Frédéric Fotiadu : "Plus que jamais, la singularité de l'INSA Lyon a du sens"

GRANDS ENTRETIENS. Il y a quelques jours, le conseil d'administration de l'INSA Lyon validait un nouveau projet stratégique, Ambitions 2030. Son directeur Frédéric Fotiadu, nommé il y a un an, dévoile en exclusivité pour La Tribune les grandes lignes de cette vision. Il détaille également son approche de sujets brûlants, comme la notion de progrès technologique et sa finalité, la marchandisation de l’enseignement supérieur, la gratuité des frais de scolarité. Et livre, en primeur, son examen de la fin de l’Idex Lyon / Saint-Etienne.
Après un passage par Marseille où il a assumé durant 15 ans la direction de l'école Centrale, Frédéric Fotiadu a pris les rênes de la première école d’ingénieurs post-bac en France, l'INSA Lyon, en novembre 2019.
Après un passage par Marseille où il a assumé durant 15 ans la direction de l'école Centrale, Frédéric Fotiadu a pris les rênes de la première école d’ingénieurs post-bac en France, l'INSA Lyon, en novembre 2019. (Crédits : Insa Lyon)

LA TRIBUNE AUVERGNE RHONE-ALPES - Vous avez pris la direction de l'INSA Lyon il y a tout juste un an, et vous apprêtez à mettre en œuvre le plan stratégique Ambitions 2030, que vous présentez en exclusivité à La Tribune. Il se décline en cinq transitions (écologique, sociale, numérique, économique et institutionnelle) et seize ambitions, censées transformer « profondément » le positionnement, les missions et les pratiques de l'établissement. Avant d'entrer dans le détail de ce projet, que signifie l'adverbe ? Que l'école a accumulé des retards auxquels elle doit, « en profondeur », riposter ?

FREDERIC FOTIADU - Initialement, ce qui me parlait le plus était le besoin de transformation profonde de l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, en vue de répondre aux enjeux qui sont devant nous, tels que l'enjeu socio-climatique. Je ne crois pas qu'il faille cependant raisonner en termes de retard accumulé par rapport à d'autres institutions, car nous sommes issus d'une histoire très particulière.

L'INSA Lyon est un établissement qui a été créé par un philosophe, Gaston Berger, ce qui est toujours singulier pour une école d'ingénieurs. Déjà à ce moment-là, on était à la fois dans une logique d'alimenter une période de développement par la technologie, et en même temps, dans une prise de conscience que la technologie ne doit pas être aveugle aux autres pans du savoir.

C'est pourquoi, dès le départ, notre développement s'est appuyé sur le modèle d'ingénieur humaniste. L'idée est donc d'aborder la question des progrès technologiques, qui, à partir du milieu du 20e siècle, ne se sont plus perçus comme au service du progrès de l'humanité. 

L'INSA s'est posé, dès son origine, sur un modèle de rupture. Mais avec quelle vision très exactement ?

L'INSA a été conçu comme un modèle de rupture, à commencer par la façon de former des ingénieurs. De la fin du 18e siècle jusqu'au milieu du 20e siècle, on a formé en France des ingénieurs pour répondre aux besoins de la nation. Il s'agissait d'une vision très utilitariste, qui prend son essor au moment de la révolution industrielle afin d'alimenter le développement économique et social. Edgar Morin adresse lui-même cette question dans ses dix scénarios pour le futur et pointe le fait que ce modèle se retrouve en quelque sorte épuisé aujourd'hui, au sens propre du terme.

Après avoir induit un progrès considérable pour l'humanité, en apportant ce qui a été vu comme des solutions, on sait aujourd'hui mesurer que derrière ces solutions et ce progrès, se trouvait aussi une notion de profit, conçue dans une logique très économique et libérale, sans avoir forcément intégré ni le respect de la planète, ni le service aux sociétés et au bien public.

La question se pose donc de savoir si les écoles d'ingénieurs, qui ont été initialement pensées au service du développement économique, ne peuvent pas se mettre, aussi, au service d'autre chose. 

Gaston Berger a fondé l'INSA il y a près de 60 ans sur deux pieds, qu'il résumait à la diversité et à l'humanisme. Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui, et comment la notion de diversité a-t-elle traversé les époques ?

