RE2020 : Une "vraie avancée" pour les professionnels de la construction, mais...

Interview. Les tractations entre l’Etat et les professionnels de la construction continuent. Alors que la nouvelle réglementation environnementale, dite RE2020, pourrait entrer en vigueur dès le 1er juillet 2021, les acteurs du BTP auralpins se montrent prudents. Thibault Richard, président de la commission régionale environnement et construction durable de la FFB Auvergne-Rhône-Alpes, revient sur les contours d’une règlementation qu’il juge ambitieuse, mais dont la mise en application pourrait se transformer en casse-tête.
S'il estime que la nouvelle réglementation environnementale s'avère révolutionnaire et constitue une vraie avancée, Thibault Richard à la FFB Auvergne-Rhône-Alpes appelle cependant à conserver une forme de diversité des modes de construction.
S'il estime que la nouvelle réglementation environnementale s'avère "révolutionnaire" et constitue une "vraie avancée", Thibault Richard à la FFB Auvergne-Rhône-Alpes appelle cependant à conserver une forme de diversité des modes de construction. (Crédits : DR/FBTP)

LA TRIBUNE AUVERGNE RHONE-ALPES - Présentée en novembre 2020, la future réglementation environnementale du BTP, impose aux professionnels de la construction neuve de recourir à des matériaux et à des modes de construction qui impliquent de pouvoir stocker le carbone. Comment la première mouture de ce texte a-t-elle été accueillie par les professionnels de la construction ?

THIBAULT RICHARD - "Nous sommes face à une réglementation qui est tout à fait révolutionnaire, car c'est la première fois à ma connaissance qu'un pays introduit une notion de coût carbone dans une réglementation pour la construction.

Il s'agit d'une grande révolution car nous parlions avant de régulation thermique (RT) qui visait à faire baisser la consommation énergétique.

Aujourd'hui, cette nouvelle réglementation amène un nouvel indicateur, qui est le coût carbone. Avec ce texte, nous changeons de paradigme et de système, mais cela est pertinent au regard des objectifs fixés, qui sont de protéger l'environnement."

D'après les informations de La Tribune, une deuxième mouture du texte de cette nouvelle réglementation environnementale du bâtiment serait en discussions au sein du ministère de la Transition écologique de Barbara Pompili ? Sur quoi portent-elles exactement ?

"Des discussions sont effectivement en cours de manière à améliorer ce texte, car il existe un certain nombre de points de réglages nécessaires.

Au niveau de la profession, nous avons soutenu cette nouvelle réglementation et nous la soutenons toujours car nous sommes bien conscients des enjeux environnementaux.

Les acteurs de la construction se sont d'ailleurs impliqués depuis 2016 dans une expérimentation appelée les E+ et C- qui a donné lieu à près de 1.000 réalisations testées au niveau national. Il faut se souvenir qu'aucun autre pays ne possède à leur actuel d'indicateurs carbone sur lequel se référer. C'était donc une vraie avancée.

Mais à l'issue de cette expérimentation, tout n'a pas été repris : on sort tout juste d'une phase d'expérimentation, sans d'avoir pu prendre le temps d'en tirer les enseignements. Il existe par exemple des points d'achoppement, car le législateur introduit une notion de stockage du carbone dans les bâtiment, avec une  méthode d'analyse des cycles de vie dite dynamique, favorisant par ce calcul, l'usage de certains matériaux dont le bois.

Il faudrait laisser le temps au bureau d'études, aux industriels et entreprises de pouvoir s'adapter et mesurer les impacts  réel, pour bien les connaître. Car aujourd'hui, on ne se base que sur des hypothèses de calculs pour fixer certains seuils..."

 Avez-vous un exemple ?

"Un choix national a été fait et consiste à favoriser le stockage du carbone : je n'ai pas d'avis précis à ce sujet, mais nous pensons que certaines méthodes de calcul peuvent encore être aménagées afin de régler des aberrations. Cette réglementation favorise par exemple des matériaux comme le bois, qui a la propriété de stocker du carbone, mais on peut se poser la question de l'analyse de son cycle de vie : est-ce qu'il est plus intéressant de stocker du carbone tout de suite, sans prendre en compte que plus tard, d'ici 50 ans à 150 ans, on devra le prendre en charge.

Est-ce qu'il existe aujourd'hui un vrai intérêt pour le climat à stocker ainsi massivement certains matériaux, qui n'ont pas un bilan carbone global performant dans la durée ? Ou autrement dit, est-ce que le carbone que l'on économise aujourd'hui à plus de valeur que celui qu'on économisera demain ?

Nous alertons également sur le fait qu'aujourd'hui, les modes de calculs peuvent amener eux-mêmes des incohérences car pour rendre acceptable une construction, il pourrait suffire de remplir les alvéoles d'aggloméré en béton avec du bois, pour obtenir un apport négatif en carbone au sein du calcul. On se retrouve face à une situation ubuesque."

