Encadrement des loyers à Lyon : un symbole qui sera scruté cette année

Prévu pour le deuxième semestre 2021, l'encadrement des loyers à Lyon et Villeurbanne inquiète déjà les acteurs du marché immobilier, qui anticipent déjà un impact direct sur le comportement des propriétaires. De son côté, la Métropole de Lyon, conduite par l'écologiste Bruno Bernard, veut rassurer en affirmant que la mesure vise en premier lieu à freiner la progression des loyers, et non pas à conduire à une baisse des loyers existants.
L'encadrement des loyer sera défini par les loyers médians de références + 20 %. Ces loyers médians seront indiqués par l'Observatoire local de loyers, puis arrêtés par la Préfecture. Ils seront établis par zones, par catégorie de logement, en fonction de si la location est meublé ou non, du nombre de pièces et de l'époque de construction.
L'encadrement des loyer sera défini par les loyers médians de références + 20 %. Ces loyers médians seront indiqués par l'Observatoire local de loyers, puis arrêtés par la Préfecture. Ils seront établis par zones, par catégorie de logement, en fonction de si la location est meublé ou non, du nombre de pièces et de l'époque de construction. (Crédits : Pixabay)

C'est un symbole de plus qui sera largement scruté cette année sur la scène nationale : promesse de campagne du nouveau président EELV Bruno Bernard, l'encadrement des loyers a été voté le 5 octobre dernier, et prendra la forme d'une expérimentation à compter du 2e semestre 2021 au sein des villes de Lyon et Villeurbanne.

Si Lyon n'arrive pas encore à la cheville de Paris en matière de loyers, la Fnaim du Rhône avait rappelé dans son dernier rapport annuel que le marché de la location demeurait particulièrement tendu à Lyon. Depuis 2018, le coût des loyers aurait même grimpé de 10%.

"En ce sens, l'encadrement des loyers était un enjeu pour l'ensemble des listes -présentées au cours des dernières municipales, ndlr-. Les encadrer est l'une des mesures visant à desserrer la pression autour du marché immobilier, qui demeure particulièrement tendu au niveau des petites surfaces", traduisait Renaud Payre, vice-président de la Métropole délégué à l'habitat, au logement social et à la politique de la Ville de Lyon.

Si les avantages d'une telle mesure à destination des locataires peuvent sembler clairs, la question divise du côté des acteurs de l'immobilier, qui demandent davantage de concertation.

Lancement prévu en 2021

Prévue par loi loi Elan de 2018, l'expérimentation de l'encadrement des loyers permet aux grandes villes avec des marché immobilier tendu d'instaurer, provisoirement, des plafonds aux loyers qui ne cessent d'augmenter. Les villes de Lille et Paris, qui participent déjà à cette expérimentation, seront donc à ce titre bientôt rejointes par Lyon, Villeurbanne, Montpellier, Grenoble et Bordeaux.

A Lyon et Villeurbanne, la mise en place est prévue entre juin et septembre 2021 et devrait durer jusqu'en 2023.

Le dossier de la métropole rhodanienne n'a pas encore été officiellement validé par l'État, mais tous les signaux semblent verts. Renaud Payre n'a pas de doute quant à l'acceptation du dossier : "On coche toutes les cases."

Actuellement, il existe déjà une forme d'encadrement des loyers à la re-location, obligeant à appliquer le même loyer quand survient un changement de locataire.

Méfiance quant au loyer de référence

L'encadrement des loyers envisagé à la mi-2021 sera défini par les loyers médians de référence, augmentés de 20 % ou minorés de 30 %. Ces loyers médians seront indiqués par l'Observatoire local de loyers, puis arrêtés par la Préfecture. Ils seront établis par zones, par catégories de logements (meublés ou non, nombre de pièces, époque de construction, etc).

Selon les textes, "un complément de loyer pourra aussi être appliqué au loyer de base pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant". Aussi, cette disposition ne concernera que les logements privés, mis ou remis en location, et les renouvellements de bail.

Mais les professionnels de l'immobilier demandent déjà plus de dialogue, concernant notamment la détermination du prix du loyer médian.

"Dans le cadre de cette nouvelle réglementation, on souhaite être associés sur la définition du prix et du zonage", déclare Nicolas Bouscasse, président de la Fnaim du Rhône. "Le but c'est qu'on vienne apporter une connaissance de terrain et qu'on mette les chiffres au bon endroit".

Selon la Métropole de Lyon, le loyer médian est ainsi de 12 euros /m² sur l'ensemble Lyon et Villeurbanne et de 16,2 euros /m² pour les petites surfaces dans certains quartiers de Lyon. La Fnaim a quant à elle annoncé un loyer médian à 14,9 euros/m² à Lyon, toutes surfaces confondues, et un un loyer médian entre 19,4 euros (nouveaux baux) et 16,8 euros du m² (baux en cours) pour les studios.

