En pleine tempête, le loisir indoor ne veut plus être inaudible

La région Auvergne Rhône-Alpes compte plus de 250 entreprises du loisir indoor. Déjà mis à mal par la crise actuelle, leurs espoirs pour 2020 ont été anéantis hier puisqu'à l'image des restaurants ou des espaces fitness, ces acteurs ne pourront pas reprendre leurs activités avant le 20 janvier au minimum. Les représentants de cette filière demandent la mise en place d'aides plus spécifiques.
Avec 18.000 euros de charges fixes mensuelles, la Vague à Grenoble réclame la revalorisation du fonds de solidarité.
Avec 18.000 euros de charges fixes mensuelles, la Vague à Grenoble réclame la revalorisation du fonds de solidarité. (Crédits : DR)

Leur activité est assimilée à celle des salles de sport. Avant l'intervention d'Emmanuel Macron ce mardi soir, ils se faisaient déjà peu d'illusions sur une réouverture prochaine de leurs établissements. Le président a fini de doucher leurs espoirs pour 2020 : comme les restaurants ou les espaces fitness, les entreprises de loisirs indoor ne pourront pas reprendre leurs activités avant le 20 janvier, dans le meilleur des cas.

"Une catastrophe humaine et économique" pour Olivier Richard, propriétaire du Yellow Jump (Trampoline Park) à Saint-Etienne. Il est également l'un des porte-paroles du SPACE, association nationale des espaces de loisirs indoor fédérant plus de 300 entreprises.

L'impact des deux vagues pris de plein fouet

Le secteur du loisir indoor regroupe environ 2.500 entreprises en France : bowlings, escape game, plaines de jeux pour enfants, trampoline parks, foot en salle, laser game, karting, réalité virtuelle, lancers de hâche etc. Soit plus de 12 000 salariés.

En Auvergne Rhône-Alpes, elles sont plus de 250. Et sont évidemment très impactées par la crise sanitaire actuelle : "Nous avions été les premiers à fermer lors du premier confinement et les derniers à rouvrir. Ce sera pareil sur cette deuxième vague. Au total, nous aurons fermé plus de la moitié de l'année. Et pas la bonne moitié en plus car le loisir indoor est en saisonnalité inversée, c'est-à-dire que nos meilleurs mois sont ceux d'octobre à mai", explique Olivier Richard. Résultat, selon le SPACE, les entreprises du secteur accusent une baisse de 80% de leur chiffre d'affaires pour l'année 2020.

Une situation qui pourrait entrainer la disparition de nombre d'entreprises du secteur, malgré le "quoi qu'il en coûte" d'Emmanuel Macron et l'arsenal d'aides important déployé par l'État pour accompagner les entrepreneurs dans cette période.

"Nous avons été spécifiquement fermés mais, en revanche, nous ne faisons pas l'objet d'aides particulières. Or, notre secteur a des particularités qui nous mettent en difficulté dans ce contexte de fermeture", souligne le patron de Yellow Jump.

Ces entreprises doivent en effet faire face à des charges fixes importantes représentant, selon le SPACE, 70% du chiffre d'affaires dont 25 à 30% pour les loyers. "Nous avons, pour la plupart, des espaces de grande superficie avec des loyers très élevés".

Un mode de calcul inadapté à l'indoor ?

Pour ces professionnels, les 10.000 euros du fonds de solidarité ne sont pas suffisants pour couvrir ces charges fixes. "Yellow Jump existe depuis 15 ans et pourtant, nous avons été obligés de souscrire un PGE et de le grignoter petit à petit car notre trésorerie ne tient pas le coût, même avec les aides". D'autant qu'il avait fait le choix d'investir, lors du premier confinement, dans l'embellissement et la modernisation de son établissement, afin de séduire les clients dès la réouverture.

Même écho du côté de Grenoble. Aurélie Formichelli est une des trois associés de l'établissement "La Vague", proposant du surf indoor depuis septembre 2019. "Nous avons plus de 18.000 euros de charges fixes !". Les 10.000 euros du fonds de solidarité ne sont donc pas suffisants pour maintenir à flot l'entreprise, sans PGE ou entame sérieuse de la trésorerie disponible.

