Sobriété énergétique. La crise énergétique menace les stations de ski (1/3)

DOSSIER. A l'aube de la saison d'hiver, les communes de montagne qui demeurent les délégants des remontées mécaniques, ne sont pas inquiètes sur la manière d'atteindre les cibles de réduction fixées par le gouvernement. Elles le sont davantage sur un autre terrain. Car malgré les économies à réaliser, la volatilité des prix de l'électricité et le spectre du délestage font peser une nouvelle incertitude sur la filière, déjà éprouvée après deux années de crise sanitaire. Avec, en pointillés, la question de l'amortissement des charges au sein des forfaits de ski cet hiver.
A l'heure où les stations de ski sont nombreuses devoir renégocier le contrat triennal passé avec leurs fournisseurs d'énergie, elles alertent le gouvernement sur l'hiver à venir : elles veulent bien rencontrer les cibles de réduction de 10% de leur consommation, mais économiser de l'énergie ne fera pas tout.
A l'heure où les stations de ski sont nombreuses devoir renégocier le contrat triennal passé avec leurs fournisseurs d'énergie, elles alertent le gouvernement sur l'hiver à venir : elles veulent bien rencontrer les cibles de réduction de 10% de leur consommation, mais économiser de l'énergie ne fera pas tout. (Crédits : @SavoieMontBlanc-Lesueur)

Jean-Luc Boch, président de l'ANMSM (Association Nationale des Maires des Stations de Montagne) et de France Montagnes, également maire de la station de La Plagne (Savoie), n'est pas inquiet sur le terrain des éco-engagements que devront prendre les stations cet hiver, pour participer à la bataille de la sobriété.

Cependant, c'est davantage sur la question de l'envolée des prix de l'électricité (qui ont franchi la semaine dernière le seuil des 1.100 euros le mégawattheure pour les contrats de gros en 2023), ainsi que celle de possibles délestages au courant de l'hiver qui effraient les communes. Celles-ci sont en effet les délégantes du service public assuré par les remontées mécaniques, qu'elles peuvent choisir ensuite de conserver en gestion directe ou de confier, selon la Loi montagne, à un opérateur privé.

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Problème : cet hiver, elles seraient près de 70% à devoir renégocier également leur contrat triennal passé avec leurs fournisseurs d'énergie.

"Nous allons faire des efforts sur nos consommations, mais il faut que l'on nous garantisse en parallèle que l'on ne sera pas coupés en plein milieu de la journée ou que nous n'aurons pas affaire à un prix de l'électricité à 1.100 euros le mégawattheure. Sinon, ce serait la double peine. Si les prix ne sont pas bloqués, cela pourrait même empêcher l'ouverture de certaines stations", plaide Jean-Luc Boch.

Malgré les efforts en faveur d'une première baisse globale de la consommation des stations, la sobriété ne fera en effet pas tout, défend l'association qui regroupe une centaine de communes françaises.

Car face à une flambée des prix de l'énergie ininterrompue depuis plusieurs mois, les stations auront, certes, la possibilité de réduire leur facture en faisant des économies d'énergie, mais celle-ci ne devrait pas suffire à enrayer les dégradations de leur trésorerie.

La sobriété énergétique oui, mais avec des garanties

Son confrère, le maire des Orres (Haute-Alpes) et vice-président de l'ANMSM, avait lui même alerté dans la presse : "même si on réduit notre consommation, ce qu'on a déjà fait aux Orres puisqu'on est déjà très avancés dans la réduction de la consommation, nous allons passer trois millions d'euros de charges supplémentaires cette année".

C'est pourquoi l'ANMSM a demandé une rencontre avec les membres du gouvernement qui doit avoir lieu ce mardi 6 septembre à Paris. La délégation rencontrera notamment Dominique Faure, secrétaire d'État à la ruralité, et Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales ainsi que le cabinet du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire.

"Nous allons démontrer que nous sommes capables de faire des économies complémentaires et que nous sommes prêts à faire tourner des télésièges à moindre vitesse, à fermer plus tôt le soir par exemple, et à faire toutes les économies envisageables pour arriver tout de suite à 10% de réduction de nos consommations, et à continuer par la suite pour arriver à 20 ou 25%", affiche Jean-Luc Boch.

