Quand le Brexit ouvre de nouvelles opportunités entre la région AuRA et l’Irlande

BREXIT, LA SUITE. Depuis un peu plus d’un an, il en est une qui avait déjà anticipé l’impact du Brexit sur les échanges à venir. En ouvrant une antenne à Lyon l’an dernier, l’agence gouvernementale Enterprise Ireland, chargée d’accompagner les entreprises irlandaises à l’export, n’avait qu’un objectif : prendre de l’avance, en nouant de nouveaux partenariats avec des entreprises en Auvergne Rhône-Alpes.
La gastronomie lyonnaise, ainsi que la présence d'un tissu économique et académique particulièrement dynamique, font d'Auvergne Rhône-Alpes un territoire aux avant-postes en matière d'export pour les sociétés irlandaises. En plus de son adhésion au marché unique...
La gastronomie lyonnaise, ainsi que la présence d'un tissu économique et académique particulièrement dynamique, font d'Auvergne Rhône-Alpes un territoire aux avant-postes en matière d'export pour les sociétés irlandaises. En plus de son adhésion au marché unique... (Crédits : Francois Lenoir)

Après l'export français, c'est également l'export irlandais qui se retrouve en premier lieu bouleversé par la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. Car pour l'Irlande, qui souhaite demeurer intégrée au sein du marché unique européen, les prochains s'annoncent loin d'être simples, avec la mise en place du Brexit à compter du 1er janvier prochain. Car jusqu'ici, ce petit pays de 5 millions d'habitants réalisait près de 34% de ses échanges avec son voisin, le Royaume-Uni.

Mais face aux multiples revirements et aux incertitudes causées par la sortie du son partenaire de l'UE, l'Irlande s'est mise en ordre de marche pour trouver de nouveaux partenaires économiques. Et depuis l'an dernier, c'est à Lyon que son agence d'accompagnement à l'export, Enterprise Ireland a choisi d'installer une antenne.

Il s'agit du second bureau français de l'agence gouvernementale irlandaise, qui en dénombre au total une quarantaine à l'international. Une ouverture qui visait avant tout à répondre au besoin des entreprises irlandaises, qui ont désormais besoin de diversifier leurs activités, et de s'ouvrir à de nouveaux marchés dans la perspective du Brexit.

« En raison de la taille limitée de notre marché domestique, les sociétés irlandaises sont obligées de viser les marchés étrangers pour exporter. L'export fait donc partie de notre ADN. En vue de limiter les effets néfastes du Brexit, nous avons cherché à les accompagner en se tournant vers d'autres marchés européens, qui partagent les mêmes valeurs que nous », traduit Claire Tobin Mercier, responsable du bureau lyonnais d'Enterprise Ireland.

Des valeurs, mais surtout un marché unique, que l'Irlande partage avec l'Union Européenne, et notamment la France. « La France devient désormais notre voisin le plus proche en Europe », confie Claire Tobin Mercier. Avec une ambition : rediriger une partie des exports, habituellement réalisés par une poignée de 1.000 entreprises irlandaises, vers d'autres pays que le Royaume-Uni, à commencer par la France.

Car en 2017, les exportations irlandaises en direction de l'Hexagone représentaient une manne de 979 millions d'euros, soit environ 20% du total des ventes réalisées par l'Irlande en direction du marché unique (estimées à 4,6 milliards d'euros). Rien qu'en 2019, le total des exportations vers la France a même dépassé les 1 milliard d'euros.

Le charme de la région AuRA opère

Et selon Claire Tobin Mercier, il existerait encore de la marge pour faire progresser ce niveau vers d'autres sommets. Car pour les irlandais, il n'y a pas que le charme de la capitale française qui opère : la gastronomie lyonnaise, ainsi que la présence d'un tissu économique et académique particulièrement dynamique, font d'Auvergne Rhône-Alpes un territoire aux avant-postes en matière d'export.

« L'intérêt de cette région, c'est qu'elle possède un certain nombre de sièges de grandes entreprises internationales, ainsi qu'un vivier de jeunes talents, grâce à la présence de grandes écoles, tout en demeurant bien desservie par les transports », ajoute la responsable du bureau de Lyon d'Enterprise Ireland.

Selon elle, plusieurs secteurs auraient même retenu particulièrement l'attention des entreprises irlandaises : à commencer par la filière des dispositifs médicaux, très représentée en AuRA, ainsi que celle des sciences de la vie. Mais également, plus largement, le milieu des transports, de l'industrie, ou de l'énergie, qui s'avèrent particulièrement actifs.

Et malgré l'arrivée de la pandémie de Covid-19, la nouvelle antenne lyonnaise d'Enterprise Ireland estime ne pas avoir à rougir de son premier bilan. « Il est certain que nous avons été obligés de modifier un peu nos plans, car nous amenons traditionnellement des entreprises sur des salons par exemple, afin de leur faire rencontrer des clients. Cela n'a pas pu se faire cette année à travers des événements physiques, mais nous avons travaillé avec elles de manière personnalisée ».

