Nucléaire : quel bilan en termes de sécurité dans la région ?

Ce jeudi, l'Agence de sûreté nucléaire a délivré son bilan 2021 concernant le parc nucléaire d'Auvergne Rhône-Alpes. Elle a fait remonter 27 événements dans la région, 26 "anomalies" et un incident à la centrale de Cruas-Meysse. L'ASN a contrôlé les quatre centrales nucléaires de la région : chacune a ses propres marges de progression. Le gendarme du nucléaire contrôle aussi les établissements médicaux et de recherches qui ont recours à l'activité nucléaire. A ce titre l'université Clermont-Auvergne a été mise en demeure.
(Crédits : DR)

C'est le temps du bilan pour l'Agence de sûreté du nucléaire (ASN), l'"autorité administrative indépendante" qui a pour rôle de contrôler les activités nucléaires civiles en France.

"La division de Lyon est la plus importante, car il y a une forte activité avec quatre centrales [Bugey (Ain), Saint-Alban (Isère), Cruas-Meysse (Ardèche) et Tricastin (Drôme) exploitées par EDF. NDLR] et quatorze réacteurs" souligne Nour Khater, cheffe de la division de Lyon à l'ASN.

En 2021, l'ASN a donc mené "328 inspections, dont 117 inspections dans [les quatre] centrales nucléaires ; 92 inspections dans les usines et les installations en démantèlement ; 104 inspections dans le nucléaire de proximité et 15 inspections dans le domaine du transport de substances radioactives."

Deux des centrales sont en cours de quatrième visite décennale : la centrale du Bugey pour les réacteurs 2, 3 et 5 et celle de Tricastin pour le réacteur 2. L'ASN estime que ces réexamens "se déroulent de manière plutôt satisfaisante jusqu'à présent."

Aussi concernant le phénomène de corrosion sous contrainte qu'EDF rencontre au niveau national, en Auvergne-Rhône-Alpes, les réacteurs 3 et 4 de Bugey sont actuellement soumis à des contrôles approfondis ainsi que le réacteur 3 de Tricastin dans le cadre de leurs quatrième visite décennale.

Un bilan "contrasté" pour le Bugey et un incident niveau 2 à Cruas-Meysse

Au cours de ses inspections, l'ASN a relevé 27 "événements significatifs" : 26 sont classés 1 sur l'échelle Ines (l'échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques qui comprend 7 échelons). Sur ces 26 incidents, 21 survenus dans les installations nucléaires de base et 5 dans le nucléaire de proximité (radiologie, recherche ...). Le niveau 1 de l'échelle étant considéré comme anomalie. Un événement a été classé niveau 2, et rentre quant à lui dans la catégorie incident.

Il s'agit d'un incident qui s'est déroulé à la centrale de Cruas-Meysse. L'ASN décrit "un événement de contamination d'un travailleur [...] en raison du dépassement estimé de la limite de dose réglementaire à la peau."

Par ailleurs les performances de la centrale ardéchoise "en matière de sûreté nucléaire rejoignent l'appréciation générale portée sur les centrales nucléaires d'EDF.

Mis à part la radioprotection, la centrale de Cruas-Meysse doit progresser sur le volet environnement elle doit "notamment concernant le confinement des effluents et la conduite à tenir en cas de situation de pollution."

La centrale du Bugey affiche quant à elle un bilan "contrasté". D'un côté "en matière de
sûreté nucléaire, de radioprotection et de protection de l'environnement rejoignent
l'appréciation générale des performances portée sur les centrales nucléaires d'EDF.
"

Mais de l'autre, l'ASN a relevé des "fragilités liées à la planification" concernant l'activité de maintenance qu'implique la visite décennale de ses réacteurs 4 et 5.

Autre point noir : en termes de radioprotection, les "résultats sont conformes, cependant des fragilités récurrentes sont observées concernant la propreté radiologique des installations, le confinement des chantiers à risque de dispersion de contamination et la mise à disposition des équipements de radioprotection."

La centrale de Saint-Alban fait office de bonne élève et l'ASN remarque ses "bonnes performances, qui se situent au-delà de l'appréciation générale." des performances que l'ASN porte sur les centrales nucléaires d'EDF. Elle a toutefois "des pistes d'amélioration concernant le suivi des régimes d'intervention délivrés aux intervenants" et une "accidentologie [qui] reste plus élevée que sur d'autres centrales nucléaires comparables."

Tricastin affiche des performances satisfaisantes, mais fait face à la justice

Pour la centrale de Tricastin, selon le bilan 2021 de l'ASN, "l'appréciation est globalement satisfaisante" et les modifications prévues par la quatrième visite décennale "ont été intégrées de façon satisfaisante."

Le gendarme du nucléaire note aussi que  "l'accidentologie a été maîtrisée, avec une baisse des accidents sans arrêt de travail." Toutefois, l'ASN relève qu'un accident grave a eu lieu cette année lors de l'intervention d'un plongeur. Sur le volet environnemental "les performances de Tricastin sont en retrait par rapport à 2020 et l'ASN attend des progrès."

Mais la centrale de Tricastin est par ailleurs sous les projecteurs de la justice. En octobre 2021, un ingénieur EDF qui y travaillait a déposé une plainte déposée. En juin 2022, le parquet de Marseille a ouvert une information judiciaire contre X pour "non-déclaration d'incident ou d'accident", "mise en danger d'autrui" et "faux et usage de faux", "déversement dans l'eau par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence d'une substance entraînant des effets nuisibles", "obstacle au contrôle des inspecteurs de la sûreté nucléaires" ou "harcèlement moral". L'enquête porte en tout sur une douzaine d'infractions potentielles au Code pénal et au Code de l'environnement pour des faits courant de début 2017 à fin 2021 à la centrale de Tricastin.

Le cadre EDF, depuis devenu lanceur d'alerte, a remarqué diverses anomalies - comme une surpuissance du réacteur n°1 en juin 2017 ou encore une inondation interne le 29 août 2018 sur la tranche n°3 - n'auraient pas été déclarées à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou l'auraient été de façon à "minimiser les événements". Une enquête étant en cours, l'ASN ne commente pas.

L'université Clermont-Auvergne mise en demeure

Au-delà des centrales, l'ASN se penche aussi sur les usines de fabrication de combustible comme Framatome à Romans-sur-Isère. Elle note "En 2021, 6 événements significatifs relatifs à la maîtrise du risque de criticité ont été déclarés au niveau 1 de l'échelle INES par Framatome qui a donc relancé un plan d'action « rigueur d'exploitation»."

Autre champs d'action de l'ASN, les activités de médecine et de recherche qui ont recours au nucléaire. Dans ce cadre, le 7 mars 2022, l'ASN a mis en demeure l'Université Clermont Auvergne pour qu'elle régularise "sa situation administrative relative à la détention de sources radioactives et de déchets radioactifs".

Il lui est -entre autres - reproché des irrégularités remarquées depuis 2018, comme entreposer "dans plusieurs locaux de l'université, de sources radioactives périmées en attente de reprise, et de déchets radioactifs en attente de caractérisation puis d'élimination, sans que l'université ne dispose, pour ces opérations, des autorisations requises par le code de la santé publique."Ou encore "la gestion de déchets contaminés par des radionucléides dans des filières non autorisées pour la gestion des déchets radioactifs."

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