Cela commence par notre modèle de formation, puisque l'on va recruter des bacheliers qui ne sont pas passé par le filtre des classes préparatoires aux grandes écoles, ce qui garantit déjà une forme de diversité.

Nous comptons aussi actuellement 47% de jeunes femmes en première année de formation, alors que la moyenne nationale se situe à 29% et a stagné au cours des sept dernières années. Durant la même période, nous avons progressé de près de 10 points : il existe donc bien une forme de volontarisme pour s'emparer des sujets et tenir cette promesse de diversité. L'autre promesse, c'est aussi celle de la diversité sociale, qui voulait à l'époque que l'on aille 'fabriquer des ingénieurs avec des fils d'ouvriers et de paysans'. Cette ambition de diversité reste très prégnante aujourd'hui.

Comment fait-on vivre ces différences dans un environnement compétitif international (presque) aussi âpre que celui des business schools ?

Nous sommes le produit d'une intention et d'une politique publique, positionnée certes dans un contexte de concurrence.

Nous formons des ingénieurs conscients et responsables qui, formés aux humanités, sont conscients des enjeux, des conséquences de leurs actions et donc sont responsables vis-à-vis de la société et de la planète. Non pas qu'on ait oublié ces valeurs fondatrices et visionnaires de l'époque, mais il existe une urgence à les incarner différemment dans le monde d'aujourd'hui.

En France comme à l'étranger, je pense que le modèle que nous portons résonne de plus en plus chez les jeunes et devient une évidence, avec une génération en quête de sens. Cette attractivité se traduit d'ailleurs dans les chiffres : nous avons dénombré 16 260 candidats sur Parcoursup cette année - avec notamment 10% de progression sur les bacheliers S - pour 800 places. Nous ne sommes pas simplement une école installée, qui fonctionne bien, nous avons une identité forte et portons un idéal.

Dans la présentation de votre vision pour 2030, vos axes de réflexions semblent porter davantage sur la transformation de l'école elle-même, que sur celle des axes de formation ou de la pédagogie. Un an après votre prise de fonction, quel diagnostic dressez-vous des forces, mais aussi des carences de l'établissement ?

Nous sommes un peu singuliers en France, lorsque l'on regarde les autres formations d'ingénierie à travers le monde. C'est avant tout un modèle de formation hérité d'une philosophie du 18e siècle. Il ne faut pas oublier que le fondateur de l'INSA, Gaston Berger, est pétri de la conscience que les ingénieurs ont su créer la bombe atomique, et qu'ils doivent aussi faire face à une forme de responsabilité. Donc, transformer notre programme de formation, revient d'abord à nous transformer.

Les ingénieurs sont là pour réparer le monde, penser différemment des solutions pour la société, et pas uniquement à l'attention des entreprises ou des marchés. C'est là aussi que cette transformation profonde doit s'opérer : bien que nous estimions être un petit acteur dans notre domaine, nous contribuons à former et diplômer chaque année 1 100 ingénieurs, qui sont ensuite appelés à occuper des fonctions importantes et à transformer eux-mêmes leurs entreprises.

Comment comptez-vous vous transformer grâce à ce plan stratégique concrètement, qui se pose comme l'aboutissement de deux facteurs concordants : à savoir, une démarche prospective menée aux cours des deux dernières années auprès de de parties prenantes internes et externes à la communauté INSA, ainsi même qu'un partenariat avec l'organisation The Shift Project, avec laquelle vous vous êtes associé pour développer un processus de co-construction ?

Nous allons d'abord introduire de nouveaux contenus, visant à développer de nouvelles compétences qui ne sont pas reconnues comme telles dans les formations d'ingénieurs aujourd'hui : urgence climatique, épuisement des ressources, économie circulaire, réclament des solutions auxquelles nous nous attelons.

Isabelle Delannoy illustre d'ailleurs parfaitement cette question, en affirmant qu'il s'agit de passer d'une économie extractive à une économie régénératrice. Bien que les fondamentaux scientifiques restent les mêmes, cette idée nous amène à repenser différemment la formation, car les compétences attendues ainsi que les façons de raisonner sont différentes. C'est pourquoi nous avons monté un partenariat avec The Shift Project, car il avait lancé un appel aux établissements d'enseignement supérieur afin de se positionner sur ces thématiques.