Au total, Claire Tobin Mercier évalue qu'une quarantaine de nouvelles entreprises irlandaises ont ainsi eu l'occasion de se mettre en relation avec des partenaires français au cours de l'année écoulée, pandémie ou non, sur différents modes de partenariat. « Environ une quinzaine d'entre elles avaient déjà l'habitude d'exporter vers l'Europe, le reste étant composé de nouvelles entreprises qui préparaient leur stratégie d'entrée ».

Parmi les réussites de la saison 2019/2020, elle cite en exemple la tenue du dernier salon Solutrans, en novembre 2019, qui a été l'occasion pour le fabricant de remorques et de porte containers Dennison Trailers, de conclure une entente avec trois clients français, débouchant ensuite sur la vente de premiers contrats. « Ils envisagent d'installer une présence dans la région, même s'ils ne savent pas encore sous quelle forme ».

Une quarantaine de nouveaux partenariats cette année

Le fabricant de produits phytosanitaires Life Scientific, qui a ouvert ses opérations à Lyon depuis 2019 connaîtrait lui aussi, une nette progression, malgré le Covid. « Leurs équipes estiment que grâce à leur structure locale, ils ont pu augmenter leurs ventes et leurs parts de marchés, malgré un climat très défavorable », indique Claire Tobin Mercier.

Le concepteur de chaudières à combustible solide Grant Engineering, créé en 1978, a lui aussi ouvert récemment une filiale française ainsi qu'un point de distribution, basé à Chambéry. « Il a même profité de la crise pour développer un showroom à destination de ses clients et installateurs », ajoute-t-elle.

Sans oublier la présence en Auvergne Rhône-Alpes de grands groupes irlandais, comme le fabricant matériaux de construction irlandais Kingspan, présent en AuRA depuis le rachat d'Ecodis en 2016. Il réunit aujourd'hui près de 100 usines employant près de 13.500 personnes au sein de 70 pays, dont la France. Même chose pour le producteur indépendant d'énergie photovoltaïque Amarenco, qui a lui aussi ouvert un bureau à Lyon en 2019, embauchant ainsi une quinzaine de personnes dans la région.

Bien qu'il demeure encore trop tôt pour chiffrer l'impact de la crise sanitaire sur les activités de ces filiales étrangères, la responsable du bureau de Lyon d'Enterprise Ireland note que « les entreprises irlandaises ne sont pas inquiètes, car malgré un léger ralentissement durant la période du Covid, leurs activités ont pu globalement repartir en même temps que la reprise du milieu de la construction ».

D'autant plus que selon elle, les règles d'export vers l'UE, et donc vers la France, seraient même demeurées plus claires qu'au sein du Royaume-Uni durant cette période . « Il a donc été plus facile de continuer à exporter ».

Les moyens de prendre la sortie du « Brexit »

Car, l'Irlande pourrait continuer de bénéficier des aides attribuées par son gouvernement pour continuer à viser les marchés étrangers, dont la France.

Alors qu'un plan de soutien massif  de 1,2 milliard d'euros visant à atténuer les effets d'un Brexit sans accord a été annoncé, « une enveloppe de 74 millions d'euros a été débloquée afin d'aider 530 sociétés irlandaises à se préparer à diversifier leurs exportations en prévision du Brexit, à travers différentes mesures », détaille Claire Tobin Mercier.

Aux grands maux, grands remèdes puisque cette stratégie comprend notamment «  une subvention allant jusqu'à 9.000 euros pour l'emploi d'un salarié à temps plein destiné à s'occuper des tâches administratives en lien avec les douanes, ou encore un financement à 50 % des frais associés à la préparation nécessaire pour adresser un nouveau marché, jusqu'à une limite de 150.000 euros ».

De quoi donner un bon coup d'accélérateur à l'arrivée des entreprises irlandaises en Europe.

Mais Claire Tobin Mercier veut également y voir des opportunités en matière d'export pour les sociétés françaises : « l'Irlande peut aussi être vue comme un client potentiel pour des produits et services français, nous avons déjà commencé à mettre en relation certaines entreprises qui rechercher à remplacer leurs fournisseurs actuels en Angleterre par une entreprise européenne, et notamment française ».

Des opportunités seraient donc à saisir dans plusieurs domaines, à commencer sur le marché de la construction et de la fabrication de pièces pour l'ingénierie.

Une nouvelle liaison maritime s'apprêterait d'ailleurs à ouvrir dès le mois de janvier prochain entre Dunkerque et la ville irlandaise de Rosslare, en vue de faciliter les échanges entre les deux pays. Tout un symbole puisque jusqu'ici, comme le rappelle la responsable de l'antenne lyonnaise Enterprise Ireland, « beaucoup de produits passaient encore par la Grande Bretagne pour arriver en France ».

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