Ce que démontre l'alliance entre l'ENISE et Centrale Lyon

Stratégie. Alors que le projet Idex Lyon/Saint-Etienne a été enterré fin 2020 dans la douleur, Centrale Lyon et l’Ecole nationale d’ingénieurs de Saint-Etienne démontrent que l’union entre les communautés d’enseignement supérieur des deux villes est possible. Depuis le 1er janvier, l’ENISE devient une école interne de Centrale de Lyon, un dispositif encore très peu utilisé par les écoles d'ingénieurs françaises. Sous 10 ans, cette union devrait permettre à la nouvelle entité de doubler ses effectifs.
Avec les 1.000 étudiants de l'Enise, la nouvelle Ecole Centrale de Lyon passe le cap des 2.500 étudiants grâce à un nouveau statut jusqu'ici peu utilisé par les écoles d'ingénieurs françaises.
Avec les 1.000 étudiants de l'Enise, la nouvelle Ecole Centrale de Lyon passe le cap des 2.500 étudiants grâce à un nouveau statut jusqu'ici peu utilisé par les écoles d'ingénieurs françaises. (Crédits : DR)

François Larrouturou, le directeur de l'Ecole Nationale d'Ingénieurs de Saint-Etienne, est clair : "Ce rapprochement n'a rien à voir avec l'IDEX. Il ne s'agit pas d'une fusion mais d'une intégration".

En devenant une école interne de Centrale Lyon, dispositif encore très peu utilisé par les écoles d'ingénieurs françaises, l'ENISE conserve son autonomie budgétaire et pédagogique, son directeur, son campus, etc.

"Nous continuerons à délivrer des diplômes distincts, et nous conservons notre nom", poursuit-il. "En revanche, oui, l'Enise doit faire le deuil de son indépendance puisque nous perdons notre personnalité morale et juridique. Mais ce rapprochement n'est pas subi, il est préparé depuis que l'Etat nous a invités en 2013 à nous trouver un partenaire afin d'accéder aux RCE (Responsabilités et compétences élargies NDLR)".

A l'époque, quatre projets d'union avaient été présentés au conseil d'administration : avec l'université stéphanoise Jean Monnet, avec l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, avec l'Ecole des Arts et Métiers de Lyon et avec Centrale Lyon. En raison des liens tissés depuis 20 ans autour de la recherche en tribologie notamment, le projet de Centrale Lyon avait été retenu à l'unanimité.

Préparée de longue date, l'intégration suscite néanmoins l'inquiétude de la CGT ENISE. "L'ENISE ne pourra plus dorénavant être maitre de son destin et de son activité au sein de la région stéphanoise (...). Les frais de scolarité passeront de 601 euros par an à 2500 euros. En outre, les enseignements mutualisés entraineront très probablement de nombreux déplacements d'enseignants et d'étudiants entre Lyon et Saint-Etienne", expliquent ainsi ses représentants.

Pour Frank Debouck, directeur de Centrale Lyon, ces interrogations sont légitimes dans un process de transformation. "Mais", promet-il, "les deux écoles en sortiront gagnantes".

Atteindre une taille critique

Coté Enise, il s'agira, pour ses étudiants comme pour ses enseignants, de profiter notamment de la structuration et de la notoriété de Centrale Lyon.

Cette dernière se positionne en effet à la 7e place du classement 2021 de l'Etudiant, référence en la matière. Tandis que l'Enise se classe à 116e place (sur 168 écoles), malgré sa forte implantation dans le tissu industriel régional et national. Elle avait d'ailleurs décroché l'année dernière la chaire Misu (intégrité des surfaces usinées) avec des industriels de premier ordre comme Airbus, Framatome ou encore Safran (financement d'1,2 million d'euros).

C'est mieux que l'année dernière (138e place) et beaucoup mieux qu'en 2013 lorsqu'elle pointait péniblement en queue de classement à la 159e position, mais il n'en reste pas moins que Centrale la devance toujours très nettement.

