Ce que traduit l’arrivée de Dominique Thillaud, d’Aéroports de la Côte d’Azur à la Compagnie des Alpes

ENJEUX. Le groupe, qui exploite les plus grandes stations françaises de ski alpin ainsi que des parcs de loisirs en Europe, a choisi d’annoncer il y a quelques mois, en pleine crise sanitaire, une transition au sein de sa gouvernance. C’est finalement Dominique Thillaud, l’ancien président du directoire d’Aéroports Nice Côte d’Azur, qui deviendra dans quelques semaines l’homme fort de la filiale de la Caisse des Dépôts. Que traduit cette arrivée au sein d’un groupe de taille, fortement bousculé par la crise sanitaire et la fermeture des stations françaises cet hiver ?
La CDA gère près de onze stations alpines (Comme Tignes, ci-contre, mais aussi La Plagne, Les Arcs, ou encore Val d'Isère...) ainsi que de 13 complexes ou sites de loisirs (dont Parc Astérix, le Futuroscope, des parcs Walibi...).
La CDA gère près de onze stations alpines (Comme Tignes, ci-contre, mais aussi La Plagne, Les Arcs, ou encore Val d'Isère...) ainsi que de 13 complexes ou sites de loisirs (dont Parc Astérix, le Futuroscope, des parcs Walibi...). (Crédits : DR)

La Compagnie des Alpes (CDA) s'apprête à changer de numéro Un, officiellement à compter du 1er juin prochain. Et le nom de son nouveau directeur général est désormais connu : il s'agit de Dominique Thillaud, ancien président du directoire du Groupe Aéroports de la Côte d'Azur.

On avait laissé Dominique Thillaud au mois de septembre, remplacé à la présidence du directoire d'Aéroports de la Côte d'Azur par Franck Goldnadel. Un départ surprenant, tant l'homme avait su résister aux différents soubresauts, dont celui de la privatisation qui avait vu le groupe italien Atlantia l'emporter, constituant alors un consortium baptisé Azzurra. Même après l'arrivée des transalpins aux commandes de la société qui regroupe, outre Nice, les aéroports de Cannes-Mandelieu et de Saint-Tropez, Dominique Thillaud était resté en place, continuant à mener la stratégie de conquête de l'ensemble aéroportuaire.

Passé par le domaine bancaire, au département fusions et acquisitions de Banexi, dès le début de sa carrière, ce diplômé de l'EM Lyon et de l'ISC Paris passe ensuite chez PWC avant de rejoindre JP Morgan Chase en tant que vice-président en charge des activités de fusion-acquisitions. C'est là qu'il conseille Lagardère pour la création d'EADS.

Changement de direction dès 2002, année où Dominique Thillaud intègre SNCF Participations, il en devient DG l'année suivante. En prenant ensuite la direction de la Stratégie Corporate, des investissements et du développement du groupe SNCF, il se retrouve à la manœuvre du développement des filiales telles que iDTGV, Kéolis, Eurostar ou Thalys. En 2012, le voici président de SNCF Energie.

C'est cette même année qu'il rejoint le Sud pour prendre la direction d'Aéroports de la Côte d'Azur. Avec trois aéroports en gestion, la société a des ambitions fortes. Celle de se développer pour augmenter son trafic passager. A l'été 2019, ce sont 14,3 millions de personnes qui ont transité par le seul Aéroport Nice Côte d'Azur.

L'un des chantiers, les plus primordiaux, concerne bien sûr le sujet environnemental. Sur ce point Dominique Thillaud - connu pour sa forte personnalité, son franc parler et son allant - ne tournait pas autour du pot. « Demain, la vraie boussole sera la compétitivité écologique", disait-il lors d'un entretien accordé à La Tribune. Désireux par ailleurs d'embarquer également dans l'aventure de la transition écologique, les compagnies aériennes.

Un nouveau DG pour quelle stratégie ?

Le groupe, dont la Caisse des Dépôts et Consignations demeure actionnaire majoritaire à 40%, aux côtés de banques régionales et de Sofival et investissements publics), avait en effet annoncé une transition à venir au sein de sa gouvernance, il y a quelques mois. Objectif officiel : séparer le poste de président et celui de directeur général.

Son actuel pdg, Dominique Marcel, en poste depuis 2008, l'affirmait à la Tribune en décembre dernier : « il s'agit d'une évolution plutôt naturelle », « la Caisse des Dépôts avait annoncé, depuis plusieurs années, son souhait que la gouvernance soit dissociée, comme cela se fait au sein de beaucoup de sociétés, entre une présidence du conseil d'administration et une direction générale ». Tout en précisant que son propre mandat arrivait à échéance en mars prochain, Dominique Marcel aurait en effet pu quitter ses fonctions. Mais il avait annoncé qu'il souhaitait demeurer au sein de la « maison », en occupant un poste non-exécutif, de président du conseil d'administration.

« D'autant plus qu'il était important d'assurer une forme de continuité dans un contexte de crise comme celui-ci », soulignait-il.

