Energie : « Si rien n’est fait, on court droit à la catastrophe avec la saison d'hiver qui se profile » (Alain Grégoire, UMIH AURA)

INTERVIEW. Alors que la Région Auvergne Rhône-Alpes a annoncé une enveloppe d’aides d’urgence allant jusqu'à 10 millions d'euros pour les professionnels de l’hôtellerie-restauration impactés par la hausse des prix de l'énergie, le président de l’UMIH Auvergne Rhône-Alpes, Alain Grégoire, revient sur une situation explosive à l’aube de la saison d’hiver. Selon lui, c'est bien le double du niveau de défaillances durant la période Covid qui est attendu si aucun renforcement des aides n’est pris face aux « trous dans la raquette » présents au sein du bouclier tarifaire et de l’amortisseur électricité. Avec dans le viseur, la saison d'hiver qui pourrait être une nouvelle fois menacée.
En stations, les chefs d'entreprises ont un manque criant de visibilité et se posent des questions de fond désormais : est-ce qu'ils vont pouvoir ouvrir le 1er décembre ou attendre le 25, est-ce qu'ils vont recruter dès début décembre comme habituellement ? Cela peut faire craindre des effets cascade sur l'emploi, estime Alain Grégoire à l'UMIH Auvergne Rhône-Alpes.
"En stations, les chefs d'entreprises ont un manque criant de visibilité et se posent des questions de fond désormais : est-ce qu'ils vont pouvoir ouvrir le 1er décembre ou attendre le 25, est-ce qu'ils vont recruter dès début décembre comme habituellement ? Cela peut faire craindre des effets cascade sur l'emploi", estime Alain Grégoire à l'UMIH Auvergne Rhône-Alpes. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - L'antenne régionale de l'UMIH s'est associée à la signature d'une lettre ouverte, aux côtés de la Région et de 10 organisations professionnelles, qui alertent le gouvernement sur la situation des entreprises face à la crise de l'énergie. La situation est en train de se tendre du côté des entreprises du secteur CHRD (cafés, hôtels-restaurants, discothèques) ?

Alain Grégoire - Cette initiative fait suite à une visioconférence programmée et animée par la Région Auvergne Rhône-Alpes, qui a rassemblé l'ensemble des organisations professionnelles et près de 250 professionnels la semaine dernière.

Nous avions déjà reçu nous-même des remontées d'information émanant des professionnels de la région, qui témoignent notamment du fait que notre secteur passe au travers des mailles du filet des aides publiques annoncées par l'État. Et cela, essentiellement parce que le niveau de kilowatts validé par les pouvoirs publics pour prétendre au bouclier tarifaire n'est pas suffisant face aux contraintes de nos métiers.

Etant donné que les aides sont réservés aux entreprises faisant moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires, moins de 10 salariés, et moins de 36 kWh, nous dépassons ses seuils et n'avons pas droit au bouclier tarifaire. Et cela, alors que nous avons des exemples d'entreprises qui ont vu leurs factures d'électricité ou de gaz augmenté de +200 à 300 %... Ce n'est plus possible.

Un nouveau volet d'aides a justement été annoncé par le gouvernement (amortisseur électricité notamment) afin de "bonifier" la couverture du bouclier tarifaire : vous défendez également l'idée que ces aides arriveront également trop tard pour ces entreprises ?

Bien entendu, cela fait déjà six mois que les entreprises reçoivent leurs factures et ne sont pas éligibles aux aides existantes. Quand elles ont l'habitude d'avoir une facture de gaz ou de fioul de 15.000 euros en moyenne, et que celle-ci dépasse 75.000 ou 100.000 euros, ce n'est plus soutenable. Alors que les particuliers ont des hausses de 15 % maximum, nous demandons la même chose pour les entreprises.

Qu'en est-il du dialogue avec le gouvernement à ce sujet ?

L'UMIH tente de le dire depuis plusieurs longues semaines au gouvernement, mais nous n'avons jusqu'ici qu'un faible retour et aucune réponse concrète. On sent que le gouvernement est pris par d'autres sujets actuellement.

Le président LR de la Région Auvergne Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a justement proposé de son côté une nouvelle série d'aides d'urgence dédiées à votre secteur (soit une enveloppe de 10 millions d'euros pour la rénovation énergétique, jusqu'à 100.000 euros pour les hébergements touristiques et jusqu'à 10.000 euros pour financer des équipements d'optimisation énergétique dans la restauration). Pour autant, ce ne seront pas tout à fait des aides d'urgence ?

Laurent Wauquiez a en effet proposé de mettre en place un système d'aides du même type que lors du Covid.

Mais que soit des investissements de long terme ou de court terme, les deux sont liés puisque ces enveloppes permettent de répondre à la question de comment parvenir à faire baisser la facture des entreprises, dans un délai assez faible, en valorisant également leur patrimoine immobilier, avec des solutions adaptées de type Cop 27.

