Agroalimentaire : « Les prix vont malheureusement continuer à augmenter » (Guillaume Blanloeil, ARIA et Saint-Jean)

A l'image des autres secteurs industriels, la filière agroalimentaire traverse elle aussi plusieurs crises : recrutement, hausse des prix des matières premières et de l'énergie... Pour Guillaume Blanloeil, président de l'Association régionale des industries agroalimentaires et dirigeant de la marque de ravioles Saint-Jean, ce ne sont pas tant les délestages, que l'absorption de ces hausses, qui sont devenus un enjeu pour les industriels de sa filière. Alors que les négociations annuelles se sont ouvertes avec la grande distribution, l'industrie agroalimentaire espère faire répercuter les effets de ces crises pour assurer la survie de ses entreprises.
Les négociations annuelles avec la grande distribution sont une période clé, et le seront d'autant plus cette année, au vu des hausses que l'on doit demander, estime le président régional de l'ARIA, qui estime que la problématique des coûts de l'énergie, dont le poids a été multiplié par 3 ou 4 au sein des comptes d'exploitation, est plus importante que celle des délestages à venir.
"Les négociations annuelles avec la grande distribution sont une période clé, et le seront d'autant plus cette année, au vu des hausses que l'on doit demander", estime le président régional de l'ARIA, qui estime que la problématique des coûts de l'énergie, dont le poids a été multiplié par 3 ou 4 au sein des comptes d'exploitation, est plus importante que celle des délestages à venir. (Crédits : DR Capture écran)

En Auvergne Rhône-Alpes, l'industrie agroalimentaire représente environ 44.000 salariés répartis sur 350 sites industriels, soit près de 10% des emplois manufacturiers de la région. Pour autant, ce secteur n'est pas non plus épargné par les difficultés de recrutement qui touchent l'industrie et l'artisanat en général.

"L'industrie agroalimentaire a des problématiques à gérer : l'attractivité de nos métiers, le développement des compétences, la qualité de vie et la santé au travail... Ce sont des sujets que l'on n'a pas assez adressés les années précédentes, mais sur lesquels on travaille aujourd'hui avec une équipe de DRH", explique Guillaume Blanloeil, président de l'Association régionale des industries agroalimentaires en Auvergne Rhône-Alpes, qui regroupe 120 entreprises régionales.

Des difficultés de recrutement inédites jusqu'ici pour la filière. Un travail de renouvellement est donc à fournir, notamment auprès des jeunes : "il faut parler des métiers et développer l'apprentissage et les filières professionnelles."

Faire face à l'augmentation des coûts

A cela s'ajoute évidemment l'augmentation des coûts des matières premières.

"Il y a beaucoup de matières premières sur lesquelles il existe des tensions aujourd'hui, pour différentes raisons. Par exemple, pour les œufs, c'est à cause de la grippe aviaire. Pour le blé, il y a eu des problématiques de prix, liées à la guerre en Ukraine avec une raréfaction de l'offre et des conditions de récolte qui ont été moyennes l'année précédente en France... Beaucoup de filières sont aussi freinées par un manque de personnel et peinent à alimenter les chaînes d'approvisionnement", analyse Guillaume Blanloeil.

Avec la crise énergétique, le gouvernement anticipe déjà des coupures et des délestages pour les périodes les plus tendues de l'hiver, comme les mois de janvier et février. Mais celles-ci "seront gérables", selon le président de l'Aria.

"La problématique de l'énergie et de ses coûts est sans doute plus importante pour les entreprises que les délestages. On sera prévenus et on pourra anticiper."

L'Aria encourage aussi les entreprises à établir des plans de crise pour pouvoir arrêter les machines et les process à temps.

Négocier avec la grande distribution

Conséquence : les consommateurs devront donc s'attendre à une nouvelle augmentation des coûts des produits sur 2023.

"C'est un vrai sujet sur les relations que nous avons avec la grande distribution. Car globalement, les coûts énergétiques des industries agroalimentaires représentaient jusqu'ici 3% du compte d'exploitation. Si on les multiplie par trois ou quatre, cela signifie qu'on doit aller chercher 9% à 12% dans les prix, rien qu'à cause de cette crise énergétique. Ce sont des montants considérables qui risquent de mettre en difficulté beaucoup d'entreprises."

Même si le guichet unique des aides mis en place récemment par le gouvernement "apporte un certain nombre de solutions", cela ne suffira pas selon le représentant de la filière. Actuellement, les industriels de l'agroalimentaire et de la grande distribution sont entrés en période des négociations commerciales annuelles, qui vont durer jusqu'à mars prochain. Il est aujourd'hui question d'y intégrer les surcoûts liés à l'énergie.

"Il y a eu des discussions entre le gouvernement et certaines fédérations de professionnels pour essayer d'intégrer ces coûts énergétiques. Pour l'instant, ce sont plutôt des bonnes paroles que des injonctions. Les négociations sont une période clé, et le seront d'autant plus cette année, au vu des hausses que l'on doit demander. En moyenne, on parle de 20% dans l'industrie agroalimentaire."

Loi Egalim 2, qui doit permettre une meilleure prise en compte des coûts de production des producteurs et notamment des agriculteurs, est aussi un outil pour garantir de traverser ces crises, mais "cette loi ne touche aujourd'hui que les matières premières agricoles. Mais quand les MPI (matières premières industrielles) augmentent, il faudrait un cadre un peu plus précis pour prendre en compte ces hausses de coûts."

Guillaume Blanloeil Souligne aussi la complexité de cette loi, que les PME du secteur n'ont pas forcément le temps de s'approprier et d'appliquer.

Le bio en recul, mais la confiance persiste

Enfin, le recul du marché du bio sera aussi scruté en 2023. Même si Guillaume Blanloeil convient qu'il avait jusqu'ici "beaucoup progressé au cours des dernières années, de l'ordre de 15% à 20% par an sur quatre ou cinq ans. (...) Cette année les chiffres parlent plutôt d'une baisse de 10% à 15% de la consommation".

Le président de l'Aria reste cependant confiant dans les valeurs du bio, même si les périodes de crise ne lui sont pas favorables.

La tendance du végétal, pour des raisons de santé, environnementales et personnelles, est aussi à prendre en compte : "Il y a beaucoup de développement d'entreprises qui portent des projets de protéines végétales. C'est un vrai sujet de développement, bénéfique pour la santé et le développement durable."

Retrouvez l'intégralité de l'interview ici.

Un décideur chaque semaine

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Une occasion de décrypter ensemble les enjeux des dossiers et tendances de l'économie locale, animée par Élodie Poyade pour BFM Lyon et Marie Lyan pour le bureau Auvergne Rhône-Alpes du journal La Tribune.

Une émission à retrouver en direct et en replay sur la chaîne BFM Lyon, disponible sur le canal 30 de la TNT et sur les chaines 479 (box SFR), 315 (Bouygues) et 915 (Free), ainsi que sur le bureau Auvergne Rhône-Alpes de La Tribune.

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