Pour cela, vous allez devoir aussi transformer profondément votre corps social, alors que celui-ci avait été très fortement perturbé au cours des années précédentes. Comme nous le révélions dans une enquête, l'école était même arrivée au bord de la cessation de paiement au début des années 2010. Disposez-vous de l'état d'esprit et des ressources suffisants pour mener à bien ce projet ?

Je suis convaincu que l'état d'esprit est là, c'est ce qui s'est exprimé dans le cadre de la démarche INSA 2040. Je suis arrivé dans cet établissement non sans ambition, non sans envie, mais sans projet. J'avais la double conviction qu'un projet ne se construit pas seul, mais se bâtit avec la communauté qui l'entoure. L'établissement était déjà engagé dans une démarche prospective. A à l'occasion de son 60e anniversaire, il y a eu une prise de conscience qu'il fallait renouer avec la prospective imaginée par son fondateur.

L'idée a donc été de repenser la stratégie et le futur de l'INSA, non pas en vase clos, mais à travers un processus de co-construction massif qui s'est opéré aux côtés du corps professoral et des étudiants, en collaboration avec Philippe Durance, titulaire de la chaire de prospective au CNAM. A ma connaissance, cela ne s'était jamais fait nulle part à cette échelle, dans un établissement d'enseignement supérieur, qui plus est dans la durée. Au final, des centaines de personnes ont participé à ce projet sur deux ans, qui a abouti à l'édition de deux cahiers de la prospective.

En plein cœur de votre démarche, le Covid-19 est apparu : en quoi cette pandémie pourrait-elle remettre en question ou confirmer certains axes prioritaires de ces prochaines années ?

La réalité dépasse toujours quelque part la projection qu'on peut en faire. Notre démarche a été entreprise sur un horizon lointain, sur lequel on est finalement toujours certain de se tromper, à vingt ans. Mais ce qui est intéressant, c'est que l'on peut justement émettre plusieurs scénarios. On a ainsi imaginé des situations extrêmement dissemblables, en fonction des bifurcations et orientations que l'on peut observer aujourd'hui. Il n'y avait pas de scénarios de pandémie à proprement parler, mais nous avions en revanche des scénarios catastrophistes, de type collapse.

Mais quelles que soient les circonstances, la méthode, ainsi que les enjeux identifiés dans ces différents ces scénarios restent les mêmes. Ce qui va changer, c'est la priorité avec laquelle on va devoir adresser ces enjeux, comme le domaine de la santé, qui émerge désormais comme un sujet majeur.

Il est certain que cela induira des accélérations, des transformations différentes, des problématiques plus aiguës, mais tout le scénario lui-même n'est pas pour autant à revoir.

L'intérêt d'un établissement comme le vôtre n'est-il pas de se concentrer, et donc de fusionner ses moyens, ses ressources, ses moyens au cours des prochaines années, que ce soit sur quelques métiers cibles, mais aussi sur une même structure, à l'image du groupe INSA ?

Nous sommes l'une des plus grandes écoles d'ingénieurs françaises au niveau du groupe, en termes d'effectifs, aux côtés des Arts et Métiers ou de CentraleSupélec. Mais face aux universités technologiques en Europe et dans le monde, on est incontestablement un petit acteur. En termes de stratégie, nous devons donc adresser cette problématique différemment.

Quand on parle de visibilité internationale, cela se résume souvent à la visibilité en matière de recherche, car le sujet de la formation est peu visible à l'étranger. Nous conservons la conviction qu'aujourd'hui plus encore qu'hier, nous avons besoin de produire des ingénieurs qui soient capables de se former tout au long de leur vie, d'apprendre à apprendre par eux-mêmes, et d'aller à la rencontre d'autres champs disciplinaires.

La solution n'est-elle pas de fusionner sept écoles de votre groupe, en vue de rationaliser le back office et dégager de nouveaux moyens pour investir et développer, notamment dans la recherche ?

