Premier hiver sans restrictions sanitaires : les stations de ski résistent face à l'inflation

ANALYSE. Cette année, fini les restrictions sanitaires : les stations de ski des Alpes ont redémarré la saison avec une forme de confiance, mais pas sur tous les tableaux. Car après le Covid, la hausse des prix énergétiques et un enneigement tardif qui a poussé les grandes stations à décaler leur ouverture d'une semaine, une forme d'incertitude plane concernant l'impact que pourrait avoir l'inflation sur la consommation et le comportement des vacanciers et les premières grèves annoncées ce week-end. Avec pour l'instant, un début de saison qui frôlerait cependant la moyenne (haute) de l'an passé grâce, entre autres, au retour des skieurs étrangers.
Cette année, les stations n'ont d'ailleurs pas hésité à multiplier les ventes flash dès l'automne, afin de s'assurer d'un premier vivier de skieurs, dans un contexte d'inflation mais aussi de hausse des tarifs en raison de la crise énergétique et d'abrogation des tarifs spéciaux accordés jusqu'ici aux résidents, annulés par la Loi Montagne II.
Cette année, les stations n'ont d'ailleurs pas hésité à multiplier les "ventes flash" dès l'automne, afin de s'assurer d'un premier vivier de skieurs, dans un contexte d'inflation mais aussi de hausse des tarifs en raison de la crise énergétique et d'abrogation des "tarifs spéciaux" accordés jusqu'ici aux résidents, annulés par la Loi Montagne II. (Crédits : Savoie Mont Blanc Chabance)

"De belles perspectives pour les vacances de Noël et du Nouvel an et des interrogations sur la consommation face à l'inflation". C'est en ces termes que se résument les prévisions pour cet hiver, selon le dernier Observatoire National des Stations de Montagne ANMSM Atout France.

Car au démarrage des vacances de Noël (qui représentent 13% du volume de nuitées annuelles des stations de ski), la saison d'hiver semble débuter sous des auspices jugées "encourageants". Et ce, malgré le contexte de forte inflation à 6% cette année comme l'an prochain (selon les perspectives communiquées par la Banque de France) et de crise énergétique, qui a commencé à faire grimper la facture d'électricité des stations. Et désormais une grève SNCF des contrôleurs qui réclament notamment une revalorisation salariale à l'approche de Noël.

Les taux d'occupation pour les vacances de Noël des hébergements touristiques se hissent pour l'instant à 62 % dans l'ensemble des stations françaises, soir un "léger repli de 1 point par rapport à la saison passée", le tout grâce à "une bonne dynamique de réservations attendue pour la semaine du Nouvel an (du 31 décembre au 6 janvier) qui affiche un taux d'occupation prévu à 63 %".

Toutefois, le baromètre note bien que les tendances restent contrastées "selon les semaines, les modes d'hébergements et les typologies de stations". Ainsi, les vacances de Noël demeurent par exemple en légère baisse par rapport à l'an passé sur les Alpes du Nord (65% de taux d'occupation prévisionnel) et les Alpes du Sud (45%), tandis que les Pyrénées se taillent une meilleure place (49%).

C'est sur la semaine du Nouvel An (allant du 31 décembre au 6 janvier) que l'ensemble des modes d'hébergement enregistreraient ainsi leurs meilleurs taux d'occupation : soit 71 % pour les villages-clubs, 60 % pour les meublés commercialisés en agences, 50 % pour les hébergements collaboratifs, 61 % pour les hôtels, et 76 % pour les résidences de tourisme.

Un "bon", mais pas un "excellent" début de saison

"On constate une plus forte présence de la clientèle française sur les deux semaines de Noël et du Jour de l'An, tandis que la première semaine de janvier est tirée par la clientèle étrangère, avec les britanniques qui sont de retour plus tôt que la saison dernière et aussi les belges, italiens, espagnols, allemands...", observe Patrick Provost, président de cet Observatoire créé par les acteurs de la filière montagne, et maire de Maire de Saint-François-Longchamp (Savoie).

Avec comme première bonne nouvelle, celle du retour de la clientèle britannique, après une saison dernière marquée par les restrictions liées au Covid. Travelski, le tour opérator de la Compagnie des Alpes, enregistre par exemple une croissance "de +400% des réservations par rapport à l'an dernier", alors qu'il se trouve encore "en pleine phase de pénétration du marché", puisque ses 200.000 voyageurs enregistrés chaque hiver sont en grande partie français (pour plus de la moitié), puis anglais, belges et hollandais.

