2020 : le bilan social de la crise se dessine déjà dans le Rhône

RETROSPECTIVE. L’année 2020 aura été inédite à plus d’un titre. 2021 le sera-t-elle aussi sur le terrain des plans sociaux et des faillites d’entreprises, comme le craignent certains experts ? Si toutes les entreprises n’ont pas été affectées de la même façon, peu auront été au final épargnées par cette lame de fond, qui a touché l’ensemble de notre économie. Au cours des dernières semaines, le tissu industriel a connu des soubresauts, avec l’annonce des premiers plans de restructuration post-Covid, dont la Tribune Auvergne Rhône-Alpes dresse un premier état des lieux.
Juste avant les fêtes, les organisations syndicales de General Eletric ont levé le piquet de grève après quatre semaines de mobilisation sur le site de Villeurbanne. Mais le PSE lui, continue avec une reprise des discussions prévues en janvier.
Juste avant les fêtes, les organisations syndicales de General Eletric ont levé le piquet de grève après quatre semaines de mobilisation sur le site de Villeurbanne. Mais le PSE lui, continue avec une reprise des discussions prévues en janvier. (Crédits : DR)

Alors que plusieurs voix se sont élevées, à l'instar de Bruno Le Maire, pour prévenir des « effets d'aubaine » concernant une possible vague des PSE à venir, on peut déjà observer, sur la scène régionale, les premiers effets de la crise sanitaire.

Si le nombre de faillites d'entreprises demeurait toujours inférieur aux prévisions attendues en novembre dernier, plusieurs industriels du bassin lyonnais ont en effet annoncé des plans de restructurations au cours des derniers mois, qui rythmeront très probablement le cours de l'année 2021 à venir.

En voici un aperçu, en quelques chiffres, des dossiers dont les premiers jalons ont été posés en 2020 :

General Electric (Grid solutions) : 350 emplois concernés à Villeurbanne et Saint Priest

Annoncé en septembre dernier, ce second plan social en l'espace de 18 mois pour la division Grid de GE devait à l'origine impacter 634 salariés français de la branche du groupe, destinée aux énergies renouvelables, qui compte elle-même 2.000 salariés.

Cinq établissements français seraient plus particulièrement concernés, dont les deux antennes de Saint-Priest (Rhône) de la branche Grid, ainsi que les sites GE de Montpellier et de la région parisienne.

Mais c'est le site de Villeurbanne qui porterait le plus lourd tribu, avec 285 suppressions d'emplois sur les 465 que compte ce site centenaire, par ailleurs centre de compétences mondial du groupe américain dans son domaine.

Après une grève de quatre semaines entamée le 15 novembre dernier, un projet d'accord a été signé in-extremis à la mi-décembre par la direction et les salariés, au terme de quatre journées de grève de la faim amorcée par plusieurs salariés. Les deux parties devraient reprendre le chemin des négociations le 5 janvier prochain, pour évoquer les conditions de ce plan.

Renault Trucks : 290 à 450 postes concernés à Lyon et Bourg-en-Bresse

Depuis juin dernier, le constructeur automobile Volvo avait annoncé sa volonté de changer de stratégie en réduisant ses effectifs au sein de Renault Trucks SAS, avec près de 450 suppressions d'emplois annoncées sur près de 3.000 salariés.

Finalement, la CFE-CGC avait annoncé, début décembre, être parvenue à un accord avec la direction (non signé par FO) qui concernerait cette fois-ci 290 postes, principalement sur les sites de Lyon et Bourg-en-Bresse.

Selon un accord de rupture conventionnelle collective négocié depuis septembre, le plan envisagé par la direction ne comprendra que des départs volontaires. Un engagement gravé dans le marbre « jusqu'au 30 juin 2022 ».

Jtekt Automotive : 219 postes à Irigny

En difficultés depuis 2019, le constructeur Jtekt Europe, filiale de Toyota, a annoncé en septembre dernier son projet de supprimer 20 % de ses effectifs hors production (soit 654 postes à l'échelle européenne).

A Irigny, siège européen du groupe et berceau d'une usine historique de systèmes de direction hydrauliques, Jtekt envisage de couper 219 postes sur 1.750. Et ce, alors que le constructeur compte plus largement 7.500 salariés et 15 sites de production à l'échelle européenne.

