Go Sport deviendra-t-il le « nouveau Camaïeu » ? La question de la cessation de paiements sera tranchée mercredi

C'est ce mercredi que le Tribunal de commerce de Grenoble est appelé à se prononcer sur la situation d'un nouvel acteur qui inquiète les syndicats : car après la chute de Camaïeu fin septembre, l'actionnaire principal de l'enseigne de prêt-à-porter est toujours aux commandes d'un autre distributeur des articles de sport : l'isérois Go Sport. Et après une première audience ce lundi, les craintes des salariés sont au plus haut concernant la situation financière de l'enseigne. A Grenoble, il manque déjà près de 50% de l'offre habituelle sur le matériel de ski au sein de certains points de vente affiliés du groupe.
Tout l'enjeu du délibéré attendu ce mercredi 21 décembre sera de savoir si le groupe Go Sport, dont siège est demeuré à Sassenage (Isère), peut être considéré ou non en cessation de paiements, ce qui ouvrirait dans ce cas la voie à une procédure de redressement judiciaire, et à la recherche d'éventuels repreneurs.
Tout l'enjeu du délibéré attendu ce mercredi 21 décembre sera de savoir si le groupe Go Sport, dont siège est demeuré à Sassenage (Isère), peut être considéré ou non en cessation de paiements, ce qui ouvrirait dans ce cas la voie à une procédure de redressement judiciaire, et à la recherche d'éventuels repreneurs. (Crédits : DR/ML)

Go Sport se trouve-t-il ou non en cessations de paiements ? C'est la question qui reste en suspens, à 24 heures désormais de la décision très attendue du tribunal de commerce de Grenoble.

Ce sont les commissaires aux comptes de la société (KPMG et Ernst & Young) qui avaient sonné l'alarme le 22 novembre en envoyant "un rapport spécial d'alerte" au vu des comptes de la société. Dévoilé par le journal Le Monde, ce premier rapport mentionnait "une dégradation de près de 10 % du chiffre d'affaires" mais aussi des "décaissements relatifs à des éléments non récurrents pour un montant de 36,3 millions d'euros, qui obèrent très significativement la trésorerie de la société Groupe Go Sport", qui emploie 2.160 salariés au sein de 80 magasins affiliés.

Avec la crainte, en filigrane, que le vendeur d'article de sport ne se retrouve, lui aussi, en situation de cessation de paiements. Car l'enseigne iséroise, créée en 1978 dans la banlieue grenobloise, fait partie des sociétés détenues par le groupe bordelais Hermione, People and Brands (HPB), qui vient de déposer le bilan d'une autre marque : le groupe Camaïeu, avec ses 508 magasins employant près de 2.600 salariés.

Et bien que le groupe HPB ait déjà déclaré, début décembre que "Go Sport n'est pas en état de cessation de paiement", la première offensive était venue des syndicats, qui ont exercé leur droit d'alerte économique en demandant la nomination d'un administrateur judiciaire. Le syndicat FO affirmant en effet que "les représentants du personnel ont engagé une procédure de droit d'alerte économique au niveau du CSE Central du groupe dès le 18 octobre 2022."

En réponse, le groupe a d'abord "émis le souhait de solliciter l'ouverture d'une procédure de conciliation", nous confirment deux sources proches du dossier, une procédure qui lui permettrait non seulement de continuer à négocier avec des créanciers de manière confidentielle, mais aussi de trouver un repreneur.

Cette demande pourrait être tranchée le 27 décembre, mais une autre décision attendue ce mercredi devrait faire pencher la balance avant.

Le seconde étape se met en marche

Car face au "rapport d'alerte" des commissaires aux comptes, et à un faisceau d'indices, "notamment de retards en matière de cotisations sociales" nous glisse une source proche du dossier, une seconde procédure s'est mise en branle, émanant directement du Procureur de la république cette fois. Celui-ci a commencé par convoquer la direction, ce lundi 19 décembre, devant le tribunal de commerce de Grenoble afin de faire lumière sur les finances de l'entreprise.

Car la situation économique de l'entreprise inquiète : les délégués syndicaux de Go Sport (CGT, FO, CFE-CGC, CFTC et CFDT) réunis sous l'égide du comité social et économique (CSE), accusent eux-mêmes leur maison-mère HPB d'avoir ponctionné la trésorerie de l'enseigne de matériel sportif de 36,3 millions d'euros. Une somme qui aurait été utilisée, selon eux, afin de payer les salaires des employés de Camaïeu, dont la liquidation a été prononcée fin septembre, mais également d'une autre enseigne, toujours selon les syndicats, qui estiment que le déficit de Go Sport se chiffrerait désormais à 15 millions d'euros.

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"La direction affirme qu'une partie de cette somme, 26,5 millions, serait remontée pour financer une opération de croissance externe mais nous n'avons aucune trace et justification à ce stade, alors qu'elle a commencé à être remontée dès février 2022...", affirme l'avocate du CSE, Evelyn Bledniak (Atlantes Avocats), contactée par La Tribune.

L'autre portion de cette somme (9,8 millions d'euros), aurait quant à elle servi à établir une ligne de reverse-factoring servant justement à régler les créanciers du groupe, et pourrait permettre le déblocage, sous peu, d'une enveloppe de 7 millions d'euros.