Quels sont justement les principaux leviers que vous permettront d'adresser ces nouvelles aides ?

Cela concerne en premier lieu des investissements dans de meilleurs équipements comme des piano de cuisine pour le monde de l'hôtellerie-restauration, mais aussi tous les enjeux d'éclairage au sein secteur de l'hôtellerie, allant de la réception aux couloirs, en passant par les parties communes.

Car sur le volet de la consommation électrique et gaz, les besoins sont multiples : le gaz est un élément phare pour les cuisines d'un restaurant, tandis que l'hôtellerie reste un secteur très électrifié... L'un des leviers est également de pouvoir chauffer un espace non plus de manière continue, mais programmée, avec des équipements de pilotage énergétique. C'est typiquement le genre d'investissement qui permet de faire baisser une facture de 15 %, et qui représente un petit investissement, rendu possible avec l'aide régionale.

Quels vont être les délais et les modes d'étude des aides régionales annoncées ?

Les deux premiers volets sont ouverts avec un effet immédiat, et le troisième le sera en fin d'année. C'est un peu la même chose qu'avec des aides Covid, où les modalités étaient en ligne sur le site de la Région seulement trois semaines après leur annonce. Les dossiers seront étudiés directement au sein des services techniques de la Région.

Ces aides sont elles, selon vous, généralisables à l'échelle d'autres territoires ? L'UMIH a-t-elle déjà ouvert les discussions en ce sens auprès d'autres Régions ?

J'ai naturellement diffusé l'information à mes collègues des autres régions et à l'échelle nationale, car je crois que ce type d'initiative peut être salutaire pour notre filière. La Région a fait sa part, nous attendons maintenant de même de la part de l'Etat.

Si rien n'est fait en parallèle du côté du gouvernement concernant un recalibrage des aides déployées, craignez-vous un risque accru de défaillances ?

Je pense que si le gouvernement ne réagit pas immédiatement, on court droit à la catastrophe. On le voit déjà avec la saison d'hiver qui se profile. Les professionnels des deux Savoie et de l'Isère sont en train de mettre en place leur saison et on entend déjà des voix qui estiment qu'ils ne pourront pas se permettre d'ouvrir dans les conditions actuelles.

On craint d'abord que cette crise de l'énergie n'obère très fortement la rentabilité de toutes les entreprises, et qu'elle n'attaque donc leur pérennité.

L'inquiétude est même aujourd'hui plus forte que lors de la pandémie, au sein de votre secteur ?

Déjà durant la période Covid, nous avions alerté le gouvernement et les chiffres ne nous ont pas trahi : on avait craint plus de 18 % de défaillances d'entreprises dans notre secteur, et c'est un chiffre qui est souvent aujourd'hui oublié par les pouvoirs publics.

Avec cette nouvelle crise de l'énergie, nous ne sommes plus à 18 %, mais bien face au risque de voir doubler le niveau de défaillances. Et cela, de manière très immédiate puisque celles-ci ne reçoivent pas leurs factures d'énergie dans deux ans, mais bien deux mois après leur consommation...

En attendant, constatez-vous déjà sur le terrain des mesures d'urgence prises par les professionnels du tourisme de montagne notamment ? Sont-ils prêts à décaler leur ouverture ou à réduire leur amplitude horaire par exemple, afin de faire baisser leurs factures ?

On observe dans l'urgence des solutions d'adaptation, comme une réduction des horaires d'ouverture au sein de la restauration, ou encore du nombre de services. Moins on peut se servir du gaz par exemple, mieux c'est, mais cela demeure très compliqué. Une adaptation de la température des salles à 19° a déjà été mise en place.

Mais la question qui se pose désormais, c'est celle du démarrage de la saison au sein des stations de ski. Nous avons des retours alarmants sur le fait que la rentabilité des établissements est mise à mal.

D'autant plus que cette rentabilité a déjà été obérée par les remboursements des PGE et des aides sociales, les suites du Covid et la majoration de 15 % de la masse salariale en avril dernier, ainsi que par l'augmentation des prix des matières premières et des consommables qui ont fait grimper le coût des achats de l'ordre de 25 à 30% en moyenne sur les six derniers mois...

Les chefs d'entreprises ont un manque criant de visibilité et se posent des questions de fond désormais : est-ce qu'ils vont pouvoir ouvrir le 1er décembre ou attendre le 25, est-ce qu'ils vont recruter dès début décembre comme habituellement ? Cela peut faire craindre des effets cascade sur l'emploi.

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Commentaire 1
à écrit le 15/11/2022 à 9:42
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ben ils viennent exiger un cheque, comme les agents de la sncf et les employes de depots total a 5000 euros par mois; ils auraient tort de se deranger, le guichet est ouvert quoi qu'il en coute aux allemands avec des prets non remboursables a taux 0 ...

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