Protéines végétales : comment le Puy-en-Velay travaille à sauver sa filière de lentilles AOP

La culture des lentilles vertes du Puy est l'une des cartes à jouer de la Haute-Loire. La demande ne cesse d’augmenter, tant en France qu’a l'étranger. Mais la filière fait cependant face à la sécheresse et aux accidents climatiques qui ont impacté sa production, déjà fragile. Car depuis plusieurs années, conserver un volume de surfaces récoltées est indispensable pour la pérennité de cette culture. Sur place, les producteurs et collectivités se mobilisent.
Face à ces aléas climatiques, l'inquiétude de la filière, c'est que les agriculteurs se détournent de cette production pour cultiver du blé ou du colza, dont les rendements et les prix seraient plus attractifs.
Face à ces aléas climatiques, l'inquiétude de la filière, c'est que les agriculteurs se détournent de cette production pour cultiver du blé ou du colza, dont les rendements et les prix seraient plus attractifs. (Crédits : DR)

Tous les feux sont au vert pour que les producteurs de lentilles vertes du Puy AOP vivent leurs meilleurs jours. Près de 48 % des adultes français consomment aujourd'hui des légumineuses au moins une fois par semaine et la lentille verte du Puy bénéficie d'une excellente réputation, au point qu'elle est commercialisée dans plus de 70 pays.

Sans compter que la consommation de protéines végétales va continuer d'augmenter dans les années qui viennent. Malgré les conditions favorables, Antoine Wassner, 7ème génération de la maison Sabarot et adhérent de la Fédération Nationale des Légumes Secs ne peut que constater :

"Je regrette que la production n'arrive pas à satisfaire à la demande. Je pourrais en vendre 10 fois plus. Je me trouve dans la situation de devoir choisir mes clients".

Il continue à servir ses clients historiques et de vendre à l'étranger, tout à fait conscient que s'il "arrête de vendre de la lentille du Puy qui a une excellente image en ce moment, au Japon par exemple, ils vont s'intéresser à une autre AOP..."

Une production trop faible

En cause dans cette production trop faible : des conditions climatiques défavorables plusieurs années de suite.

"Nous enregistrons des rendements qui sont faibles, de 4 à 5 quintaux à l'hectare, mais depuis cinq ans ça devient un peu la norme", reconnaît Antoine Wassner. Cette année, la baisse de rendements est principalement liée à la sécheresse. L'an dernier, c'était à cause de la pluie. La lentille n'aime pas les extrêmes.

Face à ces aléas climatiques, l'inquiétude de la filière, c'est que les agriculteurs se détournent de cette production pour cultiver du blé ou du colza, dont les rendements et les prix seraient plus attractifs. "C'est pour cette raison que nous serions très ennuyés que les agriculteurs soient démotivés", souligne Antoine Wassner.

Déjà, à la fin de la campagne 2021 l'Organisme de défense et de gestion (ODG) de l'AOP de la lentille verte du Puy, plaidait : "Il faut remotiver les producteurs qui partagent la fierté de cultiver de la lentille verte qui est travaillée depuis plus de 2000 ans. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une mauvaise année, qu'il faut l'abandonner".

Des surfaces cultivées restées stables, mais

Dans l'AOP Lentille verte du Puy, les surfaces cultivées restent cependant stables depuis trois ans. "Elles avaient baissé dans les années précédentes", reconnaît Antoine Wassner.

La Région cultive 12% de la surface des lentilles françaises, dont 2.800 hectares (9%) en Haute-Loire. En 2021, 4% des lentilles françaises sont altiligériennes. Malgré ses faibles volumes de production, la lentille verte du Puy est le second légume à avoir obtenu son Appellation d'origine contrôlée (AOC) dès 1996. Par la suite, elle a été reconnue par le signe Appellation d'origine protégée (AOP) en 2008.

Une carte à jouer pour la filière, qui actionne aujourd'hui plusieurs leviers pour conserver l'intérêt des producteurs à faire pousser des lentilles. "Ce qui est positif, c'est qu'on arrive à valoriser le prix aux agriculteurs", explique Antoine Wassner.

Sabarot par exemple, ne se contente pas de valoriser le prix. L'entreprise a également investi pour optimiser les techniques de culture : six techniciens et un agronome accompagnent les agriculteurs partenaires. Depuis quelques années, le Petit Épeautre du Velay, l'autre produit phare de Sabarot, est planté en première paille après la Lentille verte du Puy AOP.

La paille est ensuite utilisée pour créer un cercle vertueux. Cette association crée aussi une rotation bénéfique pour les terres. La lentille fixant naturellement l'azote, elle prépare le sol pour la culture du Petit Épeautre du Velay. L´entreprise rachète également l'ensemble de cette nouvelle production.

"C'est une stratégie qui propose un revenu confortable à nos producteurs. Ils sont encore dans une agriculture paysanne et nous avons besoin de culture régulière. Nous sommes à 1.000 mètres d'altitude. Ce que je regrette c'est qu'il nous manque ce petit coup de pouce de la nature", déplore Antoine Wassner.

Un coup de pouce qui prend la forme d'une aide publique

Faute d'un petit coup de pouce de la nature, la filière peut cependant compter sur la Région Auvergne Rhône-Alpes. Une aide de 2,5 millions d'euros, étalée sur trois ans, lui a été attribuée pour relancer la production. Elle prend la forme d'une subvention forfaitaire de 540 euros à l'hectare de surface cultivée en 2022.

Un système de bonification de 1.200 euros par hectare est mis en place, en fonction de l'augmentation des surfaces cultivées, par rapport aux années 2021 et 2020.

Les soutiens aux cultures de légumineuses - dont la lentille - prévus par la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) pourraient aussi permettre en 2023 d'accompagner la production française, afin qu'elle puisse prochainement satisfaire l'ensemble de la demande des industriels et des consommateurs en lentille d'origine locale et durable.

"La culture de lentilles doit être soutenue sur le long terme par la recherche et l'innovation pour conforter durablement la production française. C'est tout l'objet des programmes de recherche appliquée de Terres Inovia, notamment dans le cadre du programme Cap Protéines. Les équipes de l'Institut sont mobilisées au quotidien pour trouver les solutions techniques les plus adaptées aux impacts du changement climatique sur nos cultures et à la pression des maladies et ravageurs", déclare Gilles Robillard, agriculteur et Président de Terres Inovia (L'interprofession oléagineux et plantes riches en protéines).

De son coté, conscient de l'intérêt de la lentille et des enjeux économiques pour les agriculteurs, Limagrain, par l'intermédiaire de sa branche Semences de Grandes Cultures, a mis en œuvre un partenariat avec Saskatchewan Pulse Growers, au Canada, pour la mise en place d'un programme de recherche et d'innovation commun autour des protéagineux, plus particulièrement les pois et les lentilles.

En France, 27.391 tonnes de lentilles ont été récoltées en 2020 (source : Agreste), en particulier en régions Centre, Champagne-Ardennes et Auvergne-Rhône-Alpes. C'est presque 40 % de moins que l'année précédente.

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