"Les prix sont élevés, mais cela n'a rien à voir avec Paris -où le loyer médian est le double de Lyon, ndlr-. Beaucoup de mesures sont prises à l'aune de la capitale et irradient tout le territoire alors qu'à Lyon, il n'y a pas de problème de loyers, la principale difficulté réside dans le manque de foncier et de logements", commente pour sa part Sylvain Grataloup, président de l'Union nationale des propriétaires du Rhône (UNPI).

Tout en restant lucide : "Évidemment que les étudiants ne pourront pas habiter place Bellecour."

Sylvain Grataloup voit dans l'encadrement des loyers "une mesure idéologique qui ne permet pas de résoudre le problème, qui ne changera pas la fracture entre ceux qui peuvent assumer des loyers élevés et ceux qui ne peuvent pas." Sur le long terme, il admet toutefois que cette mesure pourrait devenir nécessaire.

Pour Renaud Payre, pas question d'attendre cependant : "il s'agit pour nous d'un signal, car nous ne pensons pas que le marché s'auto-régule. Si on laisse faire ce marché, on va atteindre des chiffres très importants qui vont exclure une partie de la population de la Métropole. Or en agissant maintenant, nous pouvons freiner la progression."

Ce dernier s'engage néanmoins à échanger avec les professionnels de l'immobilier concernant le zonage des loyers de référence par exemple.

Un dérèglement du marché à craindre ?

La définition du loyer médian inquiète tout particulièrement les professionnels de l'immobilier, qui anticipent un dérèglement du marché actuel, qui pourrait survenir selon eux aux dépends des propriétaires.

"D'un côté, je crains que cette mesure soit totalement improductive et ait en réalité pour conséquence d'augmenter les loyers actuels, notamment sur les plus grandes surfaces", communiquait Cyril Imsissen, directeur de plusieurs agences Orpi à Lyon.

Celui-ci observait en effet que "les propriétaires qui pratiquent actuellement des prix modérés, notamment sur les T3 ou les T4, souhaiteront logiquement s'aligner sur le prix médian et donc, augmenter leur loyer".

Cet inflation des loyers avait aussi été évoquée par la Fnaim lors de la présentation annuelle de ses chiffres, qui interprétait notamment l'augmentation des loyers connue depuis 2018 comme "une anticipation des futures mesures sur l'encadrement des loyers." Les bailleurs en profitant pour augmenter les loyers, en bravant ou contournant l'interdiction de changer les prix entre deux locataires.

D'un autre côté, afficher un trop grand écart entre les prix peut susciter des problèmes pour répondre à la demande. "Par exemple, si l'on décrète un loyer de 10 euros/m² , un propriétaire de 100 m² au centre-ville va préférer ne pas louer. Les gens qui n'arriveront pas à louer à un certain loyer risquent tout bonnement de revendre", avance Nicolas Bouscasse.

Le président de la Fnaim évoque aussi le risque que les propriétaires basculent sur de la location touristique et, qu'en conséquence, le marché de la location se tende encore un peu plus. "Les propriétaires peuvent aussi retirer la gestion aux agences et développer un marché noir, où ils fixeront leurs prix", ajoute-t-il.

Contre les fraudes, la Métropole de Lyon a prévu un organe de contrôle, soit un numéro de téléphone pour effectuer des signalements, ainsi que des contrôles externes. Des recrutements sont prévus à cet effet (nombre : NC). La loi prévoit par ailleurs qu'un bailleur qui déroge à la réglementation puisse recevoir une mise en demeure puis, en cas de récidive, une amende allant de 5.000 à 15.000 euros.

Selon le président de l'UNPI, les charges qui incombent déjà aux propriétaires -dont l'augmentation régulière de la taxe foncière depuis 10 ans-, risqueraient de peser d'autant plus si les loyers sont plafonnés : "On fait supporter aux propriétaires bailleurs beaucoup de choses qui relèvent du pouvoir régalien de l'État  (frais de copropriété, ravalement de façade, rénovations énergétiques). Or, il existe aussi, parmi les propriétaires, des familles sans revenus fonciers extrêmement importants".

Le foncier comme autre levier d'action

C'est pourquoi les professionnels de l'immobilier continuent d'insister, en parallèle, sur le besoin de la production de logements :

"A nos yeux, le meilleur moyen d'agir concrètement sur la régulation du prix des loyers est de remettre de l'offre sur le marché, en délivrant des permis de construire. Nous avons encore la chance à Lyon d'avoir du foncier disponible pour construire des résidences étudiantes par exemple. Profitons-en ! En remettant de l'offre sur le marché, les prix des loyers se réguleront davantage", déclarait Cyril Imsissen d'Orpi.

Sur ce point, la Métropole affirme qu'elle s'attèlera à "faire des réserves de foncier". Aussi, l'Office foncier solidaire, mis en place lors de la mandature précédente, vise à construire 1.000 nouveaux logements par an, au lieu des 150 prévus. Cet office permet d'accéder à un logement en séparant les coûts du foncier et du bâti. Par exemple, dans des quartiers où les prix de ventes sont autour de 9.000 euros/m² ce dispositif permettrait de baisser les tarifs à 3.000 voire 4.000 euros/m².

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