Les élus CGT ont d'ores et déjà fait part de leurs craintes, en redoutant un second PSE à venir, cette fois sur le volet de la production, qui pourrait porter le total jusqu'à 43% des effectifs actuels. Le transfert des activités du groupe vers une nouvelle usine au Maroc, ouverte l'an dernier, est notamment craint par les salariés.

Gifrer-Barbezat : 125 postes à Décines-Charpieu

Créé en 1912 par les inventeurs de l'eau oxygénée, le laboratoire Gifrer-Barbezat pourrait cesser bientôt toute production, selon un PSE présenté en septembre dernier par son actionnaire principal, le groupe familial belge QualiVer. Un projet qui prévoit 115 suppressions d'emplois sur les 215 que compte le site actuel, qui fabrique des flacons d'éther, des unidoses de sérum physiologique, ou encore du liniment oléo-calcaire, un produit star pour nettoyer les fesses des nouveaux- nés.

Reconnue au printemps « entreprise de première nécessité » sur le terrain de la lutte anti-Covid, son actionnaire met en avant « l'obsolescence de l'usine » dans laquelle « 26 millions avaient déjà été investis depuis son acquisition en 2000 » pour justifier sa décision.

Car malgré un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros, en croissance moyenne de 3,8 % par an, Gifrer présenterait un résultat d'exploitation négatif de plus de 10 millions (6,5 millions en 2019). Son propriétaire envisagerait ainsi de rapatrier une partie de la production au sein de ses installations flamandes et d'en sous-traiter le reste.

Début décembre, la métropole de Lyon, conduite par l'écologiste Bruno Bernard, est montée au créneau en proposant d'acquérir le terrain de 17 hectares « au prix France Domaine », appliqué par la direction de l'immobilier de l'Etat. La vice-présidente EELV à l'économie de la métropole de Lyon, Emeline Baume ainsi la maire LR de Décines, Laurence Fautra, ont toutes deux demandé récemment à l'Etat d'intégrer les laboratoires Gifrer au sein des projets subventionnés dans le cadre de France Relance.

Merk : une cinquantaine de postes à Lyon et Meyzieu

Depuis la mi-novembre, l'entreprise pharmaceutique allemande Merck étudie un projet de licenciement collectif pour motif économique, sans plus de précisions à ce stade. Incluant un projet de sauvegarde de l'emploi (PSE), ce dernier pourrait concerner une cinquantaine d'emplois sur l'agglomération, à Lyon et Meyzieu.

Le laboratoire, qui avait été condamné par ailleurs en juin 2020 à verser 1.000 euros à chaque plaignant dans l'affaire du Levothyrox, emploie près de 790 collaborateurs à l'échelle de la région Auvergne Rhône-Alpes, incluant deux autres sites (Saint-Quentin-Fallavier et Meylan).

Boiron : 646 postes menacés en France (détail : NC)

Cette fois, ce n'est pas le Covid qui aura eu raison du laboratoire lyonnais mais, d'après sa directrice générale, « la campagne de dénigrement du gouvernement français menée contre l'homéopathie ». Confronté à une chute de son chiffre d'affaires depuis l'annonce du déremboursement de l'homéopathie par le gouvernement français, à compter de début 2021, les laboratoires Boiron ont annoncé la mise en place d'un plan de réorganisation » assorti de « la suppression de 646 postes », sur un total de 2.500 salariés en France, où se situe la totalité de la production des granules homéopathiques.

Si les détails de ce plan, concernant notamment répartition au sein de ses sites régionaux, ne sont pas encore connus, on sait déjà qu'il devrait se traduire par la fermeture de l'un de ses trois sites de production, situé près de Tours, mais aussi de 12 établissements de préparation sur les 27 qu'opère le groupe en France, dont celui de Grenoble.

Il prévoit par ailleurs la création de 134 postes ainsi qu'une nouvelle organisation de ses équipes commerciales pour « s'adapter à cette nouvelle donne », tandis que les effectifs présents à l'étranger (1.200 collaborateurs) ne seront pas touchés.

Il s'agit du plus important PSE du groupe, créé en 1932, qui représentera au total un quart des effectifs français de l'entité. La directrice générale Valérie Lorentz-Poinsot rappelait que Boiron aurait commencé à ressentir les effets de ces annonces dès son exercice 2019, où son chiffre d'affaire a baissé de 7%, et son résultat net de -29,3 %. Son recours au Conseil d'Etat contre l'arrêté ministériel, actant du déremboursement, a été rejeté mi-décembre.

