L’isérois Spartoo au secours des petits commerçants… et du phygital ?

INITIATIVE. Une marque de solidarité de plus sur le terrain du commerce en ligne, qui ne devrait pas passer inaperçue. Le e-commerçant isérois Spartoo, qui a vendu près de 3 millions de paires de chaussures en 2019, veut mettre à disposition gratuitement sa plateforme à tous les commerces indépendants touchés par la Covid. Objectif : leur permettre de rentrer du chiffre d’affaires "même en confinement", alors que Spartoo lui-même vient de céder son réseau de magasins André cet été, suite à la première vague de la crise.
(Crédits : Guillaume Murat)

Il souhaite aider les quelques 200.000 commerçants indépendants touchés de plein fouet par la Covid-19. Et plus précisément, une partie des 40.000 boutiques d'habillement françaises contraintes de fermer leurs portes. Le pdg de Spartoo, Boris Saragaglia, vient de proposer l'utilisation de sa marketplace à titre gratuit à l'ensemble des détaillants indépendants à la recherche de nouveaux canaux de distribution.

Basé à Grenoble (Isère), le leader français de la vente de chaussures en ligne propose ainsi aux commerçants, issus comme lui des secteurs de la mode (prêt-à-porter, chaussures et accessoires) de profiter de sa plateforme, déjà déployée au sein de 25 pays, pour commercer en ligne. Avec, au menu, la gratuité de son abonnement mensuel (tarifé habituellement à 39 euros HT par mois), ainsi que la suspension de ses commissions (au lieu des 15% habituellement pratiqués sur les ventes). Et ce, pour une période de six mois. Une aide qui pourrait représenter une enveloppe globale d'un million d'euros sur cette période, alors que le pdg de Spartoo se fixe l'objectif d'accompagner au moins 250 à 400 détaillants français.

De quoi accélérer la digitalisation des commerces de petite taille, et leur faire tester les atouts d'une plateforme qui se revendique comme le leader bleu-blanc-rouge de son domaine. Pour les aider à sauter le pas, Spartoo (400 collaborateurs) ira d'ailleurs jusqu'à mettre à disposition de ces commerçants une « équipe interne » d'une dizaine de personnes, pour accompagner les commerçants dans la création de leur espace en ligne. La démarche, simplifiée, leur permet de passer par leur logiciel de caisse, ou bien d'entrer directement les codes produits EAN présents sur les emballages.

Des services au bénéfice des commerçants

Le leader français de la chaussure en ligne a également prévu d'ouvrir l'accès à des services de « click and collect » à ses nouveaux membres, mais aussi à l'offre de sa filiale, TooPost, qui propose déjà des tarifs d'envois négociés avec plusieurs transporteurs (dont la Poste) à Lyon, Paris et Marseille. Par ailleurs, Spartoo souhaite s'engager à rendre plus visibles ces petits commerces indépendants en leur dédiant un espace au sein de son site, ainsi qu'une carte de France, où les consommateurs pourront les localiser.

Un coup de pouce de taille puisque sa place de marché digitale, qui héberge déjà près de 500 détaillants (dont 250 commerces français), affiche des scores inespérés pour des petits commerçants : elle aurait en effet comptabilisé près de 14 millions de visiteurs uniques mensuels à travers l'Europe -selon les derniers chiffres publiés par Médiamétrie-, et permis de vendre jusqu'à 3 millions de paires de chaussures en 2019.

D'autant plus que Boris Saragaglia rappelle que d'après son expérience, chaque commerce présent sur sa plateforme génèrerait, en moyenne, près de 5.000 euros de chiffre d'affaires supplémentaire par mois.

« Nous avons nous-même bien vu lors du premier confinement à quel point il était difficile de faire face à des fermetures administratives. Lors de ce second confinement, lorsque l'on a constaté qu'il ne s'était au final pas passé grand chose sur le terrain de la digitalisation malgré une volonté d'aider les petits commerces, nous avons voulu les aider », affirme Boris Saragaglia. Et d'ajouter :  « Car il y a être dans le marasme mais être en vie, et tout perdre comme pour nous, avec la fermeture de nos 150 magasins André ».

Une stratégie à plus long terme ?

Fondé en 2006 par trois jeunes diplômés de Grandes écoles, Spartoo connait en effet bien les difficultés rencontrées par les acteurs du commerce de proximité.

Devenu l'un des leaders de la vente de chaussures sur internet en Europe avec un chiffre d'affaires de 180 millions d'euros en 2019 (pour 400.000 modèles et 6.000 marques proposées), l'isérois croit depuis 2015 à une stratégie « phygitale », alliant présence en ligne et réseau de boutiques en propre. Il s'était même fixé l'objectif « d'atteindre les 100 boutiques physiques d'ici 2020 », et avait misé, pour cela, sur la reprise de 120 magasins de la marque André aux mains du groupe Vivarte, en 2018, afin d'accroître sa présence auprès des consommateurs.

Mais un cocktail associant les mouvements sociaux de l'automne dernier, le manque d'attractivité des commerces de centre-ville, ainsi que les premiers impacts de la crise sanitaire, avait conduit le géant du e-commerce à céder à nouveau la marque, au courant de l'été 2020, à son ancien pdg, François Feijoo, à la barre du tribunal de commerce de Grenoble. Passé ainsi de 200 magasins en 2018 à 120 en début d'année, puis à 56 lors de cette reprise, le réseau de magasins André a en effet considérablement fondu : même tendance du côté de la maison mère Spartoo, qui ne disposerait désormais plus que d'une dizaine de points de vente en propre.

La crise sanitaire signera-t-elle ainsi une occasion de donner une nouvelle direction à son modèle ? Alors que le pdg assure « croire plus que jamais à la complémentarité des expériences d'achats pratiquées en ligne et en magasin », il entrevoit désormais une nouvelle manière d'aborder cette stratégie.

« On peut à la fois essayer de le faire en développant encore des magasins en propre, comme nous souhaitons le faire sur l'univers de la femme, qui continue à se développer ainsi qu'à travers l'installation de corners, comme nous en gérons déjà avec les Galeries Lafayette et Printemps, qui fonctionnent bien », atteste Boris Saragaglia.

Autre moyen : celui de miser sur sa marketplace pour proposer, en parallèle, de nouveaux produits et points relais grâce à des détaillants partenaires, ainsi qu'une offre de services digitaux, comme la fourniture de logiciels de caisse rendant le commerce en ligne accessible à tous, et ce, quelle que ce soit la plateforme choisie. Et le pdg de nuancer cependant : « Consommer sur Amazon est une chose, mais on veut montrer que l'on peut aussi consommer de manière plus locale chez nous, en passant par des acteurs français y compris dans l'univers de la mode ».

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