Il faut se rappeler que créer un réseau d'écoles en province était moderne à l'époque, avec la volonté de rééquilibrer l'offre des territoires. Pour autant, y aurait-il un intérêt majeur aujourd'hui à fusionner au sein d'une même institution ?

Cette question peut mériter d'être étudiée, mais je peux dire que les économies d'échelle ne seraient probablement pas consistantes, parce que ce qui fait la qualité de l'offre de formation et notre légitimité, ce sont nos laboratoires de recherche et notre corps professoral sur site. Or, dire qu'on est capable de déplacer les ressources humaines partout sur le territoire national, pour fabriquer des objets concentrés sur telle ou telle thématique, est une vue de l'esprit. Ce n'est pas opérant dans la réalité.

Mais ce qui était marquant dans vos chiffres, c'est que vous affichez un ratio de 750 personnels administratifs et une jauge équivalente d'enseignants, pour un établissement qui ne diplôme "que" 1 100 élèves par an, et est doté d'un budget de 135 millions d'euros...

On peut penser qu'il y a de quoi faire des économies d'échelle importantes, alors qu'en réalité, ce n'est pas le cas. Cela fait un an qu'on est en train de déconstruire cette idée. Quand on nous compare aux autres établissements, on oublie que nous avons des singularités : l'INSA accueille par exemple des publics qui ne sont pas adressés par les autres établissements, comme les sportifs de haut niveau, et on parle de plusieurs centaines, qui demandent un processus d'accompagnement qui n'est pas standard. L'an dernier, les ministres de l'Enseignement supérieur et des Sports sont venus visiter l'INSA pour voir justement si ce modèle n'était pas déclinable ailleurs.

Mais le facteur majeur, qui pourrait faire penser à tort qu'il y a du « gras » à l'INSA, c'est que nous sommes le seul établissement français à gérer, en propre, à cette échelle ce que le Crous porte pour l'université : soit un total de 3 100 lits et de 800 000 repas par an.

A titre de comparaison, c'est plus que les activités du Crous de Limoges tandis que nous gérons l'équivalent de 30% de l'hébergement du Crous de Lyon, en termes de capacité. C'est aussi un modèle qui a été pensé comme un modèle d'intégration sociale, en faisant vivre les élèves dans les mêmes résidences, quel que soit leur milieu et leur origine sociale.

Insa Lyon

La question des frais de scolarité au sein des grandes écoles, et notamment des business schools, revient régulièrement sur la table, alors que vous proposez vous-même un modèle gratuit pour les boursiers (contre 600 euros par an pour les non-boursiers). Que vous inspire cette inflation galopante des frais de scolarité des grandes écoles ?

C'est effectivement très éloigné du modèle de l'INSA, mais j'ai pour autant une position très ouverte sur la question des droits d'inscription. La marchandisation de l'enseignement supérieur a été l'un des sujets identifiés dans notre prospective, comme un enjeu de société.

Doit-on considérer que la formation des générations futures engage des moyens qui nécessitent soit des efforts considérables des familles, soit un endettement, comme celui que l'on voit aux Etats-Unis ? C'est un vrai choix de société.

Les écoles de commerce sont néanmoins un objet à part, sous statut privé, qui ont occupé un segment qui avait été délaissé de l'enseignement public, et sont soumises à des injonctions de classement qui nourrissent aussi l'inflation des coûts.

A notre niveau nous aussi, même si nos frais de scolarité sont bas, nous pourrions nous interroger sur le modèle du tout gratuit. Celui-ci a aussi ses limites : ce serait une chose s'il suffisait à garantir l'accès à l'enseignement supérieur pour tous les étudiants. Mais on observe que ce n'est pas le cas : le pourcentage de boursiers dans l'enseignement supérieur sélectif reste trop faible.

Pensez-vous que le principe de la gratuité déresponsabilise ?

Je ne dirai pas cela, et cela n'est pas forcément ce que l'on observe. En revanche, la gratuité nous prive de ressources qui pourraient nous permettre d'accroître l'aide aux plus fragiles. Car pour cela, il faudrait un modèle d'enseignement supérieur public qui soit intégralement financé par l'Etat, sur la base d'un impôt réellement redistributif. Mais cette double condition n'est pas réalisée en France.

