A Montréal, l'agence d'attractivité lyonnaise (Aderly) adresse ses premiers signaux aux investisseurs étrangers

EXCLUSIF. Se tourner vers le qualitatif, plus que le quantitatif, ne signifie pas pour autant se couper des investissements étrangers. C'est, entre autres, le message que le nouveau directeur général de l’agence de développement économique du Grand Lyon (Aderly) est venu faire passer à l'occasion de sa première visite en Amérique du Nord. Lors d'une série de rencontres économiques à Montréal, Bertrand Foucher a démontré son ambition de développer des ponts sur des secteurs clés comme l’énergie, l’économie sociale, ou encore la santé. Tout en composant avec la nouvelle donne des prix de l’énergie, qui pèse sur la destination France.
Pour l’Aderly, « accueillir moins, mais mieux » ne signifie pas faire une croix sur les investissements étrangers. Le nouveau directeur général de l'agence d'attractivité lyonnaise, Bertrand Foucher, a sillonné Montréal durant trois jours en allant à la rencontre du monde économique, des participants aux entretiens Jacques Cartier, comme des ambassadeurs du réseau Only Lyon.
Pour l’Aderly, « accueillir moins, mais mieux » ne signifie pas faire une croix sur les investissements étrangers. Le nouveau directeur général de l'agence d'attractivité lyonnaise, Bertrand Foucher, a sillonné Montréal durant trois jours en allant à la rencontre du monde économique, des participants aux entretiens Jacques Cartier, comme des ambassadeurs du réseau Only Lyon. (Crédits : DR/ML)

Il s'agissait de sa première visite en dehors du continent européen, quelques semaines seulement après son arrivée, et la clarification de la feuille de route de l'agence d'attractivité lyonnaise (Aderly), dont la métropole écologiste n'avait pas hésité à afficher ses couleurs : « faire moins de quantité, mais plus de qualité » sur la scène des investissements étrangers.

Durant trois jours, le nouveau directeur général de l'Aderly, Bertrand Foucher, a pris les rênes d'une mission économique à Montréal, qui se tenait en marge des 34e Entretiens Jacques Cartier. Un événement en lui-même, sur la scène lyonnaise, qui rassemble chaque année plus d'un millier de participants des deux côtés de l'Atlantique.

Sauf que cette année, en plus de mettre en lumière les collaborations scientifiques et sociétales, ces rencontres auront aussi pris une dimension plus économique, avec la mission conduite par les équipes de l'agence d'attractivité lyonnaise, aussi connue sous sa marque Only Lyon.

Car après seize années passées sous la mandature du PS puis LREM Gérard Collomb, la direction de l'agence d'attractivité lyonnaise, co-présidée par le président de la Métropole de Lyon et le président de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne, avait de fait changé d'ADN.

Une mission avant tout « économique »

Après avoir exposé une nouvelle feuille de route axée sur la durabilité des investissements il y a quelques semaines, restait à illustrer la vision, et surtout, la direction que souhaitait prendre le nouveau patron de l'Aderly. Et à poser des actes.

Et c'est en cela que la visite à Montréal est significative à plus d'un titre, puisqu'elle illustre en premier lieu la volonté de « s'intégrer dans sa mission au service des entreprises qui souhaitent s'implanter à Lyon » et plus particulièrement cette fois « au service du territoire et des Entretiens Jacques-Cartier, qui représente une plateforme d'échanges intéressante entre les collectivités, des milieux académiques et économiques des deux territoires », explique Bertrand Foucher à La Tribune.

Ainsi, durant trois jours, le nouveau chef de file de l'agence économique a rencontré les décideurs économiques tous azimuts de la scène lyonnaise et montréalaise, tantôt aux côtés des services de la CCI, de la Métropole de Lyon ou de l'incubateur Ronalpia, avec lequel il coorganisait sa mission économique, afin de marteler un nouveau marqueur de sa stratégie d'attractivité : l'économie sociale et solidaire.

Bertrand Foucher a notamment voulu se "benchmarker" et échanger les bonnes pratiques avec ses homologues de Montréal International, mais aussi en rencontrant des partenaires et prospects sur le territoire du Grand Montréal, ainsi que le réseau des 30.000 ambassadeurs d'Only Lyon à l'échelle mondiale, et dont une large portion sont basés sur l'île de Montréal.

Une position pragmatique assumée

« Les investissements étrangers représentent aujourd'hui un peu moins de la moitié des 60 à 70 projets accompagnés chaque année par l'Aderly dans leur implantation sur la métropole de Lyon, l'autre partie étant composée des projets à capitaux français provenant d'une autre région », explique le patron de l'Aderly.