Mais en contrepartie, les maires de communes de montagne veulent de la part de l'Etat la garantie de faire partie des secteurs qui ne seront pas délestés en journée, au plus fort de leur activité, ainsi que d'avoir accès à des tarifs de l'électricité qui ne soient pas soumis à l'envolée des marchés.

"Il est certain que le délestage d'une commune ou d'un domaine skiable, qui demeurent toutes deux un service public, serait ennuyeux et pourrait être un mauvais signal. Cela nécessiterait au minimum d'être prévenu à l'avance", ajoute Guillaume Desrues, le maire de Bourg-Saint-Maurice/Les Arcs, qui attend lui aussi de cette rencontre à Paris "des garanties de la part de l'Etat", tout en indiquant que les communes prendront de leur côté "part à l'effort collectif".

Avec dans la balance, un double chiffre que Bercy connaît bien depuis la saison blanche rencontrée en 2020/2021 : à savoir, les 10 milliards d'euros de chiffre d'affaire directs et induits annuellement par une filière qui emploie quelques 120.000 salariés (dont 1 milliards et 18.000 salariés sont réalisés par les remontées mécaniques).

Le chantier des forfaits à ouvrir

En parallèle, la filière, qui est déjà dans la dernière ligne droite des préparatifs de l'hiver à venir, a déjà relancé les négociations portant notamment sur le prix de ses forfaits, entre autorités organisatrices que sont les communes de montagne et les exploitants à laquelle la gestion est déléguée, les sociétés de remontées mécaniques.

Jusqu'ici, près de 3% du prix des forfaits de ski était consacré à l'électricité. Cet hiver, il est possible que ce chiffre soit plutôt compris entre 8 et 15%, glisse-t-on déjà au sein de la profession.

"Aujourd'hui, l'énergie représente une partie des dépenses de fonctionnement non négligeables des entreprises : toutes les pistes sont donc ouvertes, et il existe effectivement des réflexions dans notre profession, comme pour n'importe quel commerçant", traduit Alexandre Maulin, qui prédit des discussions qui pourraient évoluer différemment en fonction des stations.

"Augmenter le prix des forfaits fait effectivement partie des discussions, des hausses ont d'ailleurs déjà été actées par la plupart des collectivités, même si chacune d'entre elles est responsable de fixer son prix en fonction de son domaine, car il n'y a pas une station de ski qui se ressemble", abonde Jean-Luc Boch.

Des communes favorables à des augmentations "mesurées"

Pour autant, le président de l'ANMSMS souhaite que ces augmentations demeurent  mesurées : "On ne peut pas laisser faire n'importe quoi et compenser l'ensemble des hausses par les clients. Face à l'inflation, les prix doivent rester abordables. C'est la première fois que nous allons prendre en compte les augmentations du coût de l'énergie, et nous avons veillé à ce que cela se fasse dans une augmentation comprise entre 2 et 8%, même si certaines stations ont encore, dans leur DSP, des prix bloqués sur l'hiver prochain".

Aux Arcs, le maire de Bourg-Saint-Maurice assure que son domaine, qui est exploité par la filiale de la Compagnie des Alpes ADS, ne répercutera pour l'heure pas d'augmentation sur l'hiver prochain. A la Compagnie des Alpes, qui regroupe 10 des plus grandes stations françaises (dont les Arcs), David Ponson, directeur des opérations domaines skiables pour l'ensemble du groupe, reste plus nuancé et atteste que la révision des tarifs a déjà débuté :

"Dans le cadre juridique des DSP, il est prévu en effet que les tarifs d'un service public comme celui des remontées mécaniques puissent tenir compte de l'évolution des coûts. Il est certain que face aux évolutions importantes rencontrées au cours des derniers mois, il va être nécessaire de répercuter une partie de ces hausses, au sein du payé par les usagers. Mais on ne parle au final, que de quelques euros sur le prix total", assure-t-il.