"Les britanniques ont une forte appétence pour le ski mais ils commencent à être impactés, depuis 6 à 8 semaines, par une conjoncture défavorable avec des annonces de grèves tous azimuts et d'augmentation de leur facture d'énergie, bien plus forte que chez nous, qui commence à peser sur leur budget", affirme à La Tribune Guillaume de Marcillac, directeur général de Travelski. Il note cependant que le marché hollandais demeure jusqu'ici en forte croissance par rapport à l'an dernier (+75%), en partie en raison d'un calendrier de vacances scolaires favorable, tandis que le marché français s'affiche en légère croissance, mais freiné par l'inflation.

De quoi laisser dire à Carole Raphoz, directrice de L'Observatoire de L'Agence Savoie Mont Blanc qui chapeaute les 112 stations de ski des deux Savoies, "qu'étant donné le contexte à la fois économique et géopolitique, les vacances de Noël seront bonnes, mais probablement pas jugées excellentes par rapport à la moyenne d'avant-crise, qui était légèrement supérieure à celle de 2021".

Le site de réservations spécialisé dans les hébergements de particuliers à particuliers (PAP) note d'ailleurs lui-même "qu'après un millésime 2021 assez exceptionnel, notamment à la montagne, tous les massifs sont en recul par rapport à 2021 (-23,7 % en moyenne par rapport à Noël 2021), à l'exception des Vosges qui progressent de +3,6 %". "Des performances à rapprocher des budgets nécessaires pour partir au ski qui sont hors de portée pour de plus en plus de Français notamment dans les grandes stations", juge le groupe PAP.

L'impact de l'inflation qui se profile ?

Il faut rappeler que le début de saison s'était lancé, certes, sous de bons auspices sur le terrain sanitaire, puisque 2022 marque le premier hiver sans réelles restrictions sanitaires liées au Covid. Toutefois, le manque de neige, enregistré début décembre, aura contraint certaines poids lourds de l'industrie du ski -comme Val d'Isère ou Val Thorens- à décaler leur ouverture d'une semaine.

"Les annonces de grèves annoncées pour les vacances de Noël à la SNCF ainsi que les craintes liées à l'énergie au sein des stations qui ont été relayées cet automne ont également pu avoir un impact, en plus du poids de l'inflation", souligne à La Tribune la directrice du réseau Lidl Voyages, Mélanie Lemarchand.

Résultat ? Son agence de voyages 100% en ligne et spécialisée dans les voyages à bas prix constatait début décembre "un retard de 63 % des ventes de séjours à la montagne pour les départs du 17 décembre au 2 janvier", et plus largement "de 54% sur la destination France". "Aujourd'hui, les chiffres sont un peu plus rassurants, mais on observe toujours un recul de -31% des réservations liées à la montagne sur les deux prochaines semaines, alors que le volume global de nos réservations est en hausse de +11%", ajoute sa directrice.

Le calendrier des vacances, jugé "peu favorable" en plaçant Noël et le jour de l'an en plein coeur du week-end, coupe aussi les possibilités de week-ends rallongés. "Ces deux semaines demandent aux hébergeurs de faire un peu du 'sur-mesure', en incluant ou non les dates des fêtes", ajoute Patrick Provost.

La saison aura donc commencé en dents de scie, avec une semaine (du 17 au 24 décembre) jugée "historique" par le directeur général de Travelski : "tout le monde (français et européens) a voulu venir car la neige était là, les conditions étaient très bonnes, et les prix attractifs sur cette semaine d'avant les fêtes". Suivie ensuite par une semaine de Noël moins bien remplie -et sujette aux grèves SNCF-, puis une semaine après le Jour de l'an à nouveau très demandée...

Dans un tel contexte, le président de l'ANMSM, Jean-Luc Boch, a tenu à rappeler les efforts engagés sur le terrain du pouvoir d'achat justement, afin d'oeuvrer à maintenir la consommation des touristes, qui se place comme "la clé de voûte de la réussite de cette saison auprès de tout l'écosystème montagne" :

"L'inflation est là, pour autant, le début de saison s'annonce encourageant. Nous devons cette dynamique positive aux efforts fournis par les professionnels de la montagne pour maîtriser les coûts, mais aussi grâce aux opérations de dernière minute proposées sur les hébergements, via les réseaux sociaux".

