Pourquoi le réseau Mont-Blanc Industries rompt son mariage (forcé) avec ViaMéca

Le réseau d’entreprises industrielles Mont-Blanc Industries renonce à fusionner avec l'acteur de la filière mécanique ViaMéca, au sein du pôle de compétitivité CIMES. La grappe haute-savoyarde avance des problèmes majeurs de gouvernance dans ce qui devait être un acteur majeur de l’innovation en Auvergne-Rhône-Alpes… et évoque ses envies d’autonomie décisionnaire vis-à-vis des financeurs publics et notamment de la Région, qui avait poussé à l’union.
Michel Albrieux, président de Mont-Blanc Industries a jeté un pavé dans la mare en annonçant, au cours de son assemblée générale annuelle, qu'il se retirait du projet, pourtant bien avancé, de fusion avec son partenaire ViaMéca au sein du pôle de compétitivité CIMES.
Michel Albrieux, président de Mont-Blanc Industries a jeté un pavé dans la mare en annonçant, au cours de son assemblée générale annuelle, qu'il se retirait du projet, pourtant bien avancé, de fusion avec son partenaire ViaMéca au sein du pôle de compétitivité CIMES. (Crédits : DR)

La rupture entre Mont-Blanc Industries (MBI) et ViaMéca est telle, que l'on peut se demander comment ces deux acteurs de l'industrie innovante ont bien pu avoir un jour l'idée de se regrouper. Le fait est que les motivations de cette union ressemblaient davantage à un mariage forcé, qu'à un mariage d'amour.

MBI, qui fédère 300 entreprises en Haute-Savoie et en Savoie, vient en effet d'annoncer au cours de son assemblée générale annuelle qu'il se retirait du projet, pourtant bien avancé, de fusion avec son partenaire ViaMéca, qui compte quant à lui 144 adhérents majoritairement situés dans le centre et l'ouest de la région Auvergne-Rhône-Alpes, au sein du pôle de compétitivité CIMES.

Une initiative de la région, tombée à l'eau

« L'État, et surtout la Région nous avaient fortement suggéré de nous rapprocher », relate Michel Albrieux, le président de MBI, qui dit néanmoins comprendre la légitimité de la Région Auvergne-Rhône-Alpes à demander de rationaliser les outils de soutien à l'industrie pour une meilleure efficacité.

« Sur le papier, l'idée était bonne : il y avait une compatibilité entre les personnes ; nous étions différents et complémentaires », reconnaît Michel Albrieux.

L'alliance entre ViaMéca, fort de ses réseaux académiques, et MBI, puissant par le maillage de son écosystème local, pouvait laisser entrevoir une collaboration fructueuse en les unissant au sein du pôle de compétitivité CIMES. Des possibilités étaient envisagées pour oeuvrer avec d'autres grappes industrielles de la région, comme le bressan Mécabourg, ou le stéphanois Mécaloire, afin de créer un pôle reconnu à l'échelle européenne, explique Michel Albrieux.

Lire aussi 3 mnPôle de compétitivité : Viameca et Mont-Blanc Industries s'unissent pour remporter le précieux label

Mais la vision théorique s'est heurtée à la réalité, poursuit le président de MBI, qui défend le mode de fonctionnement collaboratif de son réseau d'entreprises.

« Nous nous sommes aperçus avec le temps que nos cultures étaient bien différentes, souligne Michel Albrieux. ViaMéca était dans un mode classique hiérarchique. (...) De notre côté, nous avons beaucoup participé à la gouvernance, mais sans être suffisamment écoutés. »

Quand les premières difficultés se sont avancées, « les visions différentes ont explosé », illustre Michel Albrieux. « Le travail sur le territoire n'a pas été considéré comme un sujet », regrette-t-il.

En réponse aux demandes d'interview de La Tribune, CIMES a répondu que « pour l'instant, la gouvernance de CIMES ne souhaite pas s'exprimer. » Philippe Maurin-Perrier, le président de CIMES est l'ancien président de ViaMéca, tout comme Marie-Odile Homette, directrice de CIMES, est l'ancienne directrice générale de ViaMéca.

