CHU de Clermont-Ferrand : un plan blanc, des investissements et un personnel désenchanté

A Clermont-Ferrand, l’activation du plan blanc et la montée en puissance pour vacciner la population vient percuter la dualité entre financement des infrastructures et problèmes de main-d'œuvre. Malgré un Ségur conséquent et un programme d’investissement très ambitieux, le CHU fait face au mécontentement de l’ensemble de son personnel. Épuisés par des conditions de travail que dénoncent les syndicats, les soignants sont désenchantés et seraient "près de 900" à manquer à l'appel.
Selon la CGT, il manquerait environ 900 postes au CHU de Clermont Ferrand, tandis qu'un
Selon la CGT, il manquerait environ 900 postes au CHU de Clermont Ferrand, tandis qu'un (Crédits : DR)

Alors que la situation sanitaire se dégrade dans l'ensemble de la région Auvergne-Rhône-Alpes, le CHU de Clermont-Ferrand, qui se pose comme le second employeur de l'ex Région Auvergne avec près de 7.000 salariés (et ses 80 services et 3 établissements), a déclenché son plan blanc le 8 décembre 2021. Le rythme d'entrée des patients Covid s'accélère, dénombrant les jours derniers 7 à 8 entrées par jour de patients porteurs du virus. Pour autant, le taux d'incidence dans le Puy-de-Dôme reste inférieur à celui d'Auvergne-Rhône-Alpes : 442 contre 635 actuellement.

Ce qui explique que "nous avons accueilli des transferts de patients, notamment depuis Saint-Étienne", précise Didier Hoeltgen, directeur général du CHU. "Actuellement, nous ne sommes pas saturés."

Les jours précédents, le CHU s'était déjà réorganisé pour assurer la vaccination de 21.552 personnes par semaine sur le territoire. À compter du 15 décembre, cette capacité monte à  31.320 personnes par semaine, soit 100.000 personnes vaccinées en un mois et avant le début de l'année 2022.

Ce plan blanc réorganise certains services, notamment au plan des lits de réanimation et des blocs opératoires, afin d'anticiper une possible évolution à la hausse des besoins en soins critiques et d'hospitalisation conventionnelle dans les prochains jours.

En réanimation, des lits supplémentaires vont être armés avec une montée en puissance progressive en trois phases. Des personnels vont être déployés. 10 à 12 % des opérations vont être déprogrammées, et quatre blocs opératoires sur 40 vont être fermés. Le CHU relance également des réunions avec tous les établissements du territoire et les EHPAD pour anticiper les clusters.

Un élément de tension de plus pour le service des urgences

"Le plan blanc permet d'assurer la mobilisation de toutes les ressources nécessaires, humaines et matérielles, dans les jours et semaines à venir", commente le directeur général du CHU. Si la situation Covid n'inquiète pas encore le CHU de Clermont-Ferrand, elle s'ajoute cependant à une situation de crise déjà tangible aux urgences.

"Concrètement, nous doublons les gardes. Cela entraîne une pénibilité extraordinaire et plus de stress pour le personnel. Il y a une charge psychologique, une charge mentale ressentie par tous", reconnaît Didier Hoeltgen.

"Il existe une surcharge de toutes les urgences et en particulier les urgences pédiatriques. Elles sont à saturation, en tension depuis un mois et demi. Chez les adultes nous sommes passés de 140 passages par 24 heures à 180, avec un pic à 210 la semaine dernière."

Aux urgences pédiatriques, les entrées sont ainsi passées de 70 à 120 entrées par jour, principalement pour des bronchiolites.

Des services d'urgence et un personnel déjà "épuisé"

"Au final, on est fatigués", admet Didier Hoeltgen. "Nous avons tous beaucoup travaillé. Les soignants, la logistique, tout le personnel a été beaucoup sollicité. L'absentéisme augmente, il est passé de 10 à 12 et 13 %. Lorsque habituellement, nous étions à un taux de remplacement de 85 %, il est aujourd'hui de 60 %."

Une situation que dénonce fermement la CGT. "La direction nous annonce le recrutement de 250 postes sauf que nous comptons les  départs de 1.179 agents pour 2020 (dispo, démission, mutation...) ce qui représente plus de 365 agents de plus qu'en 2019", détaille Eric Rodier, délégué CGT Santé au CHU.

"Les heures supplémentaires pour le personnel non médical représentent 62.44 postes. Un absentéisme à 12%, ça représente 720 agents ! Au total, les 250 postes annoncés en recrutement ne comblent même pas les départs des plus de 365 agents."

Pour la CGT, il manque environ 900 postes au CHU. Les mouvements sociaux des personnels du CHU se succèdent et concernent tous les professionnels de santé, infirmiers, aides soignants, anesthésistes, sages-femmes, administratifs ... pour dénoncer des effectifs insuffisants, des changements de planning, des retours sur repos.

La direction veut organiser la relève des équipes

Le service Rameau, spécialisé dans la psychiatrie des personnes âgées et ses 21 lits devraient fermer le 24 décembre, faute d'avoir trouvé un nouveau chef de service. Fin novembre, des infirmiers anesthésistes du CHU ont posé nus sur une photo diffusée sur les réseaux sociaux. En grève depuis le 2 novembre, ils exigent une reconnaissance statutaire et salariale.

