Covid-19 : A Lyon, le Tribunal de commerce attend aussi "son pic"

Début de mandat sur les chapeaux de roue pour le président du Tribunal de commerce de Lyon, arrivé aux manettes de l'institution en début d'année 2020 après y avoir exercé comme juge pendant 10 ans. Après deux semaines relativement calme, Thierry Gardon est prêt à affronter "sa" vague, un pic d'ouverture des procédures collectives. Il est surtout inquiet pour les TPE.
(Crédits : DR)

La Tribune - Après 15 jours de confinement et d'arrêt forcé de l'activité des entreprises, quel premier bilan tirez-vous de cette période ?

Thierry Gardon - Dans un premier temps, nous avons surtout dû faire face à une certaine augmentation des procédures amiables. Pour le moment, hormis les dossiers déjà dans les tuyaux, nous avons enregistré peu de nouvelles procédures judiciaires sur cette période.

La première semaine était très calme, c'était un peu la stupeur et une mauvaise interprétation de la circulaire a fait penser que notre juridiction était fermée. Alors que le Tribunal de Commerce n'a jamais fermé : je suis au Tribunal, avec trois autres juges en permanence, le greffe fonctionne plutôt bien et toutes les audiences sont maintenues, sauf les contentieux. Pour moi, pour nous, il n'est pas question de nous couper du tribunal alors qu'à quelques pas d'ici, des caissières, des soignants se démènent.

La deuxième semaine, les entreprises ont eut l'impression que l'Etat s'occupe de tout : aides, prêts, etc. Nombreuses sont celles à penser qu'elles ne devaient s'occuper de rien.

Désormais, nous arrivons à la fin du mois et se pose la question des salaires : pour celles qui encaissent les prestations réalisées avant la crise, cela ne devrait pas trop poser de problème, elles pourront les avancer avant d'être remboursés pour certaines ; je m'inquiète pour celles qui n'ont rien fait, et notamment les petites structures qui n'ont pas fait les démarches et qui vont se retrouver dans l'incapacité de faire face. Comme l'épidémie, on s'attend désormais à un pic de procédures dans les jours et les semaines à venir.

Est-il trop tard pour celles qui n'ont rien fait ?

Nos équipes de prévention sont joignables tous les jours. Il faut venir nous voir, contacter les avocats, les experts-comptables pour ne pas trop tarder.

Il faut que les entreprises en difficulté se mettent sous la protection du tribunal.

La conciliation permet désormais un champ d'intervention plus élargi : sa durée s'étend désormais à toute la période de l'état d'urgence sanitaire plus trois mois et elle peut être renouvelée.

En procédant de la sorte, elles s'inscrivent dans une procédure encadrée, gage de sérieux vis-à-vis des fournisseurs, surtout quand il s'agira de reprendre l'activité. Sans cela, elles auront également des difficultés à financer leurs besoins en fonds de roulement.

Qu'en est-il des entreprises qui étaient déjà fragiles avant la crise sanitaire ?

C'est un des gros points noirs : on est dans l'attente de mesures spécifiques à leur égard. Car les entreprises déjà en sauvegarde et en redressement judiciaire n'ont pas droit à grand-chose, par exemple elles ne peuvent pas bénéficier du prêt garanti par l'Etat. Nous ne savons pas encore comment nous allons pouvoir les aider.

A quelle catégorie d'entreprise êtes-vous attentif ?

Je suis assez inquiet pour toutes les TPE.

Elles n'ont pas forcément accès à toutes les informations, elles se retrouvent confrontées à des difficultés pour payer les salariés et faire face aux charges fixes.

Les entreprises sont tributaires des délais de paiement d'autres entreprises. Que pensez-vous de l'appel du ministre de l'Economie à la solidarité inter-entreprise et à ne pas cesser de payer ses fournisseurs, surtout les plus fragiles ? Le constatez-vous dans les dossiers ?

Les messages de type "ne payez plus rien" sont très dangereux. Ils peuvent avoir des effets "dominos" difficiles à maîtriser. On peut suspendre l'Urssaf, l'eau, l'électricité mais il faut payer les fournisseurs et ainsi éviter une anarchie complète. Sans cela, les entreprises vont tomber les unes après les autres.

Les dispositifs d'Etat (report des paiements des échéances sociales ou fiscales, dispositif de chômage partiel, fonds de solidarité, garantie sur lignes de crédits, reports de loyers, etc.) vous paraissent-ils adaptés ?

Ils sont salutaires pour les entreprises mais attention aux effets d'aubaine. Il faut faire le tri : pour certaine, l'acharnement thérapeutique ne servira à rien. C'est pour cela qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance des professionnels du droit des entreprises en difficulté, bien impliqués dans les procédures.

Comment jugez-vous l'état d'esprit global des acteurs économiques de votre juridiction ?

Il est plutôt remarquable. J'assiste à beaucoup de conférences téléphoniques où sont associés tous les acteurs, j'y trouve beaucoup d'humanisme et cela me rassure. On y sent de la volonté, du courage et de l'écoute, cela me rassure. Lyon tient le coup : je suis très fier d'être le président de cette juridiction.

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Commentaire 1
à écrit le 03/04/2020 à 19:05
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que va il se passer pour les petites entreprises qui sont en redressement judiciaire

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