autre enjeu de taille, à savoir ce qu'il adviendra des contaminations engendrées après la période des fêtes. "Cela n'empêchera pas de devoir tester les gens après les fêtes de fin d'année", tranchaient les professionnels de santé.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 25/12/2020 à 20:30
Signaler
Pourvu qu'on ne prenne jamais conscience de tout cet argent qui est gaspillé en tests à la fiabilité et à la portée limitées, et du besoin de financement de la sécurité sociale qu'ils entraînent...

à écrit le 17/12/2020 à 8:51
Signaler
A la télévision en ce moment sur les plateaux c'est la droite dure face à l'extrême droite, on entend plus qu'eux, amis du gros rouge qui tâche bonjour,, il est bien évident que le but est d'accentuer cette forme de dirigisme.

à écrit le 16/12/2020 à 14:00
Signaler
Dans l'autre article : Si on n'est pas symptomatique, un test préventif - PCR ou, à défaut, antigénique - ne doit être fait que s'il y a "une prise de risque" dans la semaine précédant les jours de festivité. Sinon, les tests "n'ont pas, ou peu, ...

à écrit le 12/12/2020 à 8:17
Signaler
19 millions une bagatelle.... pour quel résultat ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.