Avec son MaaS pionnier Moovizy, Saint-Etienne entre en compétition avec Berlin et Moscou

La Métropole stéphanoise est en compétition avec Berlin et Moscou dans le cadre des Awards de de l'Union Internationale des Transports Publics. Alors que la plupart des grandes villes françaises patinent encore sur le sujet, son offre MaaS (Mobility as a Service), Moovizy, fait figure de pionnière en France, et voici pourquoi.
L'expérimentation menée à Saint-Etienne commence à porter ses fruits : 2,5 millions de trajets ont ainsi été recherchés depuis le lancement de Moovizy, tandis que l'application est ouverte en moyenne 12.000 fois par jour et compte près de 1.500 comptes actifs.
L'expérimentation menée à Saint-Etienne commence à porter ses fruits : 2,5 millions de trajets ont ainsi été recherchés depuis le lancement de Moovizy, tandis que l'application est ouverte en moyenne 12.000 fois par jour et compte près de 1.500 comptes actifs. (Crédits : DR)

Comment Saint-Etienne, 14e métropole française par le nombre d'habitants (405.000 habitants) a-t-elle réussi l'exploit de se retrouver en finale des Awards 2022 de l'Union Internationale des Transports Publics (organisation fédérant plus de 1.700 entreprises du transport à travers le monde), dans la catégorie "Multimodal Integration"?

Ce prix doit récompenser un projet ayant contribué de manière significative à l'amélioration de l'accès et de l'attractivité des transports. En face de Saint-Etienne, dans cette compétition, rien de moins que Berlin et Moscou...

Le résultat ne sera connu que le 7 février prochain, mais six ans après le prix innovation du GART (Groupement des Autorités Responsables de Transport) qui était venu récompenser la version 1 de Moovizy, cette mise en lumière internationale de Moovizy 2 vient marquer un peu plus l'avance de Saint-Etienne Métropole en matière de MaaS  (Mobility as a Service).

Un terme désignant une offre de mobilité permettant aux voyageurs d'utiliser tous les moyens de transport disponibles sur le territoire couvert, avec un paiement centralisé. En clair, la possibilité d'aller d'un point A à un point B, en utilisant un bus, un vélo et pourquoi pas un taxi par exemple, le tout en payant de manière centralisée sur l'application digitale. Un voyage multimodal sans couture pour le voyageur.

4 MaaS seulement en France pour le moment

Cette reconnaissance internationale, la métropole stéphanoise la partagera avec le groupe Transdev (83.000 salariés; CA 2020 : 6,7 milliards d'euros; 11 millions de passagers transportés par jour dans 17 pays), détenu majoritairement par la Caisse des Dépôts. Depuis 2016, Transdev a en effet choisi le territoire stéphanois sur lequel il opère depuis 2012 le réseau des transports publics via sa filiale dédiée, la Stas (700 salariés; 180.000 voyageurs/jour), pour fourbir ses armes en matière de MaaS, un sujet encore peu abouti en France.

Aujourd'hui, seuls quatre MaaS publics sont ainsi répertoriés par l'Observatoire du MaaS (diligenté par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement - CEREMA) : Saint-Etienne donc qui a été talonné de très près par le MaaS de Mulhouse (lui aussi développé par Transdev d'ailleurs), Montpellier et Strasbourg.

Exit les grandes métropoles dans cette compétition, handicapées par la multiplicité des acteurs de la mobilité intervenant sur leur territoire. Paris, Lyon, Marseille etc n'ont toujours pas de système public Maas opérationnel.

Toutes planchent avec ardeur sur le sujet et de nouveaux MaaS devraient émerger dès 2022, facilités par la publication le mois dernier du très attendu décret d'application de l'article 28 de la LOM (Loi d'orientation des Mobilités). Celui-ci permet la revente des titres de mobilité d'acteurs tiers.

Saint-Etienne, ville pilote pour l'opérateur Transdev

"L'histoire a commencé en 2015", se souvient Luc François, vice-président de Saint-Etienne Métropole en charge des transports et des mobilités. "Saint-Etienne se préparait à accueillir l'Euro 2016. Nous savions que nous allions recevoir beaucoup de supporters venus de toute la France ainsi que des visiteurs étrangers. Il s'agissait de leur mettre à disposition une application capable de les guider dans leurs déplacements, de leur proposer les meilleurs itinéraires et de leur donner les horaires. Et nous souhaitions ajouter la possibilité d'acheter des tickets dématérialisés".