L'alternative serait probablement de laisser les établissements moduler les droits d'inscription, sans toutefois atteindre les sommets, à des niveaux où l'essentiel de l'effort demeure réalisé par la puissance publique.

Cela fait partie des propositions qui ont émergé de la démarche prospective, mais ce choix ne nous appartient pas, il s'agit d'un choix de l'Etat. C'est lui qui pourra décider de nous permettre ou pas de constituer un modèle de solidarité, un modèle plus redistributif.

Insa Lyon 2

Quel est l'avenir des regroupements de sites, comme ceux prônés par l'Idex ? Votre établissement, l'INSA, avait fait partie des fondateurs d'une telle démarche sur la scène lyonno-stéphanoise, avant de se retirer finalement du projet. Celui-ci vient finalement d'être définitivement stoppé, à la suite du vote négatif de l'Université Jean Monnet à Saint-Etienne. N'était-ce pas une bonne opportunité de développer de nouveaux financements pour la recherche ainsi que l'attractivité des établissements lyonnais ?

Indépendamment du fait qu'il puisse être une solution ou pas, l'Idex appartient désormais au passé. Aujourd'hui, il n'y aura plus d'appels à projets Idex. En revanche, sur la question dans la structuration de l'enseignement supérieur en France, les politiques de sites demeurent une nécessité pour atteindre une forme de visibilité internationale.

Mettre en commun les forces du site lyonnais Lyon / Saint-Etienne d'une façon ou d'une autre, reste donc l'une de nos ambitions. On ne peut pas rester isolés, et ce n'est pas dans l'obsession des classements. Je suis persuadé que des efforts de recherche restent encore possibles.

La Communauté d'établissements (Comue) peut-elle se relever d'un tel échec ?

Evidemment, cela demeure d'une actualité brûlante. Mais je pense qu'il existe encore de la place pour construire un projet qui permette de structurer le site afin que les établissements travaillent plus étroitement ensemble.

Ce qui a échoué, c'est finalement une modalité, un projet qui n'a pas suscité suffisamment l'adhésion, et dont l'INSA s'était en effet désengagée en 2019.

Pose-t-on déjà un diagnostic sur les raisons qui ont conduit à cet échec ?

Outre la question du statut de la future « université cible » qui était en projet, il demeure complexe d'identifier la ou les raisons qui ont fait cet échec, mais il existe cependant des conditions de réussite. Ces projets doivent pouvoir s'appuyer sur la motivation des communautés, dans une logique de co-construction. Le périmètre des quatre écoles d'ingénieurs qui délivrent le doctorat, Centrale Lyon, ENTPE, Mines de Saint-Etienne et INSA Lyon, me semble être un bon échelon pour explorer des pistes.

Ces écoles d'ingénieurs, qui étaient toutes à l'extérieur du projet dans sa dernière version, ont proposé de travailler ensemble parce que l'ingénierie représente l'une des forces majeures du site lyonnais.

Comment cette idée pourrait-elle encore réussir là où l'Idex a échoué ?

Il y a des domaines sur lesquels Lyon a une légitimité scientifique mondiale et il est important de dégager des schémas de coopération et de structuration.

La marotte ne doit pas être l'université unique. Nous pouvons procéder différemment, et construire cette coopération brique par brique, en commençant par exemple par la brique de l'ingénierie. Celle-ci continue de faire sens, indépendamment du projet Idex, car elle repose sur des fondamentaux qui demeurent.

On a d'ailleurs proposé, aux côtés des trois autres établissements d'ingénierie, de faire émerger une structuration de l'ingénierie avec un scénario et une méthode concrète à discuter ensemble. Car nous avons déjà une offre de formation qui est complémentaire : aujourd'hui, s'il y a des choses à mettre en commun, c'est plutôt dans le domaine de la recherche.

Cette structuration commune doit-elle aller jusqu'à Saint-Étienne comme pour le dossier de l'Idex, voire même s'élargir à d'autres territoires voisins, comme le bassin grenoblois ?