Et pas de doute pour lui, ces investissements liés au grand export, « sont à préserver aujourd'hui » et ne seraient pas antinomiques avec la vision de transition, portée sur les politiques locales.

Une position qui se veut même « pragmatique », pour un nouveau directeur, qui sait qu'il est devenu le point d'équilibre entre la vision de la Métropole écologiste, qui porte des ambitions plus poussées en matière de transition écologiques, et celle de son second donneur d'ordres, la CCI Lyon Saint-Etienne, qui représente plus largement les intérêts du monde économique.

« Nos efforts sont dirigés aujourd'hui afin de pouvoir capter, détecter des projets qui font vraiment du sens pour notre territoire. Nous sommes venus de manière un peu opportuniste à l'occasion des Entretiens Jacques Cartier, mais le constat que je fais en arrivant ici, c'est qu'il existe un très grand matching entre les secteurs d'activité qui sont développés, comme l'énergie, le digital, la santé, ou l'entrepreneuriat social, qui est extrêmement dynamique, avec des solutions innovantes », résume Bertrand Foucher.

La place particulière du Québec dans la stratégie nord-américaine

Si historiquement, les entreprises à capitaux étrangers les plus présentes à Lyon sont en premier lieu des groupes américains, l'Aderly voit justement grimper la part d'investissements canadiens et québécois en région lyonnaise « depuis environ quatre ans ».

« Et ce qui est encourageant, c'est qu'on dénombre aujourd'hui une dizaine de projets d'investissements canadiens ou québécois dans notre portefeuille aujourd'hui, avec des dates d'atterrissage prévues sur 2023 en 2024 ».

Si les noms ne sont pas encore divulgués, Bertrand Foucher aura notamment rencontré, durant sa visite à Montréal, un entrepreneur montréalais qui réalise des contenus éditoriaux multiplateformes (Gala Média) ainsi que la société de logiciels Logient, qui font tous deux parties des prospects en vue d'une installation à Lyon.

Un point qui intéresse tout particulièrement le patron de l'Aderly, puisqu'il lui permet aussi de mieux transformer l'essai, en accueillant des entreprises déjà en phase avec les secteurs "clés" de la métropole lyonnaise, qui pourront s'appuyer dès leur arrivée sur des écosystèmes et notamment des pôles de compétitivité et incubateurs déjà actifs sur ces sujets. Et donc susceptibles de créer des synergies et de se déployer ensuite plus rapidement.

Car outre ces deux exemples situés plutôt dans le domaine des services, l'Aderly est aussi venue défendre une vision axée sur la production :

« Nous voulons vraiment ramener de l'activité productive à Lyon pour des questions de souveraineté. Cela ne veut pas forcément dire des usines à centaines de milliers de personnes ou des gigafactories au cœur de la ville, mais en revanche, d'accompagner des projets à forte valeur ajoutée, comme on le voit aujourd'hui dans la filière hydrogène », assure Bertrand Foucher.

Ramener les fonctions productives au sein de la métropole

Actuellement, la métropole lyonnaise dispose encore de poches foncières, en particulier dans la vallée de la Chimie, la plaine de l'Ain, ou même les Portes de l'Isère. « Ce territoire du Nord-Isère avait notamment une forte tradition historique sur la logistique et se questionne aujourd'hui sur le fait de pouvoir accueillir des projets à très forte valeur ajoutée qui font du sens », ajoute le directeur de l'Aderly.

Mais là encore, la question des mètres carrés pourrait devenir rapidement déterminante : « la rareté du foncier, associée aux exigences de zéro artificialisation nette (ZAN), est un enjeu que se partagent tous les territoires. On n'est pas en train de dire que tout ce qu'on ne veut pas au coeur de la métropole, on peut le pousser ailleurs et que les autres peuvent prendre n'importe quoi. Ces territoires rencontrent aujourd'hui les mêmes problématiques », assure-t-il.

D'autres secteurs sont également dans le viseur de l'Aderly : l'économie sociale et les entreprises de l'ESS, un secteur déjà fortement développé à Montréal, mais également les nouvelles formes d'agriculture urbaine. Les équipes métropolitaines ont d'ailleurs pu visiter et échanger avec plusieurs projets comme celui de la Centrale Agricole, à Montréal, un hôtel et incubateur de nouveaux modes de production alimentaires, situés au sein d'une friche industrielle, ou encore le marché Ahunstic, qui propose un système de cartes alimentaires subventionnées pouvant ressembler à une nouvelle forme de « sécurité sociale alimentaire ».