Mission accomplie en moins d'un an. Un mois avant le coup d'envoi de l'Euro, Moovizy était prête. Avec un succès qui a dépassé toutes les espérances, conquérant les utilisateurs stéphanois, bien au-delà des supporters de foot venus découvrir Saint-Etienne à l'occasion de la compétition de football.

25.000 téléchargements de Moovizy 1 ont ainsi été enregistrés dès la première année, avec 5.000 utilisations quotidiennes.

"L'année suivante, la notion de MaaS a commencé à émerger en France. Nous avons voulu conserver notre avance sur ce sujet et mettre en place un véritable Maas", poursuit l'élu. Volonté concordante avec celle de son opérateur de transports publics, Transdev, qui venait justement d'investir dans la start-up finlandaise à l'initiative du premier Maas mondial, à Helsinki.

"Nous souhaitions importer ce sujet en France, nous avons choisi Saint-Etienne pour pousser cette ambition. Il s'agissait d'un territoire pilote d'expérimentation historiquement important pour nous", raconte Xavier Aymonod, directeur clients voyageurs pour Transdev.

Tellement important d'ailleurs que le siège Transdev AuRA est depuis quelques mois à Saint-Etienne. Pour mémoire, Transdev compte 3.000 salariés dans la région à Saint-Etienne, Valence, Roanne, Chamonix, Vichy, Lyon avec le Rhône-Express, Villefrance-sur-Saône et le Rhône avec une partie des cars du Rhône.

Pour financer Moovizy 2, Transdev a investi environ 3 millions d'euros et a fait intervenir sa filiale spécialisée sur le sujet Cityway. "A la V1, ont été ajoutés le covoiturage, l'autopartage, les taxis, un suivi des modes de transports en temps réel et surtout le paiement global", précise Luc François.

Et de préciser fièrement : "Moovizy est l'appli de la multimodalité la mieux notée de GooglePlay (note 4,2/5 NDLR)". Le lancement officiel s'est fait en septembre 2020. En pleine pandémie et désaffection des transports en commun...

"Le calendrier n'était pas des plus favorables mais il nous a fallu beaucoup de temps pour mettre tous les acteurs autour de la table et trouver des accords. Chaque opérateur avait ses propres canaux de distribution, cela ne se fait pas en un claquement de doigts. Et c'est bien cette complexité qui retarde les grandes métropoles", poursuit Xavier Aymonod.

L'avenir de la multimodalité passera par le MaaS

S'il n'est pas possible de mesurer concrètement un impact positif du MaaS sur la fréquentation des transports en commun, en raison de la tempête Covid, les deux partenaires se disent toutefois satisfaits des retombées.

2,5 millions de trajets ont été recherchés depuis le lancement de Moovizy, l'application est ouverte 12.000 fois par jour en moyenne et compte 1.500 comptes actifs.

"La désaffection de notre réseau est de l'ordre de 10% seulement, nous nous en sortons mieux qu'ailleurs. Le Covid a poussé les utilisateurs dans de nouvelles habitudes de multimodalité et l'offre MaaS est tout à fait adaptée à cela. Elle facilite ces nouveaux usages", assure le VP de la métropole stéphanoise.

Même son de cloche du côté de Transdev. "Plus il est facile de trouver un trajet et de payer ces trajets multimodaux, plus les utilisateurs sont prêts à abandonner le tout voiture".

Pour Transdev, ce savoir-faire acquis avec Moovizy mais aussi avec le MaaS de l'agglomération de Mulhouse constitue désormais un atout concurrentiel. " La plupart des nouveaux appels d'offres pour les renouvellements de marchés de transport publics comportent désormais une option MaaS. C'est le cas à Toulon, Valenciennes, Annemasse, Bordeaux etc. Nous avons une avance certaine sur nos concurrents en la matière mais tout ne se joue pas uniquement avec le Maas."

Dans un deuxième temps, l'utilisation des données pourrait permettre de mieux aligner la demande avec les besoins. "Nous pourrions constater que des trajets sont très demandés alors qu'il n'existe pas de ligne directe par exemple", annonce le directeur marketing de Transdev.

L'opérateur n'a pas encore beaucoup avancé sur ce sujet à Saint-Etienne car le marché des transports publics stéphanois est actuellement en phase de renouvellement. Mais si Transdev était confirmée, l'entreprise pourrait mener des études dans ce sens.

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