Absolument, Saint-Etienne reste un partenaire fort de la Comue, l'écosystème stéphanois est déjà très imbriqué avec le nôtre, nous avons des laboratoires en commun et l'on est dans une forme de cohérence locale. Cependant, c'est différent avec un écosystème comme Grenoble, qui s'est déjà structuré autour d'autres forces et sur un autre périmètre géographique. L'expérience a montré à quel point il était difficile de faire se structurer des acteurs trop distants.

Pourtant, une région comme Grenoble est à moins de 100 km, et demeure une banlieue à l'échelle du monde : ne faut-il pas participer à bousculer des idées reçues ?

On observe le même phénomène à l'étranger, sur les côtes Est et Ouest des Etats-Unis : à Boston (Massachusetts), il y a 80 établissements d'enseignement supérieur, ce qui montre bien que la vision affirmant qu'il suffit de rationaliser le nombre d'acteurs pour qu'un écosystème fonctionne est contraire à ce qu'on observe ailleurs. A-t-on nécessairement besoin de tout regrouper ?

L'écosystème grenoblois est un territoire qui a sa cohérence, ses thématiques en commun et ses propres laboratoires. Si l'on regarde de plus près, même s'il existe bien entendu des coopérations scientifiques, les systèmes lyonnais et grenoblois sont relativement peu imbriqués.

Ce sont deux écosystèmes voisins, mais distincts, avec des spécificités, des sujets de spécialisation différents. D'autant plus qu'une autre logique d'organisation s'est posée dans leur cas, avec une intégration de l'université avec l'Idex qui a totalement réussi, provoquant même une intégration de structures comme l'INP de Grenoble au sein du projet.

Mais objectivement, qu'est-ce qui empêcherait, au-delà de ces préjugés presque culturels ou historiques, d'instiguer une collaboration renforcée de deux pôles forts comme ceux-là ?

En France, on a tendance à ignorer un facteur qui fait qu'un projet n'aboutit pas : il s'agit des coûts de transaction, qu'il ne faut jamais minimiser. Si, pour réaliser une opération et la faire vivre, les coûts de transaction s'avèrent disproportionnés par rapport aux bénéfices, il ne faut pas y aller.

C'est d'ailleurs de ne pas avoir pris ça en compte qui a fait échouer beaucoup de projets de structuration en France, parfois dans la douleur. Vouloir faire une grande université à l'échelle de la Bretagne et des Pays de Loire, c'est vouloir faire fusionner des acteurs qui sont à des centaines de kilomètres les uns des autres. Quelle est la valeur ajoutée aujourd'hui ?

Lorsqu'on évoque votre territoire, on peut aussi se demander comment vous voyez la nouvelle coloration écologiste de la Ville ainsi que du Grand Lyon : est-elle une "bonne nouvelle" pour le projet de transformation que vous portez aujourd'hui ?

Ce que nous portons résonne incontestablement avec les sujets portés par ces équipes, et l'on a eu l'occasion d'en discuter d'ailleurs avec le maire de Villeurbanne et le président de la métropole. Mais je ne pense pas qu'il faille cantonner ce type de projet à une orientation politique pour autant.

Notre stratégie Ambitions 2030 est agnostique : notre objectif est bien de transformer le monde, quelles que soient les circonstances même s'il peut y avoir, effectivement, des sensibilités plus à l'écoute sur ces sujets. Je pense notamment à la question de la mobilisation des communautés ou de la co-construction que le maire de Lyon appelle aussi la redevabilité : cette façon de rendre compte au public est aujourd'hui devenu un facteur absolument nécessaire.

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Commentaires 3
à écrit le 02/12/2020 à 22:12
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Des quotas de médiocrité pour satisfaire une politique égalitariste... et on se demande encore pourquoi la France va mal? Quand va-t-on imposer le port de la jupe aux messieurs au non de l'égalité des sexes?

à écrit le 02/12/2020 à 18:01
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J'ai toujours été choqué de voir que ces grandes classes ne sont réservés qu'à des forts en maths mais jamais aux littéraires, or face à l'informatique les connaissances sont dos à dos, 1 ça peut être une équation géante 2 un roman ou il faut éviter ...

le 03/12/2020 à 9:24
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La supériorité des mathématiques a été décidée pour des raisons totalement politiques : le niveau en mathématiques serait beaucoup moins déterminé par l'origine sociale que les autres matières.

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