Quoi qu'il en coûte : à Val Thorens, "si l'Etat nous demande de rembourser, nous le ferons"

FOCUS. Alors qu'un rapport de la Chambre régionale des Comptes d'Auvergne Rhône-Alpes épingle en premier lieu la gestion des fonds publics du "quoi qu'il en coûte", et notamment du dispositif spécifique déployé à l'égard des stations de ski pour amortir les coûts fixes, le directeur de la société qui exploite les remontées mécaniques de Val Thorens (SETAM), revient avec La Tribune sur le déroulé de cet épisode, et les économies qui ont permis ce bilan moins mauvais que prévu. Il l'affirme sans ambiguïté à l'égard des cumuls pointés dans le rapport : "si l'Etat nous demande de rembourser, nous le ferons, il n'y a pas de sujet".
(Crédits : DR)

La Chambre régionale des comptes d'Auvergne Rhône-Alpes a tapé fort, d'abord en direction de l'Etat : car l'institution, chargée d'étudier le bon usage des deniers publics s'est penchée dans son dernier rapport sur les aides Covid délivrées pour faire face à la situation d'urgence d'un secteur bien précis, celui des remontées mécaniques. Avec deux questions principales : est-ce que ces aides ont été utiles, et sont-elles même allées jusqu'à représenter "un effet d'aubaine" pour les sociétés qui les ont reçues ?

Dans sa mission flash, qui a audité les montants d'aides octroyés à six sociétés de remontées mécaniques (parmi les plus grandes) des Alpes du Nord, le bilan se voulait sans équivoque : près de 131,9 millions d'euros d'aides publiques auront été versées durant cette période aux six sociétés (Val Thorens, Tignes, La Plagne, Avoriaz, la Toussuire, Saint Sorlin d'Arves), dont 111,6 millions d'euros issues du seul dispositif « coût fixe », conçu sur mesure pour le secteur de la montagne. Avec selon la chambre, une stricte application du dispositif "qui aurait représenté une économie pour les finances publiques de 30,8 millions d'euros".

Avec parmi elles, deux sociétés de remontées mécaniques (Morzine et Val Thorens) qui auront même dégagé, en bout de ligne, des bénéfices au sein de leurs résultats d'exploitation, comme dans le cas de la SETAM à Val Thorens où "le bénéfice réalisé en 2021 (5,7 millions d'euros) a permis d'augmenter le niveau des capitaux propres".

"Le contribuable a été un actionnaire sans le vouloir de ces deux sociétés privées ", s'était étonné le président de la chambre régionale des comptes Bernard Lejeune.

Un rapport sur lequel le directeur des remontées mécaniques de Val Thorens (SETAM), Jérôme Grellet, a accepté de revenir avec La Tribune.

26 millions d'euros d'aides, 200.000 euros de surplus

"On comprend tout à fait que l'Etat, qui a réalisé des compensations à l'égard des stations de ski, contrôle que les choses se soient passées dans les règles, et qu'il n'y ait pas en premier lieu eu de surcompensations au global", affirme Jérôme Grellet.

Son domaine skiable, qui réalise habituellement 70 millions d'euros de chiffre d'affaires sur une saison dite normale avec près de 180 salariés employés en hiver, est lui-même passé à des revenus plafonnés à 1 million d'euros pour l'exercice (décalé) 2020-2021, largement affecté par la crise sanitaire. Résultat : il aura finalement obtenu "26 millions d'euros d'aides publiques de la part de l'Etat", toutes ressources confondues (dispositif coût fixes, chômage partiel, exonérations de charges sociales, PGE, fonds de solidité, exonération de charges départementales, abattement en CFE...).

Et d'après le phénomène de "double compensation" épinglé par la CRC, Val Thorens aurait touché "l'équivalent de 200.000 euros de trop". Un montant que la station assure avoir mis de côté pour l'heure sans y toucher, et affirme même :

"Si l'Etat nous demande de rembourser, nous le ferons, il n'y a pas de sujet. Nous jouons avec les règles que l'on nous donne". Et d'ajouter : 'Il faut se rappeler qu'au moment où nous avons appliqué pour le fonds de solidarité, en décembre 2020, on l'a fait car l'aide aux frais fixes n'était pas encore prévue. Cela faisait déjà deux mois que nous opérions déjà, sans réelle solution", avance Jérôme Grellet.