Et d'ajouter que selon les premières données disponibles, les premières données des centrales de réservations pour cet hiver sont déjà "très bonnes et même en avance des habitudes, malgré le contexte d'inflation".

En moyenne, le prix moyen d'une journée-skieurs avoisinait jusqu'ici une quarantaine d'euros, et peut osciller entre une vingtaine d'euros au sein des petites stations et 50 à 60 euros pour de plus grands domaines.

"Tout dépend de la taille des domaines, mais lorsque l'on se compare à d'autres pays, on observe que la France reste l'un des pays où le forfait est le moins cher par rapport à la taille des domaines skiables : il est inférieur en moyenne de 15% à la Suisse, et de 50% par rapport à l'Autriche par exemple", ajoute David Ponson.

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Commentaires 13
à écrit le 08/09/2022 à 13:46
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C’est portant simple puisque l’électricité pour les remontées mécaniques est désormais trop chère il faut les arrêter et aménager des escaliers pour monter à pied les skis sur l’épaule.

à écrit le 06/09/2022 à 14:25
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Tant mieux les spéculateurs font chuter toutes les industries énergivores, ils ne pourront plus skier ni nager ni pratiquer un sport la nuit en hiver sans éclairage. Retour aux sources des longues soirées à la bougie, merci la spéculation énergéti...

à écrit le 06/09/2022 à 12:22
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L'éternel débat du ski.... sur le prix du ski....c'est toujours ceux qui ne connaissent pas le ski et m'iront jamais d'ailleurs qui font des commentaires désobligeants... Pour celui qui part en janvier en mars ou en avril le ski, pour celui qui s...

le 06/09/2022 à 16:59
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Vous avez tous résumé en quelques lignes. Je suis entièrement d'accord avec vous ..Pour nous le ski reste une passion . Cela ne coûte pas plus cher que des vacances dans le sud de la France en été.

à écrit le 06/09/2022 à 10:58
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A l'heure où la bien pensance demande aux français de réduire sa consommation domestique d'électricité, les sports d'hiver étant une activité de conforts, de loisirs et absolument pas indispensable, c'est la moindre des choses d'annuler la saison d'h...

le 06/09/2022 à 13:30
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Nous ne sommes pas en guerre. Et chacun fait ce qu'il veut, dans le cadre du peu de liberté qu'il nous reste

le 06/09/2022 à 17:44
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Bonjour Je me permet de répondre à votre commentaire sur la façon de réduire la consommation d'électricité . Je pense que les enseignes des magasins non pas à être allumé la nuit , parlons aussi des monuments historiques qui sont illuminé toute l'a...

à écrit le 06/09/2022 à 9:54
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Ce serait mieux de dire la vérité. Les sports d'hiver sont une activité de luxe pour les gens en ayant les moyens. Les prix vont augmenter et seront hors de portée des classes populaires et moyennes qui devront rester à la maison ou se contenter d'un...

à écrit le 06/09/2022 à 8:28
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il est certain que si c'est pour vendre le forfait 200 euros la journee, c'est pas la peine d'allumer les machines......

à écrit le 06/09/2022 à 6:20
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Un peu de sobriété dans l’utilisation du chauffage de l’électricité et de l’eau avec les canons à neige dans nos stations première mesure à prendre avant de se retourner vers les aides d’etat

à écrit le 05/09/2022 à 22:32
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Fantastique. Quand le prix de l'énergie monte vraiment, tous les pollueurs s'arrêtent de polluer. Comme quoi, en matière d'écologie, la seule chose qui marche, c'est l'écologie punitive. Mais ça, je savais déjà

à écrit le 05/09/2022 à 21:30
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Il faudra surtout qu'il y ait de la neige. Quant au prix des forfaits ils sont déjà bien.trop chers. Pour apprécier la montagne, le ski pour pas trop cher, c'est raquette et ski de randonnée. Le Ski bar aussi pour les adeptes 🍻

le 06/09/2022 à 8:32
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Le prix des forfaits n’a pas évolué de manière très significative. J’avais regardé les rapports de la compagnie des alpes et avait été surpris de la stabilité des prix des forfaits, et du nombre de journées skieurs. Mais évidemment, la pratique du sk...

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