Ils restent en suspens :

Bayer : des suppressions d'emplois « possibles »

Le spécialiste des semences et de la pharmacie allemand Bayer envisage lui aussi de réduire ses coûts de 1,5 milliard d'euros à l'horizon 2024 et estimait, en septembre dernier, des suppressions d'emplois « possibles » pour des mesures qui pourraient toucher « l'ensemble des branches du groupe ».

Ces nouvelles dispositions viendraient par ailleurs s'ajouter aux 2,6 milliards d'euros d'économies annuelles, déjà actées à partir de 2022, et qui prévoyaient la suppression de 10% de ses effectifs mondiaux, dont 475 postes en France -uniquement sous forme de départs volontaires-.

Un nouveau programme d'économies directement issu de la crise sanitaire, qui prend également en compte le risque d'une dépréciation d'actifs de plusieurs milliards auquel est soumise sa division d'agrochimie. Celle-ci subirait en effet de plein fouet plusieurs effets conjugués, dont le prix à la baisse de plusieurs semences sur le marché, la chute de la consommation des biocarburants au cours des derniers mois, ainsi qu'une forte concurrence d'autres plantes comme le soja.

Le géant de la chimie emploie 1.700 salariés en France, dont environ 1.100 collaborateurs en région lyonnaise, répartis sur quatre sites : son siège de Lyon, son Centre de recherches Lyon-La Dargoire, son usine de Villefranche-Limas ainsi que son centre de formation de Chazay-d'Azergues. Le laboratoire venait d'investir 2,8 millions d'euros dans la création de son laboratoire de La Dargoire, inauguré en septembre 2019, visant à étudier les maladies des plantes.

Famar : une reprise de 115 salariés à Saint-Genis-Laval

En redressement judiciaire depuis juin 2019, Famar, le seul français à produire encore de l'hydroxychloroquine (nivaquine) dont le dossier avait défrayé la chronique au printemps dernier, a finalement été repris à la barre du tribunal de commerce par le groupe pharmaceutique libanais Benta Pharma, en juillet dernier.

Fondée en 1982 dans la région lyonnaise, à Saint-Genis-Laval, cette ex-usine de Rhône-Poulenc était tombée à 25 % de ses capacités de production, suite au passage et revers de plusieurs actionnaires (le grec Famar, puis le fonds américain KKR).

Seuls 115 des 240 salariés ont été ainsi conservés, avec un plan d'investissement annoncé de 42 millions d'euros. Mais le choix du Tribunal de commerce de Paris avait été contesté par le groupe Néovacs, concurrent de Benta Pharma sur ce dossier, qui a annoncé avoir déposé un recours, visant à faire annuler la procédure.

Mais aussi, en bref :

Gravotech Marking : 40 postes à Rillieux-la-Pape

Le leader mondial dans les solutions de marquage, gravure et découpe laser Gravotech a annoncé cet autonome qu'il s'apprêtait à supprimer un quart de ses effectifs au niveau mondial.

Près de Lyon, son centre de R&D basé à Rillieux-la-Pape perdrait ainsi 40 salariés, tandis que son site de La Chapelle-Saint-Luc, près de Troyes, en perdrait 60. Le groupe compte également un site aux Etats-Unis à Duluth (Minnesota) ainsi qu'un autre à Shanghai (Chine).

Mister Auto : 100 postes à Corbas

Lips (liquidation) : 20 salariés à Lyon

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Commentaires 4
à écrit le 29/12/2020 à 9:07
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Mais vous arrêtez avec toutes ces bonnes nouvelles pour la finance, elle n'arrête pas de monter con comme elle est du coup !? Plus manichéen tu meures. Les zombies.

à écrit le 28/12/2020 à 21:11
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a priori les pge s'arretent en avril des morts jusque la, une boucherie apres quoi quil en coute donc

à écrit le 28/12/2020 à 19:24
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Et, " ce n'est qu'un début"...en d'autres temps on aurait ajouté "continuons le combat"! Ah! Le bon vieux temps de la lutte des classes où chacun était à sa place, où la solidarité n'était pas un mot galvaudé.

le 30/12/2020 à 7:29
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Ce n'est plus la lutte des classes, c'est la guerre des classes, et elle est mondiale. Les chinois l'ont déclenché physiquement, la finance mondialisée et la Bourse l'ont déclenché idéologiquement, quitte à sacrifier quelques uns des leurs. Ce sont...

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