David Baverez : "Il faut s'attendre à plus de participation chinoise dans les entreprises occidentales"

David Baverez est investisseur, après 15 ans entre Londres et Boston, il vit à Honk-Kong depuis trois ans. Dans son livre Génération tonique, il analyse la rupture que représente l’émergence de la Cine depuis 2008 et les nouveaux enjeux qui en découlent et qui pourront sourire à ceux qui sauront s’en saisir.

Acteurs de l'économie-La Tribune : Dans votre livre, vous dressez le constat d'un décalage de plus important entre l'occident et l'Asie en général et la Chine en particulier. D'où vient cette incompréhension croissante ?

David Baverez : Ce n'est pas tant de l'incompréhension que de la méconnaissance. Vous n'avez que 600 000 occidentaux en Chine quand on même moment la Chine envoi en Occident 400 000 étudiants. Il y a une asymétrie des flux d'informations phénoménales entre ces deux parties du monde.

Comment cela s'explique ?

Il y a un aspect historique avec un retour de la Chine au premier relativement récent depuis les années 90 et une barrière de la langue.

Selon vous en 2008, il y a eu en Occident une mauvaise analyse de la crise qui était en fait une véritable rupture, dont la Chine est la grande gagnante.

C'est un changement historique que l'on n'a pas perçu immédiatement, car cela ne s'est pas produit après un conflit, comme ce fut le cas à l'issue de la première et de la Seconde Guerre mondiale. On a cru que c'était une progression linéaire alors qu'il s'agissait d'une véritable rupture. Et naturellement, les Chinois s'efforcent de nous le masquer, car cela les sert. Cette rupture économique s'accompagne d'une révolution technologique et énergétique.

Retour de balancier, la puissance de la Chine s'affirme désormais dans les investissements en Occident...

Avant 2008, les Chinois achetaient des bons du Trésor américain. Après 2009, les Chinois se disent : notre argent disponible va servir à acheter des sociétés pour conforter les positions de nos entreprises. Vous le voyez avec Peugeot, avec Pirelli. Il faut s'attendre à plus de participation chinoise dans les entreprises occidentales et françaises. Jusqu'ici, les investissements chinois étaient très faibles, là, je pense que nous sommes juste au début de la tendance.

Est-ce que tout est déjà joué ?

Il ne faut surtout pas déprimer et il faut regarder ce que nous avons de bon. Pour moi, la grande question du XXIe siècle, c'est : quel est le style de vie que nous pouvons développer pour sept milliards de personnes au lieu de 700 millions ? Et la réponse à cette question, c'est nous les Européens qui l'avons. À Pékin, l'air est irrespirable. Aux États-Unis, vous avez 70 % d'obèses, ce n'est pas le style de vie que vous souhaitez.

Quand je dis style de vie, ce n'est pas seulement le patrimoine et les restaurants, c'est bien la manière dont nous vivons, dont nous considérons notre environnement. Il y a cette partie que nous allons garder, par contre ce qu'il faut changer, c'est le coût de ce style de vie. La France, c'est 1 % de la population mondiale 15 % des charges sociales mondiales ce n'est plus jouable.

Quelles sont les pistes selon vous ?

Comme la Chine nous a copiés dans ce que nous avions de meilleur ces 30 dernières années, il va falloir copier ce qu'elle a de meilleur. Et une des choses qu'elle a de bien meilleur que nous, ce sont des nouveaux business model dits "frugaux". On regarde toute une chaîne de valeur des activités économiques et on ne garde que les maillons de la chaîne qui sont considérés à valeur ajoutée.

Nous avons une révolution technologique qui va nous permettre de faire pour 7 milliards de personnes ce nous que faisions pour 700 millions, et c'est pour cela que nous sommes dans une période très excitante. Vous pouvez construire des business model qui vont avoir une structure de coût entre 10 et 20 % de ce qui existait auparavant. C'est pour cela que je suis aussi optimiste.

C'est pour cela que vous êtes aussi optimiste ?

On peut regarder le monde en se disant qu'il n'a jamais été dans un état aussi lamentable, mais la raison pour laquelle je suis optimiste, c'est que j'ai foi en l'homme. À chaque fois qu'il y a eu un défi à relever dans l'histoire, il y a eu une réponse, un génie créatif.

Nous avons la manière de vivre qui nous permettra, si nous sommes bons, de comprendre comment inventer la meilleure utilisation de ces nouvelles technologies qui arrivent. Mais nos enfants n'auront absolument le monde dans lequel nous avons vécu.

Il faut sortir d'un sentiment de supériorité finalement très occidental ?

Totalement, et la fin de cette supériorité, c'est quand on accepte d'apprendre à connaitre l'autre. D'aller en Chine, comprendre cette culture, se renseigner. On ne peut pas se reposer sur nos lauriers, il faut être plus imaginatif que les autres.

Comment expliquer que les politiques saisissent mal cet enjeu ?

Le problème, c'est le talent. À ma génération, le talent a fui le monde de la politique pour le monde des affaires.

Comment décrire ce que vous appelez la génération tonique ?

C'est d'avoir 20 ans dans sa tête comme dans son cœur. Ma mère est un membre de la génération tonique. Je vois des enfants de 10 ans qui en font partie. Ça n'est pas une génération déterminée par un âge biologique, mais un âge mental. Notre pays en regorge de membres de la génération tonique.

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