Un dispositif pensé de manière uniforme, mais des économies à tous les échelons

"Il est vrai que la compensation a été faite et pensée de manière uniforme, et que pour beaucoup de nos collègues, ces aides n'ont en réalité pas suffi. Ce qui a suscité des questions à notre intention, en se demandant comment nous avions pu gérer cet épisode à Val Thorens, tout en réalisant en même temps de telles économies", ajoute Jérôme Grellet.

Car le dispositif cout fixes a été certes, pensé de manière uniforme, en étant calqué sur une base de 49 % du chiffre d'affaires réalisé par l'exploitant sur les trois années précédentes, afin de compenser 70 % des charges fixes. Mais la station savoyarde s'est appuyée, en même temps, sur une campagne de réduction de ses coûts particulièrement drastique durant la période Covid, en profitant des synergies offertes par une structure de plus grande taille :

"Nous avons par exemple cessé immédiatement tout recours à la sous-traitance et fait réaliser les travaux d'entretien nécessaires par nos propres équipes, ou encore coupé tous les investissements durant deux années entières, compte-tenu de l'incertitude qui pesait à ce moment-là", affiche Jérôme Grellet.

Ce serait donc la somme de ces grandes orientations, données très tôt par la direction pour anticiper le choc, mais aussi "de plus petites actions entreprises à tous les niveaux", comme le souligne son directeur, "par l'ensemble de ses équipes", que la plus haute station d'Europe a réussi à réduire encore plus drastiquement ses dépenses que ses concurrents.

Améliorant, de fait, son résultat d'exploitation malgré une année blanche, comme le pointe le rapport de la chambre qui évoque une couverture des charges réelles à 123 % sur l'année 2021. "La CRC a conclu elle aussi que de toutes les stations, Val Thorens se démarque des autres stations : quand elles parviennent à économiser 40% de charges, nous arrivons à 60%, et quand les autres sont sur une réduction de dépenses salariales de 60% sur cette période, nous atteignons 70%".

Et d'ajouter : "Il est certes, un peu frustrant qu'en bout de ligne, peu de lien soit fait entre les grands efforts que nous avons réalisé et le résultat final qui a été pointé à la CRC".

Le front de l'énergie et des investissements à reprendre

Craint-il pour autant que ce récent rapport puisse faire l'effet d'une bombe sur les aides, encore en suspens, attendues par un certain nombre d'acteurs privés ou publics pour traverser la crise de l'énergie qui sévit actuellement en France ?

"Dans le cas présent, les remontées mécaniques ne sont plus à part, c'est globalement tout le pays qui est touché par la question de l'énergie, qui ne sera pas soutenable. Si aucune adaptation n'est réalisée, c'est l'ensemble du pays qui va s'effondrer", estime le directeur de la SETAM.

Avec pour Val Thorens, un petit facteur chance qui demeure pour l'heure, puisque le contrat de fourniture d'énergie de la station n'est pas encore arrivé à échéance et devrait l'être plutôt courant 2023. "Mais d'ici là, il faudra que des solutions soient trouvées car avec un marché de l'électricité multiplié par 10, la SETAM n'aurait tout simplement plus de résultat".

Après une phase de disette menée sur le volet des investissements au cours des 24 derniers mois, la société de remontées mécaniques regarde néanmoins vers l'avenir et se prépare à relancer la machine.

Cette année, le montant des investissements annuels n'atteindra pas encore la moitié de son montant habituel, fixé à 15 millions d'euros par année, "mais nous espérons reprendre le rythme habituel dès que possible", assure Jérôme Grellet, qui nourrit un plan de transformation de son activité vers l'été.

Avec entre autres, un projet de création d'un site contemplatif encore dans les cartons. Destiné aux amoureux de la montagne, celui-ci pourrait lui permettre, d'ici trois ans, d'avoir un produit novateur à proposer pour le tourisme d'été.

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