Forfaits de ski à prix réduits : comment Bourg Saint-Maurice/ Les Arcs espère encore faire jurisprudence (2/2)

FOCUS. Alors que la Loi Montagne et son application stricte par les préfets enjoint l'ensemble des communes françaises à changer leurs modes de tarification dès cet hiver pour entériner la fin des réductions, qui étaient jusqu'ici pratiquées en faveur des habitants, la commune de Bourg Saint-Maurice / Les Arcs, conduite par la liste citoyenne du maire Guillaume Desrues élu en juin dernier, incarne une forme de résistance.
A Bourg Saint-Maurice / les Arcs, ce sont près de 4.000 des 7.000 habitants de la commune qui accédaient jusqu'ici à un tarif préférentiel.
A Bourg Saint-Maurice / les Arcs, ce sont près de 4.000 des 7.000 habitants de la commune qui accédaient jusqu'ici à un tarif préférentiel. (Crédits : DR)

L'affaire pourrait bien prendre un tournant plus politique, et emblématique à l'aube de l'hiver. Car alors que les dispositions de la Loi Montagne impliquent que les usagers des remontées mécaniques soient tous égaux sur le plan des tarifs, pour ce qui est considéré comme un service public de transport de passagers, la commune de Bourg-Saint-Maurice, en Savoie, dessine les rangs de la résistance à l'application de cette réglementation, qu'elle estime injuste.

"Depuis la naissance des stations il y a près de 50 ans, ont été menées un certain nombre d'expropriations et de cessions de terrains comme dans le cas des Arcs, avec l'idée de dire que l'on mettait en place un nouveau tourisme hivernal sur le territoire mais qu'en contrepartie, ses habitants et les jeunes puissent avoir accès au ski", fait valoir à La Tribune Guillaume Desrues, maire de Bourg-Saint-Maurice / les Arcs.

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C'est donc sur cet argument que le maire des Arcs compte pour alimenter sa défense : car depuis une délibération prise, en date du 30 juin dernier, expliquant pourquoi sa commune validait à nouveau pour l'année à venir les tarifs spéciaux destinés au "gens du pays", celle-ci s'est vue attaquée par l'Etat.

Des tarifs préférentiels attaqués

Le 30 juin dernier, le Conseil municipal de Bourg Saint Maurice - Les Arcs votait en effet les tarifs des forfaits de ski « gens du pays », pour que ses habitants puissent skier aux Arcs à un prix qu'elle estime raisonnable (soit 15 euros pour les 3-15 ans et 245 euros pour les 16-74 ans), confirme la commune.

"Notre délibération a été attaquée le 12 août par le préfet de Savoie, qui nous envoie devant le tribunal administratif,  au motif que ces tarifs préférentiels sont contraires au principe d'égalité des usagers du service public. Nous préparons un mémoire en défense car nous sommes convaincus qu'il faut agir maintenant pour soucis d'équité pour nos habitants, dans une période où le pouvoir d'achat autant que le foncier grimpe", explique à La Tribune Guillaume Desrues, convaincu que ce recours menace le pouvoir d'achat de ses habitants et l'attractivité de son territoire pour les saisonniers.

Une hausse de 600 à 2.400 euros

Le maire note que cette équité pour tous signifierait concrètement une hausse des tarifs du forfait saison de la station des Arcs, qui passerait ainsi de 600 euros annuels pour une famille de quatre personnes à 2.400 euros. Et cela, alors que près de 4.000 des 7.000 habitants de la commune accédaient jusqu'ici à ce tarif préférentiel.

"Il est à craindre que beaucoup de familles ne puissent plus se payer le forfait et ne viendront par conséquent plus skier ou devront faire des choix entre leurs enfants et eux-mêmes", estime l'élu, qui alerte sur cette réglementation conduise les stations à fonctionner en "vase clos".

"Les tarifs dédiés aux gens du pays faisaient partie des petits à côté qui pouvaient rendre la vie plus douce. Il existait pourtant un modèle qui fonctionnait très bien et que l'on vient détruire sous peine de créer un principe d'égalité entre les usagers", assure le maire, dont le recours doit être étudié sous 45 jours par le Tribunal administratif. Une échéance qui pourrait également peser sur les conditions d'ouverture de sa saison d'hiver, à la mi-décembre.

Le coup de trop après le Covid

C'est aussi sur un positionnement plus politique, afin d'éviter que la charge financière ne se reporte sur les finances des collectivités, déjà mises à mal par la saison blanche rencontrée durant la crise sanitaire, que le maire de Bourg-Saint-Maurice se positionne :

"Aujourd'hui, c'est très clairement le budget de la commune qui compense les pertes de certains équipements à vocation touristique. La régie des parkings est par exemple déficitaire de 1,4 millions d'euros par an, tout comme le sont les navettes de la station, à hauteur de 1,2 millions par an. Au total, nous avons 3 millions de recettes directes et 7 millions de dépenses directes : et c'est bien ce delta de 4 millions qui est compensé, au sein du budget général de la commune, par les habitants à qui l'on vient demander aujourd'hui une nouvelle contribution", estime Guillaume Desrues.

Sans compter les "trous" qu'ont généré la période Covid sur les finances de la collectivité : "Nous venons de sortir de la crise sanitaire, qui a généré une perte sèche de 7,5 millions d'euros, dont 6 millions rien que sur la saison 2020-2021. Mais surtout, nous n'avons jamais été indemnisé par l'Etat sur les pertes d'exploitations, où nous attendions près de 2,2 millions d'euros".

A ce stade, la Préfecture de Savoie n'a pas été en mesure de nous indiquer si d'autres actions ont été menées auprès d'autres stations de son territoire. Selon Guillaume Desrues, d'autres communes de Haute-Tarentaise auraient déjà pris contact avec sa municipalité, face au durcissement de la position de l'Etat sur ce sujet.

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