Et il aura encore fort à faire puisque fin décembre, la Compagnie des Alpes publiait des résultats annuels pour l'exercice 2019/2020, avec sans surprise, une baisse de - 28 % de son chiffre d'affaires par rapport à l'exercice précédent, qui conduit le groupe à afficher un chiffre d'affaires de 615 millions d'euros.

L'ensemble de ses 2.500 personnes employées à l'année pour ses domaines skiables avaient été placés en chômage partiel, pour un groupe qui emploie également 1.400 saisonniers au sein de sa branche liée aux parcs d'attractions), et 900 salariés permanents. Avant l'annonce d'une fermeture prolongée sur les vacances de février, le groupe envisageait déjà de procéder à « une baisse des investissements industriels nets de -16,4% par rapport à l'exercice précédant ».

Des stations en pleine tempête

Pour Laurent Vanat, consultant suisse spécialisé dans l'industrie de montagne et qui publie chaque année un rapport complet sur l'industrie des stations de skis, «il ne faut pas forcément voir, dans ce changement de gouvernance, une transformation profonde. On savait qu'avant cela, Agnès Pannier-Runacher, l'actuelle ministre en charge de l'Industrie, était aux commandes au niveau opérationnel (où elle était n°2 de 2013 à 2018 ndlr), mais depuis qu'elle est partie, la stratégie n'a pas fortement évolué. La CDA est un groupe qui laisse une certaine indépendance aux stations qu'elle gère », contextualise Laurent Vanat.

Alors que l'on pouvait se demander si le groupe, fortement touché par la crise sanitaire, pourrait en profiter pour se transformer, Laurent Vanat demeure nuancé : « J'ignore ce qu'il se passe en coulisses mais les stations sont là, et ont surtout besoin de se remettre à tourner. La CDA s'était déjà bien outillée dans la réflexion sur le tourisme estival avec son développement dans les parcs d'attraction, mais il existe une limite à les transposer en montagne ».

Lire aussi : Dominique Marcel (Compagnie des Alpes) : "Nos stations de ski ont de grandes capacités de rebond"

Son défi demeurerait donc plutôt celui d'un groupe qui a très tôt fait le choix de s'implanter dans toutes les stations de haute altitude (1.600 mètres et plus), et qui réunit à lui seul 15 millions de journées skieurs chaque année, sur un marché hexagonal de 50 millions de journées skieurs.

« Il s'agit du seul acteur de cette taille sur le marché français, face à d'autres qui pèsent entre 3 et 7 millions de journées skieurs pour les plus grands comme La Belle Montagne (Groupe Rémy Loisirs) ou Savoie stations ingénierie touristique (détenue à 90% par la Département de la Savoie et 10% par SAS Développement, ndlr) , qui n'est pas tout à fait construit sur le même segment », ajoute Laurent Vanat.

En effet, la CDA gère désormais près de onze stations alpines (La Plagne, Les Arcs, ou encore Val d'Isère...) et de 13 complexes ou sites de loisirs (dont Parc Astérix, le Futuroscope, des parcs Walibi...).

Un modèle de stations « à la française »

Et à l'heure où des réflexions concernant la transformation du modèle des stations de ski commencent à émerger, la CDA pourrait à ce titre faire face à un double handicap.

« D'une part, il reste difficile de développer le tourisme d'été à moins d'être sur un site exceptionnel comme Chamonix avec son aiguille du midi. Car on voit bien que les remontées mécaniques ont déjà toutes essayer d'attirer une clientèle en été sans vraiment y parvenir. Il s'agit d'un long processus », concède Laurent Vanat.

Sur ce plan, le leader bleu-blanc-rouge ne serait pas aidé par la structure même des stations françaises qui, contrairement à ses étrangères, ne sont pas construites sur le même modèle : « Les grandes stations françaises ont été construites pour skier, autour de grandes barres d'immeuble construit à 2000 m d'altitude, là où leurs homologues Suisse ou autrichienne sont plutôt de grandes stations de village qui vivent à l'année et se sont développées », observe Laurent Vanat.

Et même si la Compagnie des Alpes a jusqu'ici tenté le pari au début des années 2000, de s'implanter à l'étranger, elle n'est pas parvenue à s'imposer en Suisse notamment, ou le marché des stations de ski n'est pas attribué sous la forme des délégations de services publiques déléguée par l'Etat, comme en France. « A l'étranger, devenir propriétaire majoritaire d'une station signifie de racheter les remontées mécaniques, ce qui représente des investissements relativement lourds ».

Reste que de par son assise et ses solides positions au sein des plus grandes stations françaises qui tirent habituellement le marché, la Compagnie des Alpes ne fera pas partie des premiers de cordée à chuter dans un contexte économique de crise. Même si l'ampleur des dégâts dépendra de la durée de celle-ci. De son côté, Dominique Thillaud n'a eu de cesse aussi de répéter combien l'attractivité aéroportuaire était un élément de développement des territoires. C'est donc le même sujet qu'il retrouve à la Compagnie des Alpes, dont, il deviendra le Directeur général le 1er juin prochain.

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