Une tension sociale avec laquelle Didier Hoeltgen doit composer. Même s'il reconnaît rencontrer des difficultés sur certains recrutements, il reste confiant. "L'objectif, c'est d'organiser les choses avec méthode et en particulier d'assurer la relève des équipes. La spécificité de notre plan blanc, dans le territoire, c'est d'organiser une relève des équipes. Il ne s'agit pas de reprendre les repos ou de faire revenir sur le repos les personnels", martèle le directeur général.

"Il s'agit au contraire et paradoxalement d'organiser les systèmes de repos et de relève pour pouvoir tenir dans la durée. Cette méthode là est très importante. C'est possible parce que nous travaillons avec les écoles. Nous avons sollicité l'ARS pour pouvoir mobiliser d'autres acteurs, pour pouvoir faire travailler les personnels en formations dans les écoles pour qu'il puisse renforcer, sur la base du volontariat, les services de telle sorte qu'on ait des équipes de relève."

Des investissements sans précédents

Le  directeur général du CHU de Clermont regrette cependant que l'effort important du Ségur ne donne pas plus d'espoir au personnel : "Il faut bien se rendre compte que le Ségur c'est un effort sans précédent, par exemple on a une augmentation de 500 euros sur les sages-femmes, c'est très significatif."

Concrètement, le plan Ségur annonce pour le CHU de Clermont-Ferrand un projet de modernisation des laboratoires qui reste à déterminer. Il prévoit aussi une rénovation lourde du bloc central du site Gabriel Montpied et le regroupement du bloc de chirurgie cardio-vasculaire à hauteur de 15,7 millions d'euros.

Sans compter la restauration des capacités financières de 30 millions d'euros. "Dans le Puy-de-Dôme, les investissements sont très importants", apprécie Didier Hoeltgen. "Mais c'est parce que nous avions beaucoup travaillé en amont sur les investissements à venir. Nous avons bien préparé ce plan de relance et nous avons été rapides sur le dépôt de dossier parce que nous avions déjà une politique d'investissement."

L'année avait d'ailleurs débuté sur la mise en route d'un chantier très attendu à l'hôpital. D'un montant global de plus de 50 millions d'euros, le projet architectural GM3 s'inscrit dans la volonté de poursuivre la transformation du CHU de Clermont-Ferrand. Il va améliorer la prise en charge des patients et les conditions de travail des professionnels hospitaliers, grâce à une recomposition du site principal de Gabriel-Montpied.

Avec une livraison attendue en 2024, ce projet architectural  poursuit la transformation du CHU de Clermont-Ferrand. "Le CHU est engagé depuis 2012 dans une opération de réhabilitation et de reconstruction du site Gabriel-Montpied. Cette reconstruction consiste à regrouper des filières d'aval des urgences et à proposer un nouveau bâtiment central pour la prise en charge des patients", précise Didier Hoeltgen.

Avec le projet architectural dit « GM3 », se termine la dernière phase de cette opération de travaux. Le désamiantage et à la déconstruction de l'aile HO en 2018 a libéré une parcelle permettant la construction du nouveau bâtiment.

"La construction du bâtiment GM3 constitue une étape majeure de reconfiguration du CHU. Cette opération permettra de restructurer les services de spécialité et notamment de repositionner l'activité d'hospitalisation de chirurgie cardiaque et de réduire le nombre de sites opératoires. Ce bâtiment abritera également le service des urgences pour faire face à l'augmentation constante de l'activité et permettre une meilleure fluidité du parcours patient. Il rendra possible la construction d'une hélistation en terrasse", précisait à l'époque Didier Hoeltgen. Le nouveau bâtiment devrait améliorer la prise en charge des patients et des conditions de travail des professionnels hospitaliers

Pour améliorer la cohérence des filières de soins, ce projet s'articule autour de sept unités d'hospitalisation complète de médecine et des locaux de consultations pour 3 spécialités. Il permet le rapprochement du service de chirurgie cardiovasculaire (hospitalisations, réanimation et surveillance continue) du bloc central de Gabriel-Montpied, permettant ainsi la fermeture d'un bloc opératoire satellite.

Le service des urgences, très à l'étroit, sera réhabilité et mieux dimensionné avec une emprise sur les urgences actuelles et le bâtiment GM3 ainsi que l'intégration d'un local du SMUR. Des places d'hôpital de jour, la réintégration sur site du service d'hémodialyse,  avec un total au final de 24 postes d"hémodialyse, aujourd'hui de l'autre côté de la rue ainsi que la requalification du hall d'entrée général de l'hôpital devrait améliorer grandement les conditions d'accueil. L'ensemble représente 236 lits d'hospitalisation complète, 36 places d'hôpital de jour. Le coût de cette opération de travaux s'élève à environ 50 millions d'euros TTC. L'ARS a donné son accord pour ce budget en cours depuis fin 2020.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 17/12/2021 à 20:22
Signaler
Tant que le rapport personnel soignant/ personnel technicoadministratif restera de 2/1 l’hôpital ira à la catastrophe. Il n’y a qu’à voir les parkings des hôpitaux les samedi.dimanche pour avoir une idée de l’étendue du desastre !!!

à écrit le 17/12/2021 à 20:22
Signaler
Tant que le rapport personnel soignant/ personnel technicoadministratif restera de 2/1 l’hôpital ira à la catastrophe. Il n’y a qu’à voir les parkings des hôpitaux les samedi.dimanche pour avoir une idée de l’étendue du desastre !!!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.