La chambre régionale des comptes tacle la chambre de métiers du Rhône

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas tendre avec la chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) du Rhône. Dans son rapport du 19 juin, elle pointe l'acquisition en 2016 du nouveau siège de la CMA qui "soulève des interrogations quant à sa légalité". Le président de la chambre de métiers se défend et s'en explique dans un courrier.
Le nouveau siège de la CMA du Rhône et de la CRMA.
Le nouveau siège de la CMA du Rhône et de la CRMA. (Crédits : Groupe Cardinal)

L'immeuble de la discorde. Le futur siège de la chambre de métiers et de l'artisanat du Rhône, qui sera livré au mois d'août 2018, n'en finit pas de créer des remous.

La chambre régionale des comptes (CRC) y va aujourd'hui de son analyse après avoir diligenté un examen de la gestion de cet établissement public sur la période 2010-2015. Des voix s'étaient élevées en interne bien avant le 20 juin 2016, date de son acquisition auprès du promoteur Cardinal, critiquant le choix de ce déménagement et dénonçant son coût : 15,5 millions d'euros, pris en charge à 85 % par la CMA et 15 % par la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Auvergne-Rhône-Alpes (CRMA).

Lire aussi : Chambre de métiers du Rhône, un déménagement qui divise

Certains élus étaient plutôt partisans de l'option de la réhabilitation de l'actuel siège de la chambre consulaire, situé au 58 avenue Maréchal Foch dans le 6e arrondissement de Lyon. Et ce, pour un investissement estimé à 4,3 millions d'euros.

Mais ce choix n'aura pas eu les faveurs de l'équipe en place, estimant qu'acquérir un nouveau bâtiment de 4 000 m² (3 029 m² pour la CMA, 936 pour la CRMA) du programme îlot M3Nord, dans le quartier de la Confluence, apporterait "notoriété et image".

A la double condition, après avis favorable du préfet au projet en date du 23 novembre 2015, "de vendre le siège pour un montant de 8,5 millions d'euros et pour laquelle une promesse de vente a été signée le 29 décembre 2015 ; et la nécessité de mettre en œuvre un plan d'économies ou de dégager de nouvelles ressources afin de garantir le financement à long terme des investissements", rapporte la chambre régionale des comptes.

Le financement reposera ainsi sur la vente des deux sièges de chacune des chambres, l'utilisation de réserves financières et la souscription d'un emprunt.

Lire aussi : Quel sera le nouveau visage du siège de la chambre de métiers du Rhône ?

Rapport critique

La CMA du Rhône optera pour une opération en Véfa (vente en l'état futur d'achèvement), mais pour laquelle la CRC est assez sévère. Dans son rapport d'observations définitives, elle se montre critique sur cet achat estimant que "ce projet, décidé de longue date par le président de la CMA (Alain Audouard, NDLR), n'a été validé par l'assemblée générale qu'à l'issue d'un processus long et complexe". Et que "l'organe délibérant n'a pas disposé de tous les éléments lui permettant de s'assurer que le choix effectué était le plus pertinent pour l'établissement".

Une remarque à laquelle le président de la chambre de métiers a répondu, dans un courrier adressé à la CRC Auvergne-Rhône-Alpes, en date du 22 décembre 2017. Dans celui-ci, Alain Audouard rappelle de la pertinence d'un nouveau siège eu égard à l'actuel "qui n'est plus adapté, et nécessitant d'importants et onéreux travaux de remise aux normes".

"Il est excessif d'écrire que les élus se sont prononcés sans référence à un projet particulier, car était annexé aux délibérations un dossier de 20 pages constitutif du dossier d'assemblée générale présentant dans le détail le projet immobilier de Confluence et précisant ses modalités juridiques et financières", écrit-il.

Et ajoute : "Plusieurs localisations ont été à nouveau étudiées sur la base de projets de promoteurs immobiliers : Confluence (le 12 novembre 2009, Gérard Collomb, alors maire de Lyon, a informé le président de la CMA du Rhône d'une disponibilité foncière à quelques mettre du (futur) siège de la Région, NDLR), de Gerland, Jean Macé et Bron."

La CRC estime en effet que "les éléments d'information donnés à l'assemblée sur les alternatives au site de Confluence apparaissent limités, qu'il s'agisse des autres sites possibles ou de la rénovation du site actuel [...] La demande du bureau, en mars 2015, de réaliser une "véritable" étude immobilière, "détaillée et précise" concernant la réhabilitation du siège confirme le caractère insuffisant de la précédente étude. Une nouvelle analyse portant sur les 4 sites a alors été produite en 2015, mais il convient de relever son caractère succinct, puisqu'elle est présentée sous la forme d'un tableau comparatif de quatre projets immobiliers.

Il aurait été dans le rôle de l'assemblée de définir au moins une pondération pour ces critères afin de pouvoir arrêter un choix de façon rationnelle et concertée. Mais le débat en assemblée générale n'a pas été engagé sur cette comparaison."

Légalité ?

Dans son rapport, la chambre régionale des comptes va plus loin et souligne qu'"en l'absence de plan de financement prévisionnel complet, l'assemblée générale n'est pas non plus à ce jour en mesure d'apprécier l'impact de cet investissement sur la situation financière de l'établissement. En outre, le recours à la vente en état futur d'achèvement pour l'acquisition du bâtiment soulève des interrogations quant à sa légalité. En toute hypothèse, la CMA aurait dû procéder à une publicité et à une mise en concurrence en bonne et due forme, ce qu'elle n'a pas fait".

Une remarque pouvant être lourde de conséquences, mais dont le président de la chambre de métiers soutient qu'à "aucun moment l'opération n'a été enclenchée sans le vote préalable des élus qui ont été amplement informés, à plusieurs reprises, des caractéristiques du projet et de ses conditions financières".

"Le recours à la Vefa a été fait dans le respect des règles de la commande publique. La jurisprudence administrative a admis la possibilité pour les personnes publiques de procéder à l'acquisition d'un immeuble en Vefa.

Mais il résulte de cette même jurisprudence administrative que le recours au procédé de la Vefa n'est pas fondé si, de façon cumulative, il apparaît que : l'objet de l'opération est la construction d'un immeuble pour le compte de la collectivité, c'est-à-dire à sa demande, à son initiative ; cet immeuble est entièrement destiné à devenir la propriété de la personne publique ; cet immeuble est conçu pour répondre à ses besoins propres. Le rapport d'observations définitives s'interroge sur le respect de ces différentes conditions. Or en l'espèce, il est très clair qu'aucune de ces conditions n'étant remplie le recours au procédé de la Vefa est parfaitement fondé."

Et il défend, argument à l'appui :

"Les marchés publics de services immobiliers visés à l'article 14.2 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, et en particulier ceux visant l'acquisition de biens immobiliers existants, demeurent exclus du champ d'application de ladite ordonnance et donc des procédures de passation propres aux marchés de travaux."

Une opération immobilière qui "va permettre de regrouper les deux chambres, avec un impact financier indirect qui sera très positif", souligne dans son courrier Alain Audouard. Et il veut croire que "cela facilitera les mutualisations entre les deux structures et donc les économies d'échelles".

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.