Reste un constat : "si les remontées d'argent entre deux sociétés d'un même groupe sont possibles, elles étaient clairement exclues par le protocole de conciliation dont Go Sport a fait l'objet dans le cadre de sa reprise à un euro symbolique en novembre 2021", rappelle l'avocate du CSE.

De son côté, le groupe s'est défendu en affirmant à l'AFP qu' "aucun amalgame ne devait être fait avec Camaïeu", argumentant que "Go Sport a honoré plus de 70 millions d'euros de charges exceptionnelles" mais "ces charges ne pèseront plus en 2023, ce qui permettra de retrouver des capacités d'investissement et un retour au bénéfice après des années de perte".

Selon Evelyn Bledniak, "la direction de HPB a fait produire un rapport par un cabinet extérieur et l'a présenté lors de cette audience, mais il manquait certains éléments car celui-ci arrêtait son évaluation à fin novembre". C'est donc pour tirer la situation financière au clair, et connaître précisément le nombre de fournisseurs restant à payer, que le tribunal de commerce de Grenoble a demandé à la direction de Go Sport de lui transmettre des documents complémentaires sous 48 heures.

Vers une cessation de paiements ?

Une décision en délibéré est désormais attendue pour ce mercredi 21 décembre dans la journée. Tout l'enjeu de celle-ci sera de savoir si le groupe, dont siège est demeuré à Sassenage (Isère), peut être considéré ou non en cessation de paiements, ce qui ouvrirait dans ce cas la voie à une procédure de redressement judiciaire.

"L'idée est bien de prendre les choses en main et d'éviter que Go Sport ne subisse le sort de Camaïeu, où le redressement est arrivé trop tard", ajoute l'avocate Evelyn Bledniak.

Car il faut dire que Go Sport cumule désormais deux handicaps : un premier effet de perte de confiance provoquée par la liquidation de Camaïeu, qui est de nature à effrayer certains fournisseurs, mais également des retards de paiements "qui ont été enregistrés auprès de plusieurs fournisseurs et qui faisait que fin octobre, voire fin novembre, la société était de fait en situation de cessation de paiements comme cela a été confirmé", ajoute l'avocate.

Sans oublier le changement récent de son système de logistique, qui aurait lui-même rencontré des dysfonctionnements et freiné les livraisons de son réseau de magasins.

Des craintes pour les ventes de Noël

La CGT, syndicat majoritaire au sein du CSE central, affirme à La Tribune que les craintes des salariés et des représentants du personnel sont grandes à l'issue de cette première audience : "non seulement après la liquidation de Camaïeu", mais aussi "à l'approche des fêtes de Noël".

Car selon une source interne, l'état des stock aurait déjà diminué sur une palette d'articles habituellement bien vendus à Noël, à commencer par le matériel lié aux sports d'hiver (ski, chaussures de ski, vêtements d'hiver, etc), mais également sur des articles comme les vélos pour enfants, très prisés à Noël.

"La direction nous affirme qu'il existe des stocks sur nos plateformes, mais force est de constater que des articles commencent à manquer en magasin et que les réapprovisionnements se font attendre. Certains fournisseurs que nous avons contactés refusent même de nous livrer tant que les dernières factures ne sont pas honorées", ajoute cette source.

Cette situation se confirme sur place : au magasin Go Sport de Grenoble Comboire par exemple, qui fait partie des magasins affiliés, des salariés nous indiquent que "l'on a fait ce que l'on a pu pour combler les trous", il manque depuis l'ouverture de la saison "près de 50% de la gamme que nous avions l'habitude de proposer sur le matériel de ski par exemple. Parfois, ce sont des références et notamment de nouveaux produits de cet hiver, ou des pointures pour les chaussures de ski".

Résultat ? "Nous avons dû fonctionner uniquement sur les stocks de la saison passée car nous n'avons pas été livrés pour cette saison d'hiver, qui a démarré en octobre", nous confirme un salarié sur place. Et d'après lui, la situation serait partagée sur l'ensemble des points de vente d'Auvergne Rhône-Alpes.

Tout porte donc à croire que la décision attendue ce mercredi pourrait en même temps sceller l'avenir des deux précédentes requêtes, dont l'examen est en cours, et plus largement l'avenir du distributeur de matériel sportif, qui tente depuis plusieurs années de se faire une place sur un marché concurrentiel face à un autre géant du secteur, Décathlon.

Contacté, le groupe HPB n'a pas répondu aux sollicitations de La Tribune à ce stade.

Pour rappel, le groupe HPB est la propriété de l'homme d'affaires bordelais Michel Ohayon, lui même à la tête d'un fonds d'investissement (la Financière immobilière bordelaise - FIB), dont HPB est en réalité la branche spécialisée dans le domaine de la distribution. Celle-ci a d'ailleurs racheté, au cours des dernières années, plusieurs enseignes à la barre des tribunaux de commerce ou à bas prix : c'est notamment le cas de Go Sport, racheté en décembre 2021 pour un euro symbolique à la branche Rallye de l'enseigne Casino, mais aussi de Camaïeu (avant que sa liquidation ne soit prononcée) et de certains magasins Galeries Lafayette, La Grande Récré, Gap France ou Café Légal.

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