Ce n'est désormais plus à l'Intérieur, mais dans le secteur des transports que l'ancien ministre d'Emmanuel Macron poursuivra sa carrière. Un choix atypique pour un ancien ministre, titulaire d'un DESS de juriste d'affaires internationales et d'un diplôme de sciences pénales et de criminologie, et dont le choix avait déjà fait grincer les syndicats du Grand Port de Marseille, où il vient d'être nommé au Conseil de surveillance.
Un poste non rétribué et dont l'élection doit encore avoir lieu la semaine prochaine, avant que le Journal Officiel ne confirme, ce vendredi matin, sa nomination à la tête d'un second outil lié aux grandes infrastructures : la société d'exploitation du Tunnel du Mont-Blanc. Cette fois, il y remplacera le savoyard et maire PS de Chambéry Thierry Repentin, qui avait quitté ses fonctions il y a six mois. Depuis, le poste était demeuré vacant.
Un outil à la gestion franco-italienne
Majoritairement détenu par l'État, le tunnel du Mont-Blanc est une structure franco-italienne de droit communautaire, dont les premiers statuts ont été déposés par ATMB (Société concessionnaire autoroutière du tunnel pour la partie française) et SITMB (Société concessionnaire autoroutière du tunnel pour la partie italienne).
Depuis mars 2022, il a vu sa dénomination modifiée en Tunnel du Mont Blanc - GEIE (TMB-GEIE) avec toujours, un siège principal situé en Italie à Courmayeur, et un autre sur le territoire français à Chamonix.
Le président de son conseil d'administration est nommé directement par l'Elysée. Son prédécesseur, Thierry Repentin, avait révélé en 2017 percevoir une rémunération annuelle de 150.000 euros pour ses deux mandats (au Tunnel du mont-Blanc mais aussi au Tunnel du Fréjus voisin), lors d'une interview au quotidien régional Le Dauphiné Libéré.
Vers un rapprochement de la gouvernance du Fréjus et du Mont-Blanc ?
Avec cette annonce, ce qui dessine entre les lignes, c'est aussi le devenir de la gouvernance de cet outil, qui est pour l'heure distinct de la société d'exploitation voisine du tunnel du Fréjus, dont le savoyard Thierry Repentin était également président et dont le mandat arrive à échéance l'an prochain. Contacté, celui-ci n'a pas encore répondu à nos sollicitations au moment d'écrire ces lignes.
Toujours est-il qu'en local, certaines sources n'excluent pas que le successeur prendra la tête des deux entités, alors qu'un rapport de la Chambre régionale des Comptes datant de 2019 épinglait également la pertinence de disposer de deux outils séparés, au sein de la gestion même du tunnel du Mont-Blanc... et évoquait la possibilité de "négocier, avec les autorités italiennes, une réforme de la gouvernance de l'exploitant unique du tunnel du Mont-Blanc". Christophe Castaner sera-t-il à ce titre l'homme de choix pour incarner la voix de la France ?
Quelques jours avant la publication de sa nomination au JO, le groupe EELV en Haute-Savoie n'hésitait pas à dénoncer d'ores et déjà une "volonté d'Emmanuel Macron de parachuter un de ses proches qui n'a cependant pas brillé par son efficacité en tant que ministre de l'Intérieur, à la tête de cette société" et qui "questionne".
"Pourquoi en Haute-Savoie ? N'y a-t-il plus de place pour lui à Paris ? Quelles sont les connaissances de Christophe Castaner en matière de management et de gestion de société ? Quelles sont ses connaissances en matière de mobilité et de pollution de l'air dans la vallée de l'Arve ?", estimait le groupe dans un communiqué.
La poursuite du long programme d'investissement
Autre enjeu sur la table du prochain président du TMB-GEIE : un sujet purement lié aux infrastructures, puisqu'il devra chapeauter la poursuite du long programme d'investissement en cours, sur les 11,6 kilomètres de chaussée du tunnel.
Depuis quelques mois, les fermetures pour travaux s'accumulent en effet : après une première fermeture du tunnel durant plusieurs nuits, au mois d'août 2022, afin de remplacer la dalle de béton sur laquelle circulent les véhicules, le tunnel a été à nouveau interdit à la circulation durant trois semaines consécutives (du 17 octobre au 7 novembre) afin de réhabiliter sa chaussée, pour une enveloppe de travaux estimée à 20 millions d'euros (cofinancée par la France et la Suisse).
Plusieurs itinéraires alternatifs avaient été mis en place pour se rendre en Italie (via la Suisse et le col Saint-Bernard ou via le tunnel du Fréjus et la vallée de la Maurienne). Hasard de calendrier, une panne informatique a également touché ce jeudi 17 novembre dès 6h30 du matin durant plusieurs heures.
Sans compter que sur la saison 2022-2023, ce sont encore 1.200 mètres de voûte qui devront être réhabilités pour renforcer l'étanchéité et l'imperméabilisation du tunnel, et devraient nécessiter à nouveau une fermeture de quatre mois.
L'enjeu de la pollution de l'air
L'enjeu ne sera d'ailleurs pas uniquement technique car déjà, des voix s'élèvent dans la vallée de l'Arve voisine, un territoire souvent pointé pour l'impact de la circulation des camions sur la qualité de l'air.
Depuis une dizaine d'années, cette vallée subit régulièrement des épisodes de pollution supérieure aux normes européennes et enregistre près de 40 décès annuellement liés à la pollution de l'air.
Cet automne, une association (Inspire) avait même profité de la fermeture temporaire du tunnel du du Mont-Blanc pour étudier l'impact du trafic routier sur la qualité de l'air. Et il serait sans appel selon celle-ci, puisqu'avec 4.000 véhicules qui l'empruntent par jour (contre 8.000 en été) dont 2.300 poids lourds, il ressortirait qu'en moyenne, la concentration du principal polluant, le dioxyde d'azote émis par la circulation automobile, aurait baissé de -7% durant les vingt jours de fermeture, par rapport à ses niveaux de 2021, mais surtout de -31% par rapport à l'avant crise en 2019 et même de -50% par rapport à 2018.
Un enjeu de taille et cette fois écologique, qui se profile également pour le futur président de l'un des tunnels les plus fréquentés d'Europe, et qui croise également un autre dossier : celui de la LGV Lyon-Turin voisine du tunnel du Fréjus, qui vise à favoriser justement le report modal des camions sur une nouvelle ligne de fret. Un vieux serpent de mer attendu depuis une quinzaine d'années, et dont l'Etat français doit encore confirmer le budget d'ici la fin d'année pour pouvoir prétendre aux aides européennes.
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