Pourquoi le nombre de créations d'entreprises continue d'augmenter en AuRA ?

On savait déjà que la région Auvergne Rhône-Alpes bénéficiait d'un écosystème diversifié, et d'un vivier d'entrepreneurs actifs : mais on peut désormais dire que ce tissu s'avère aussi très résilient. Selon les données de l'INSEE, la région a enregistré un bond de +15,9% du nombre de créations d'entreprises au 3e trimestre dernier, en pleine crise sanitaire. Décryptage.
Au troisième trimestre 2020, près de 28.000 entreprises ont été créées au sein de la région Auvergne Rhône-Alpes, ce qui représente un bond de +40% par rapport au trimestre précédant, fortement marqué par le premier confinement, mais aussi de +15,9 % entre 2019 et 2020.

Alors que la France se trouvait entre les deux vagues de Covid-19, le nombre de créations d'entreprises n'a pas faibli en région Auvergne Rhône-Alpes. C'est même plutôt l'inverse, puisque notre région a enregistré la création de 28.918 entreprises durant cette période, dont une majorité dans le domaine des services (15.573), suivies du commerce et des services de restauration/hébergements (8.759). Avec ensuite, le domaine de la construction (3.094 créations) et l'industrie (1.492).

Ces chiffres, issus du tableau de bord de la conjoncture en Auvergne Rhône-Alpes de l'INSEE, représentent même une hausse de +40,7 % par rapport au deuxième trimestre 2020, fortement marqué par le premier confinement. Mais lorsqu'on compare le troisième trimestre 2020 par rapport à la même période de l'année précédente, on obtient tout de même une augmentation de +15,9 %.

"L'année 2020 s'est traduite par des phénomènes marquants au niveau de la création d'entreprises", admet Yann Leurs, responsable des études à l'INSEE Auvergne-Rhône-Alpes.

Car après une tendance favorable en début d'année, les mois de mars à mai ont bien entendu subi un coup d'arrêt en raison de la crise sanitaire. "Mais à partir de juin, on a observé des taux records, avec un phénomène de rattrapage".

Par exemple, en septembre/octobre, ce sont pas moins de 10.000 créations d'entreprises qui ont eu lieu, chaque mois, au sein de la région. "Soit environ 20% d'augmentation par rapport à l'an dernier à la même période", commente Yann Leurs, responsable des études à l'INSEE Auvergne-Rhône-Alpes.

Cette hausse suit cependant la tendance nationale. En France, le nombre de nouvelles sociétés a bondi en effet de +48,9 % entre le deuxième et le troisième trimestre 2020. Entre 2019 et 2020, la hausse est de +20 %.

Dans le contexte de crise sanitaire, économique et sociétale actuel, ces chiffres peuvent sembler étonnants. Voici quelques pistes pour les expliquer et les nuancer.

Parmi les créations, une majorité de micro-entreprises

"Cette tendance à la croissance entrepreneuriale existait déjà avant le Covid et elle est liée à l'essor des micro-entreprises. Aujourd'hui, les 3/4 des créations sont des entreprises individuelles, tandis que seulement 1/4 sont en réalité des sociétés", déclare Yann Leurs. En 2019, déjà, selon le bilan économique de la même année, près de la moitié des immatriculations régionales se faisaient ainsi sous le statut de micro-entrepreneur.

Mais la crise sanitaire actuelle aurait elle aussi accéléré cette tendance de fond : "En période de crise, lorsqu'il est difficile de trouver de l'emploi, les gens se tournent assez naturellement vers la création d'entreprise, c'est assez classique."

En effet, au deuxième trimestre 2020, l'emploi salarié au sein de la région AuRA était lui-même en baisse : -2,2 % par rapport à 2019. Sur la courbe, le décrochage est clairement visible, à partir de fin 2019 / début 2020 : le nombre d'emplois salariés se révèle en chute nette, alors qu'il était jusqu'ici en globalement en augmentation depuis 2010.

Au niveau local, il n'est pas encore possible de savoir quels sont les secteurs qui ont le plus directement bénéficié de l'arrivée de ces nouveaux entrepreneurs. Même si les données récoltées sur la scène nationale peuvent en donner une idée :

"On constate par exemple que les domaines du transport et de l'entreposage sont particulièrement représentés, avec notamment des services de livraison à domicile", rapporte Yann Leurs. Confinement oblige.

Recherche de sens et terreau local fertile

Reste que face à un tel contexte de crise sanitaire, Pierre Pégaz Fiornet, associé au cabinet d'audit et de conseil Pwc à Lyon, estime que d'autres facteurs ont joué sur cette tendance.

"Depuis quelques années, les salariés sont en quête de de sens, d'une hiérarchie moins marquée et ont besoin de se réaliser eux-mêmes." Il évoque également les burn-out en entreprise : "On arrive au bout d'un modèle. Les plus jeunes recherchent autre chose et aussi, moins de contraintes."

 Et en tant que seconde région la plus riche de France, Auvergne Rhône-Alpes se positionne sans nul doute comme un terreau favorable à la création d'entreprise. En 2019 déjà, la région s'était aussi distinguée en se plaçant comme l'un des territoires les plus dynamiques sur le volet de l'entrepreneuriat, avec une évolution de +22 % de créations d'entreprises entre 2018 et 2019, après les Pays de la Loire (+ 23,7%) et les Hauts de France (+ 23,3%).

D'après Pierre Pégaz Fiornet, les écoles de la région, comme l'EM Lyon ou Grenoble Ecole Management, contribueraient eux aussi à cette nouvelle vague : "Toutes ces structures ont développé des incubateurs et des masters en entrepreneuriat, et les jeunes qui en sortent ont ensuite moins tendance à embrasser une carrière traditionnelle dans une grande entreprise."

La baisse des défaillances d'entreprises "en trompe-l'œil"

En parallèle à ce phénomène, la baisse du nombre de défaillances d'entreprises, observée depuis le premier confinement, semble pour l'instant toujours à l'oeuvre.

"C'est cependant une baisse en trompe-l'œil, qui traduit surtout le fait que les démarches administratives au sein des tribunaux de commerce se sont arrêtées", précise le responsable des études à l'INSEE Auvergne-Rhône-Alpes, qui rappelle qu'un bilan serait à établir sur du plus long terme.

Car nombreux sont ceux qui craignent encore un effet de rebond du nombre de défaillances, à l'image du président du tribunal de commerce de Lyon, qui appelait à la prudence, alors que les premiers remboursements des PGE dispensés par l'Etat sont attendus à compter de ce printemps.

Quant à déterminer si ce contexte pourrait avoir à nouveau l'effet de booster le nombre de créations de nouvelles structures, il est encore un peu tôt pour le savoir.

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