Des ventes flash et opérations de marketing dernière minute

En effet cette année, les stations n'ont d'ailleurs pas hésité à multiplier, encore davantage qu'à leur habitude, les ventes flash de leurs forfaits, dès l'automne, afin de s'assurer d'un premier vivier de skieurs.

"On observe que beaucoup de stations ont privilégié les promotions dès les mois d'août / septembre, et même en début d'automne afin de sécuriser des séjours, et il devrait y avoir encore de nouvelles opérations ciblées sur le mois de janvier", estime Patrick Provost.

Et cela, dans un contexte où la plus stricte application de la loi Montagne II aura également eu pour effet de supprimer dès cet hiver les "tarifs spéciaux" accordés jusqu'ici aux habitants des stations, constituant un frein supplémentaire à une consommation locale déjà pressurisée par l'inflation.

Alors que le syndicat professionnel Domaines Skiables de France (DSF) annonçait il y a quelques semaines que la hausse des prix des forfaits, négociée au sein de chaque station pour faire face à la flambée des coûts de l'énergie, resterait "bien en dessous de l'augmentation du coût de la vie", le site spécialisé Altitude News a déjà commencé à compiler les nouveaux tarifs annoncés par neuf grandes stations françaises (3 Vallées, Paradiski, les Sybelles, Tignes - Val d'Isère, Portes du Soleil, etc).

Résultat ? Les prix d'un forfait journée adulte, compris entre 50 et 76 euros en fonction des domaines skiables, enregistrent une hausse moyenne de +5 à +9% cet hiver, sauf dans le cas de Tignes - Val d'Isère, dont le forfait commun demeure à 63 euros.

Un constat que ne dément pas le président de l'Observatoire National des Stations de Montagne : "Globalement, les stations se divisent en deux catégories : avec d'un côté, celles qui ont augmenté leurs forfaits de 4 à 5% et qui n'ont pas encore été contraintes de procéder au renouvellement de leurs contrats d'énergie, et les autres qui ont augmenté de 3 à 4 points de plus en devant contractualiser de nouveaux contrats où les coûts ont explosé".

Le ski demeure toujours d'activité numéro un

Même chose du côté des écoles de ski, où Jean-Marc Simon, directeur général du Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF) évoque une augmentation des prix des cours individuels ou collectifs "suivant l'inflation", "comprise entre +3 et 4%".

Mais cela ne semble pas consister, pour l'heure, un handicap, puisque celui-ci note au contraire que la progression des réservations des cours de ski se poursuit cette année : "l'an dernier, nous avions terminé l'année avec une croissance de 10%, et cette année, nous enregistrons déjà une hausse de 40% de nos réservations par rapport à la même période".

Jean-Marc Simon ajoute : "70% de la clientèle des écoles de ski est tournée vers l'offre enfant : or, on sait que dans des moments difficiles, ce sont des budgets réservés, quitte à rogner sur d'autres postes de dépenses durant le séjour".

Et ce sera bien toute l'interrogation de cette saison que de voir comment le panier moyen, et notamment les dépenses "plaisir" des touristes à la montagne, se comportera en pleine inflation.

"La destination montagne reste très prisée cette année mais il pourrait y avoir des arbitrages dans la gestion du budget durant la semaine, comme des restrictions sur des sorties au restaurant ou d'activités loisirs", observe Patrick Provost.

Sans compter que même si le recrutement des saisonniers semble avoir été légèrement moins tendu que l'an dernier, la situation demeure complexe, appuie Carole Raphoz, qui note que des hôtelliers seront encore contraints cet hiver de fermer leur restaurant une journée par semaine, faute de personnel.

Contactée, l'UMIH locale n'avait pas encore répondu à nos sollicitations mais une chose est sûre : après le Covid, les défis pour l'industrie de la montagne ne sont donc pas tout à fait terminés, même si le retour de la clientèle étrangère et notamment européenne devrait peser favorablement sur cette première moitié de saison. Avec comme prochaine étape, les vacances de février, qui représentent un jalon important, avec près d'un tiers des nuitées d'une saison d'hiver.

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