Et le nouveau calcul d'aides présenté par Emmanuel Macron hier soir, proposant au choix 10.000 euros ou 20% du chiffre d'affaires 2019 sur la même période, ne semble pas vraiment changer la donne. "Nous ne faisons pas de négoce, nos chiffres d'affaires ne sont pas très élevés et nos marges sont faibles, 6 à 12% en général. Peu d'entreprises de notre secteur seront gagnantes avec cette nouvelle proposition", assure Olivier Richard.

Par conséquent, son association réclame une aide spécifique avec un fonds de solidarité revalorisé à 17.000 euros (représentant la moyenne des charges fixes du secteur). "Cela devient très urgent. Nous sommes des entrepreneurs indépendants, avec de petites structures pour la plupart. Nous avons engagé nos fonds personnels, nos familles dans nos aventures entrepreneuriales", estime Vincent Bay, cofondateur de "Challenge the Room", salle d'espace game grenobloise.

Et d'ajouter que le dernier trimestre de l'année représente habituellement 50% du chiffre d'affaires de son établissement. "Cela commence à devenir très difficile économiquement et humainement. Nous demandons à ce que la rémunération des TNS soit prise en charge et que les PGE soient transformés en subventions", souffle Vincent Bay.

Sa consoeur, Aurélie Formichelli continue : "Je suis profondément triste, et je me sens abandonnée par le gouvernement, par les banques, par l'ensemble des acteurs qui nous prélèvent nos charges sans remords alors qu'on m'interdit de travailler. Je suis devenue entrepreneur dans le loisir indoor pour que mes clients aient des étoiles dans les yeux quand ils surfent. Aujourd'hui, on veut tuer mon entreprise et je ne peux rien faire...".

Des bailleurs peu mobilisés ?

A Saint-Etienne comme à Grenoble, très peu de bailleurs privés sembleraient prêts à jouer le jeu de la suspension des loyers malgré l'incitation du crédit d'impôt de 50% offerte par l'Etat. "Ils sont très très peu à avoir accepté", regrette ainsi Vincent Bay.

Olivier Richard, à Saint-Etienne, est locataire de l'EPASE (Établissement Public d'aménagement de Saint-Etienne), mais pour lui aussi, les discussions avec son bailleur public sont délicates. " Au-delà de mon cas personnel, nous allons interpeller, avec d'autres acteurs du loisir indoor stéphanois, le président de Saint-Etienne Métropole afin que la collectivité puisse prendre en charge au moins une partie de nos loyers. D'autres métropoles l'ont fait, nous avons besoin de soutien".

Si les restaurateurs, les cafetiers, les gérants de discothèques ou de salles de sport s'étaient fait entendre depuis le début de la crise, les professionnels du loisir indoor étaient jusqu'ici restés relativement discrets. La faute à une hétérogénéité forte de ce secteur, fédérant essentiellement des indépendants. "Nous n'avons pas de porte-parole de la notoriété de Philippe Etchebest", soupire le grenoblois Vincent Bay.

Le SPACE a donc décidé de taper du poing sur la table avec une campagne médiatique. Sans en attendre les retombées, les professionnels de la région ont commencé à s'organiser. A Grenoble, vient ainsi de naître le collectif Loisirs Indoor Grenoble fédérant déjà 18 des 50 entreprises du bassin. Un collectif qui devrait se formaliser, dans les prochaines semaines, en tant qu'association.

Objectif : avoir plus de poids ensemble dans leurs discussions avec l'État et les collectivités locales mais aussi construire des offres afin de favoriser leur redémarrage. "Nous créons un passeport des loisirs grenoblois avec des réductions dans chaque enseigne", explique le patron de Challenge The Room. Un calendrier de l'avent digital sera également proposé dès la semaine prochaine, avec des dotations dans les enseignes du loisir indoor, afin de maintenir le lien avec les clients.

Même démarche à Saint-Etienne. Ici, 17 professionnels du loisir (dont 14 de l'indoor) avaient déjà lancé un chéquier de réduction cet été. L'associations Mes loisirs 42 est en cours de constitution. "Nous accélérons afin de proposer des cartes cadeaux pour les fêtes de fin d'année, ce sera mieux que rien", glisse Olivier Richard.

En se structurant, ces professionnels ambitionnent de renforcer leurs capacités de résilience, bien mises à mal en cette année 2020.

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