Grenoble : le Kaps à l’heure du bilan

Il y a deux ans, le quartier Mistral accueillait pour la première fois une quarantaine d’étudiants Kapseurs dans des appartements neufs aux loyers abordables (290€). L’objectif de ces colocs à projets solidaires ? Favoriser la mixité en créant des projets communs avec les habitants. A l’heure où la problématique du lien social est très présente chez l’ensemble des bailleurs sociaux, quel est le premier bilan de cette opération gérée par l’Afev et par le bailleur social, Grenoble Habitat ?
Les étudiants du Kaps doivent dédier au moins 3 heures par semaine à des projets concernant la vie du quartier : animation de jardins collectifs, organisation d'une collecte de dons du sang, street art...

Après les logements communautaires « kots-à-projets », développés dans les années 1980 en Belgique, et les premiers appartements Kaps installés par l'Afev en 2010 à Toulouse, Grenoble a été l'une des premières villes à accueillir une résidence entièrement dédiée aux Kapseurs en 2012.

L'idée ? « Favoriser la mixité sociale en proposant aux jeunes de devenir acteurs des quartiers populaires et d'entrainer les habitants à participer à des projets avec eux», détaille Mélissa Boutry, coordinatrice du Kaps pour l'Afev. Financé par la Caisse des dépôts et géré par le bailleur social Grenoble Habitat (3000 logements locatifs), le projet a démarré avec la livraison du bâtiment le 1er septembre 2012.

40 étudiants de moyenne

Conçue au départ pour abriter 18 appartements de 5 et 6 pièces (70 à 80m2), la résidence flambant neuve n'aura pour l'instant jamais atteint sa capacité maximale de 80 étudiants. « Nous avons tourné pendant les deux premières années à 40 étudiants, car le Kaps était quelque chose de nouveau dans le paysage grenoblois. Il n'est pas non plus facile de remplir des colocations où les jeunes ne se connaissent pas», note Mélissa Boutry. Mais progressivement, les choses changent : pour cette 3e rentrée, l'Afev a accueilli 55 étudiants. « Quitte à avoir quelques logements vides pendant quelques années encore, nous n'abaisserons pas pour autant les critères de sélection, basés sur la motivation et le projet personnel des jeunes » précise-t-elle. Premier succès : en 2014, une douzaine de jeunes ont choisi de passer leur seconde année au sein de la résidence.

Tisser des liens

Parmi eux, Meriem, 24 ans, est une Kapseuse de la première heure : de retour après un séjour d'un an à l'étranger, c'est au Kaps qu'elle a souhaité se réinstaller pour préparer sa licence d'économie et de gestion. « Au départ, ce qui m'avait séduit était la vie en groupe. Je suis revenue car je trouve que l'on a vraiment une place à se faire au sein du quartier, et il est passionnant de définir un projet associatif ensemble », estime-t-elle. En plus de l'apprentissage de la vie en collectivité, l'un des défis aura été pour elle d'apprendre à tisser du lien avec les habitants. « Ce qui est difficile, c'est que les Kapseurs sont voués à ne rester qu'un an ou deux, alors qu'il faut du temps pour s'intégrer à la vie d'un quartier », rappelle-t-elle.

Mais pour cela, les étudiants ont pu compter sur la présence d'un important tissu associatif constitué des associations d'habitants, de loisirs, ou d'entraide... « Dès le début, les Kapseurs se sont engagés dans la vie du quartier. La participation était non seulement demandée par les habitants, mais aussi nécessaire », estime Karim Kadri, président du CoHaMis, un collectif d'habitants du quartier Mistral.

Mistral Kaps

La résidence Kaps de Grenoble dans le quartier Mistral. (Crédits DR)

« La loi du sol »

« L'installation dans le paysage s'est faite petit à petit et une collaboration s'est dessinée plutôt la 2e année. Il ne fallait pas être trop ambitieux au départ et voir si la greffe pouvait prendre », se souvient Hassen Bouzeghoub, directeur de l'équipement sportif et culturel Le Plateau, un lieu de rencontres devenu incontournable dans ce quartier qui s'est peu à peu vidé de ses commerces de proximité. « Nous allons crescendo.La notion de temps est importante car il n'est pas simple de s'ancrer sur ces territoires où l'on parle souvent de droit du sol », analyse M. Bouzeghoub.

Lorsqu'on lui demande si le jeu en vaut la chandelle alors que le taux d'occupation peine à atteindre les 50 %, ce dernier n'émet aucun doute : « Cela permet de faire venir du monde extérieur à Mistral. Au début, ces jeunes étaient connus comme des étudiants chanceux qui avaient des lofts en ville. Mais quand on a expliqué qu'il s'agissait d'étudiants pouvant venir eux aussi d'une famille modeste et qui faisaient l'effort de donner de leur temps, le regard a commencé à changer ».

Un vivier de compétences

Reste qu'avant de pouvoir être identifiés comme des « Kapseurs » et non plus comme des « étudiants » dans la rue, « on aura certainement deux ou trois générations sacrifiées pour pouvoir installer le projet », note M. Bouzeghoub. Pour les associations du quartier, la présence de ces jeunes est aussi l'occasion rêvée d'avoir accès à un vivier de compétences. « Il faut que l'on travaille à mieux préparer les thématiques et les projets, afin qu'il y ait une vraie rencontre entre les besoins des habitants et les envies des jeunes », estime-t-il.

L'an dernier, des Kapseurs ont par exemple organisé une exposition de photos sur les palissades d'un chantier de démolition, afin de travailler sur l'image du quartier, organisé une collecte de don du sang ou participé à l'animation des jardins collectifs... « En fonction de la sensibilité de l'étudiant, on peut aussi imaginer de développer le volet d'accompagnement scolaire avec la notion de tuteurs, ou culturel pour accompagner des sorties de théâtre ou en organisant des festivals. Chaque année, une thématique pourrait servir de fil rouge afin de créer une cohérence entre eux et le territoire », suggère M. Bouzeghoub.

Si tout reste encore à inventer, l'objectif du Kaps n'est pas de révolutionner le quotidien des habitants. « Ce n'est pas à nous de changer leur mode de vie, rappelle Meriem. Beaucoup d'étudiants ne connaissent pas la banlieue. C'est en la vivant qu'on peut apporter un regard différent et impulser d'autres rapports avec ces zones urbaines ». Un projet qui continuera à faire des petits, puisqu'une résidence Kaps de 13 appartements s'est s'installée à la rentrée 2014, dans la banlieue lyonnaise, à Oullins.

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