« A Lyon, il existe aussi beaucoup de demandes à ce sujet, ainsi qu'une vraie stratégie métropolitaine pour développer cette forme de souveraineté par l'alimentation ». Mais le principal frein de ce type de dossier resterait lui aussi foncier :

« Aujourd'hui, ces projets d'agriculture urbaine pâtissent encore de la concurrence avec les autres usages du foncier (immobilier de bureaux, logements, infrastructures publiques, etc), y compris pour l'immobilier en réhabilitation, car tout le monde a bien compris que c'était là que se situaient aujourd'hui les réserves foncières. Cela passera nécessairement par des logiques de programmation et d'aménagement du territoire sur du long terme », estime Bertrand Foucher.

L'épine dans le pied de la France : l'énergie

Pour le directeur de l'Aderly, toute l'ambition sera donc d'attirer en premier lieu des entreprises étrangères qui soient capables de consolider les filières déjà existantes sur les bassins d'emplois, comme celle des biotechs ou de l'hydrogène. A l'image de l'implantation du fabricant de piles à combustibles de Symbio, au cœur de la vallée de la chimie, qui a lui-même entraîné l'arrivée du leader japonais de l'instrumentation Horiba, faisant lui-même évoluer son propre modèle pour réaliser désormais aussi des tests sur les piles à hydrogène.

Reste une épine de taille dans le pied de cette stratégie : la hausse des prix de l'énergie, qui a mis un sérieux coup de semonce à l'attractivité de la destination France, et lyonnaise par ricochet.

« On observe déjà des arbitrages qui ne sont pas forcément en faveur de la France, notamment au coeur des groupes particulièrement intégrés, avec des projets d'investissement dont les horizons de décisions sont décalés, comme dans l'industrie », atteste Bertrand Foucher, sans pour autant citer de noms.

« Etre encore un peu plus fin dans l'argumentaire pour attirer »

S'il juge « un peu tôt » pour connaître le réel impact de cette situation sur l'attractivité lyonnaise et sur la feuille de route de l'agence d'attractivité, « une chose est certaine : il va falloir être encore un peu plus fin dans l'argumentation, afin de que ces projets arrivent chez nous ».

Une stratégie qui devrait passer par un positionnement plus franc sur les enjeux de souveraineté, intégrant par exemple la question de la protection des données personnelles, que l'Aderly compte appuyer dans chaque projet qu'il « chasse ». En martelant les garanties proposées en Europe et en France : « Nous avons bien senti que ce n'était pas une préoccupation directe des acteurs nord-américains, il y a donc une carte à jouer ». Reste à voir comment cela pourrait se traduire dans les chiffres : dans la grande région de Montréal, il n'a pas échappé à l'Aderly que chaque nouveau projet génère en moyenne 100 emplois, mais aussi des revenus annuels moyens de 86.000 dollars canadiens.

Citant également l'exemple de Faurecia, qui a confirmé récemment à Lyon l'implantation de sa nouvelle division de R&D sur les matériaux durables (avec une centaine d'ingénieurs à la clé), l'Aderly compte entre autres s'orienter vers l'accueil d'unités de production hybrides, destinées en premier lieu au prototypage, qui présentent aussi l'avantage d'être moins gourmandes en foncier comme en énergie, et de contribuer à des créations d'emplois à plus forte valeur ajoutée.

« On n'est pas directement dans le productif, dans le sens où il ne s'agit pas de produire uniquement en série, mais dans une logique de micro-usines qui vont être ouvertes sur leurs territoires et permettre de réaliser des tests sur les procédés. De facto, on ramène ainsi du productif dans la ville », défend Bertrand Foucher.

Un élément qu'il juge également déterminant pour contrer un autre enjeu : celui du recrutement des jeunes talents. Car pour le nouveau patron de l'Aderly, qui a dirigé précédemment l'EBE EmerJean de l'expérimentation Territoires Zéro Chômeurs Longue Durée (TZCLD), la question de l'emploi restera centrale dans sa future mission : « l'industrie actuelle souffre de grandes difficultés de recrutement et c'est aussi en remettant des espaces productifs en ville que l'on va donner à voir l'industrie aux jeunes, en s'implantant au plus près des campus et des bassins de main d'œuvre. Même si bien entendu, on n'aura pas de gigafactories de batteries dans le centre de Lyon ou à Gerland, car ce n'est pas notre stratégie ».

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