Pensez-vous que des aménagements soient encore possibles à ce sujet ?

"Des discussions sont en cours et vont probablement permettre de réaliser quelques premiers ajustements nécessaires".

Doit-on s'attendre à ce que les matières biosourcées d'origine renouvelable (biomasse), végétale (bois) ou animale deviennent la norme ?

"L'usage des matériaux biosourcés est en effet favorisé mais aujourd'hui, il est aussi à double tranchant. Car l'arrivée de ces nouveaux indicateurs ouvre d'un côté le champs des possibles en matière d'innovation.

Ces transformations peuvent être enthousiasmantes et dynamisantes pour la filière, en vue de trouver de nouvelles solutions techniques et technologiques, de nouveaux matériaux ou modes de constructions complémentaires. Mais il faut reconnaître que les objectifs fixés pour l'instant dans ce nouveau texte, avec les délais mentionnés, seront difficilement atteints.

Car pour évaluer le coût carbone, le texte prévoit par exemple d'avoir accès à des fiches matériaux, appelées FDES, indiquant notamment différents paramètres comme leur durée de vie, le coût carbone, etc. Or, la base de données de ces fiches reste encore insuffisante aujourd'hui. Bien souvent, les données de départ ne sont pas très fiables. L'un des premiers gros travaux consisterait déjà à affiner et fiabiliser les données d'entrée."

Le bois, devenu à la mode, est particulièrement favorisé au sein de cette nouvelle réglementation... Est-ce un point que vous soutenez ?

"Contraindre à n'utiliser que du bois au sein des futures constructions neuves ne passera pas... Il faut rester raisonnable, car la mixité des matériaux est techniquement intéressante.

Il ne faut pas oublier qu'une construction métallique est démontable par définition mais aussi recyclable, et même si elle présente un coût carbone de départ, celui-ci ne se retrouve plus si élevé lorsqu'on y intègre des notions de recyclabilité et de réemploi.

Sans compter qu'il pourrait être nécessaire d'intégrer également demain de nouveaux critères, comme la biodiversité et l'économie circulaire.

Certaines plantations de mélèzes de pays nordiques, issues d'un mode de culture intensive, ne permettront pas au bois qui en est produit, de rencontrer les objectifs sur ces deux indicateurs. Même s'ils ne sont pas encore prévus, leur introduction permettrait d'obtenir un bilan environnemental carbone plus global et plus cohérent, et éviterait de sacrifier une filière. Car sacrifier des milliers d'emplois en France en allant produire dans d'autres pays, afin de respecter la RE 2020, ce ne serait pas très raisonnable."

Craignez-vous que la version actuelle du texte ne génère un impact économique sur la filière de la construction ou de ses fournisseurs ?

"Nous serons vigilants au fait que cela ne génère pas une fermeture totale d'une filière comme celle du béton, par exemple. Car si des matériaux comme celui-ci peuvent être montrés du doigt en raison de leurs procédés de fabrication qui peut s'avérer polluant, c'est aussi une industrie qui génère des emplois locaux ainsi que des matériaux réemployables sous d'autres formes, comme des granulats.

Il ne faut pas oublier non plus que cela permet de réaliser des constructions que l'on ne pourrait pas faire en bois, comme des ponts routiers... Nous alertons sur le fait que malgré l'urgence climatique, il est important de ne pas de déstabiliser l'ensemble d'une filière."

La RE2020 est également synonyme de l'arrêt du gaz au sein des constructions neuves : est-ce une perte importante pour votre filière qui se profile ?

"Il faut tout d'abord se dire que cette mesure ne concerne effectivement que le logement neuf, dont la production annuelle ne représente que 1 % du parc, et près de 30 % du marché du bâtiment actuel au sens large. Le gaz demeurerait donc autorisé sur le marché de la rénovation, qui représente encore une part très importante.

Pour autant, la filière devra également s'adapter. Mais à l'image du plan de relance actuelle, si on laisse le temps aux acteurs de s'organiser, ils s'adapteront. L'essentiel étant de ne pas perdre l'essentiel de notre activité de manière brutale."

Certains industriels de l'énergie défendent l'arrivée de l'hydrogène et de gaz dits « verts » au sein de réseaux. Est-ce finalement une voie observée pour le milieu du bâtiment ?

"Il existe effectivement différents procédés à base de gaz vert, mais avec lesquels on n'est aujourd'hui pas encore certains de pouvoir alimenter l'ensemble du marché du logement, à l'heure actuelle. On imagine en effet que le gaz vert peut constituer une énergie de transition, et l'on espère que l'hydrogène deviendra à l'avenir une technologie vertueuse, qui doit permettre de prendre le relais.

Mais dans un contexte sanitaire compliqué, il faut surtout comprendre que les entreprises ont besoin de temps pour se retourner et ne pas prendre des mesures qui déstabilisent immédiatement l'ensemble de la filière."

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