"Nous ne délivrerons pas les mêmes diplômes, donc nous serons toujours classés séparément mais Centrale nous aidera à remonter dans les classements, c'est une priorité", explique François Larrouturou.

Et d'ajouter : "Notre équipe pédagogique a déjà réalisé un travail exceptionnel sur les enseignements. Il a porté ses fruits : la commission des écoles d'ingénieurs vient de nous accorder une habilitation pleine et entière pour les prochaines années. Nous ne pouvions pas faire mieux !"

Côté Centrale Lyon, cette intégration lui permet d'atteindre une taille critique (2.500 étudiants dont 1.000 à Saint-Etienne) cruciale pour sa visibilité à l'international notamment. Cette alliance fait émerger un nouveau modèle d'école d'ingénieurs, conjuguant les formations d'ingénieur généraliste de Centrale à celles d'ingénieurs de spécialité de l'Enise (génie mécanique, génie civil et génie sensoriel). Autre avantage : " nous entrons dans le domaine du post bac grâce à l'Enise", sourit Frank Dubouck, le directeur lyonnais. "Nous pouvons désormais proposer des formations allant du bac au doctorat". Enfin, l'intégration de l'Enise et de ses 40% d'étudiants boursiers offrira une plus grande ouverture sociale à Centrale.

Objectifs ambitieux

La nouvelle Ecole Centrale de Lyon va démarrer à la fin de ce mois de janvier la construction de son nouveau plan de marche pour les dix prochaines années. Les principaux objectifs en sont toutefois déjà connus : la construction d'un projet pédagogique et de recherche ambitieux avec notamment le projet Surfab, le doublement des effectifs, l'amélioration du classement de l'Enise, la création éventuelle d'autres écoles internes ainsi que de nouveaux diplômes (notamment des Bachelors), et enfin l'affirmation de deux campus éco-responsables.

La nouvelle entité entend bien par ailleurs prendre sa place dans la nouvelle structuration de l'enseignement supérieur sur le territoire.

"L'abandon de l'IDEX est un échec collectif. Centrale Lyon avait refusé de prendre part à ce projet dès le départ car il ne comportait pas de projet scientifique et pédagogique suffisant : il était uniquement axé sur l'infrastructure", commente Frank Dubouck.

"Nous devons rebondir tous ensemble et aller de l'avant. La structuration se fera désormais autour de la cohérence entre les 17 écoles d'ingénieurs de Lyon et Saint-Etienne. L'Etat, par le biais de son recteur délégué, soutient la démarche. Quatre écoles (Centrale, l'INSA, l'ENTPE et l'Ecole des Mines) pourraient piloter l'ingénierie de Lyon Saint-Etienne".

Un projet immobilier d'envergure

En attendant, François Larrouturou, à Saint-Etienne, espère voir avancer son projet immobilier. "Nos bâtiments ont été construits il y a 40 ans pour 450 étudiants. Nous sommes désormais plus de 1.000.... De plus, les méthodes pédagogiques n'ont plus rien à voir".

Le directeur de l'Enise a établi un programme d'investissement de 60 millions d'euros, sur 20 ans. Dont il espère une première tranche de 15 millions d'euros dès 2021 dans le cadre du plan Etat Région.

"Nous avons repéré des sites, sur des friches industrielles, près de la gare de Chateaucreux. Plus proche du centre-ville, des moyens de transports et des services utilisés par les étudiants".

Et de conclure : "Notre intégration dans Centrale Lyon nous donne plus de visibilité par rapport au Ministère et plus de poids vis-à-vis des collectivités locales. Indéniablement, ensemble, les deux écoles sont plus fortes".

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Commentaire 1
à écrit le 05/02/2021 à 9:12
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Et pendant ce temps-là, les enseignants vacataires attendent leur salaire, qui, au lieu d'avoir 5 mois de retard, en comptera 7 cette année. Voilà aussi ce que démontre cette alliance.

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