Celle-ci précise que CIMES consultera les financeurs publics avant de s'exprimer.

La Région coupe les vivres

Annoncée mardi, la décision du conseil d'administration de MBI de se désengager de CIMES avait cependant été prise bien en amont. Informée, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, conduite par le président LR Laurent Wauquiez, a alors effacé sa subvention annuelle à MBI. « La Région nous a coupé les vivres pour 2020 et pour 2021 », pointe Michel Albrieux.

À présent que la fusion avec ViaMéca est écartée, « la Région souhaite que nous nous développions avec d'autres partenaires », précise le président de MBI. Le retour de la subvention régionale est à ce prix. Des contacts sont en cours avec l'Observatoire de la sous-traitance (OSST) et avec le Technocentre ID Center, tous deux basés à Cluses, confie-t-il, tout en avançant que des discussions pourraient s'amorcer à l'avenir avec des structures telles que Thésame, le centre d'expertise en technologie numérique, lui aussi haut-savoyard.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si tous ces acteurs cités sont déjà géographiquement implantés en Haute-Savoie.

« L'attractivité est le principe même de la décentralisation, affirme Michel Albrieux. Que l'écosystème de la Haute-Savoie soit plus visible et plus efficace, je l'entends tout à fait. Que cela passe par la fusion, on peut en discuter. Mais il faut le faire en bonne intelligence. »

Un travail de terrain, incompris ailleurs

La Région a-t-elle trop forcé la main des ex-futurs mariés, sans tenir compte de la réalité du terrain et des différences de cultures industrielles?

« Je comprends qu'à un certain moment, il faut aller vite, y compris avec une certaine pression financière, répond Michel Albrieux. Les demandes de la Région sont compréhensibles. Mais il n'est pas simple de tenir compte de la réalité de chaque écosystème, même à l'intérieur de la Haute-Savoie. Personnellement, je suis pour la décentralisation et pour le travail sur le terrain, avec des gens qui connaissent le terrain. C'est mon credo et celui de tout mon conseil d'administration. »

Et le président de MBI d'enfoncer le clou : « le travail réalisé par MBI est essentiel pour les entreprises, et celui-ci ne peut pas forcément être compris par des acteurs situés hors du territoire. »

À bon entendeur, salut... pourrait-on comprendre du côté de l'hôtel de Région. Contacté par La Tribune, l'exécutif de la Région Auvergne-Rhône-Alpes n'a pas répondu à notre demande d'interview.

Cette incompréhension entre les industriels sur le terrain et les politiques dans leurs bureaux pourrait bien se prolonger, malgré le besoin impératif de MBI de trouver des financements d'ici la fin de l'année, afin de maintenir son activité.

« Ma solution préférée serait d'avoir la confiance de la Région », dit Michel Albrieux, tout en laissant planer le doute. « Il peut y avoir des solutions alternatives, car nos membres sont très attachés à MBI. »

Vers l'autonomie décisionnelle?

Et ces solutions alternatives pourraient tout simplement être élaborées... sans la Région.

« Le financement public est souhaité, mais à terme, comme les décideurs politiques eux-mêmes le souhaitent, les financements publics seront amenés à être réduits. L'autonomie devra se développer, poursuit-il. Nous allons travailler à d'autres sources de financement, tout en travaillant en intelligence avec les décideurs publics. »

La subvention annuelle régionale, d'environ 200.000 euros -qui correspond approximativement au déficit de MBI pour chacune des années 2020 et 2021 en raison des non-versements ces deux années-, pourrait-elle être déclinée, si MBI se tournait vers une solution jugée plus adaptée par ses membres, mais refusée par l'exécutif régional ?

« Dans tous les cas, MBI fera partie d'une organisation consolidée d'ici la fin de l'année pour permettre une simplification de l'écosystème haut-savoyard, à laquelle nous sommes tous favorables », élude Michel Albrieux.

Comprendre : les orientations seront désormais prises en Haute-Savoie. Quoi qu'il puisse en coûter.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.