Veolia - Suez : les conséquences d’une possible fusion en AuRa

Alors que le dossier Veolia-Suez s’accélère fortement, avec l’offre de Véolia qui courre auprès d’Engie jusqu’à ce lundi minuit, les représentants de l’intersyndicale de Suez au niveau régional craignent qu’une acceptation de cette offre n’entraîne le démantèlement d’une filière de poids en Auvergne Rhône-Alpes. Ils activent depuis quelques jours l’ensemble de leurs leviers politique, dans l’espoir d’obtenir un délai pour que Suez puisse étudier différentes options et monter une contre-offre.
(Crédits : DR)

Il détient 29,9 % du capital de Suez, et pourrait s'en servir pour faire pencher l'avenir du groupe en l'espace de quelques jours. L'énergéticien Engie s'est donné jusqu'à ce lundi 5 octobre à minuit pour répondre favorablement à l'offre de Veolia, qui souhaite lui racheter à bon prix les actions de son concurrent Suez.

Une manœuvre qui a pris au cours des dernières semaines le visage d'un rachat forcé - à travers notamment une OPA sur le reste des actions- et que tente d'endiguer tant bien que mal le groupe Suez, même s'il pourrait désormais manquer de temps pour y parvenir.

Une bataille semble donc s'engager pour le contrôle du marché mondial de l'eau, un secteur qui pèse, rien que pour le segment de l'eau industrielle, 100 milliards d'euros au niveau mondial pour une croissance de 3 % à 4 % par an. D'autant plus qu'une possible fusion placerait le duo Veolia - Suez en position de force, avec près de 60% de parts de marché. La proposition commence toutefois à inquiéter les collectivités, qui redoutent une possible hausse des tarifs qui pourrait naître de cette concentration.

Sans compter que l'intersyndicale de Suez (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT & FO) en Auvergne Rhône-Alpes tire désormais la sonnette d'alarme en tentant d'alerter sur les conséquences d'une telle opération sur le plan régional.

Car alors que le groupe Suez emploie 89.000 salariés à travers le monde, dont 29.000 en France, ce sont près de 4.000 collaborateurs qui travaillent actuellement sur 18 sites présents en Auvergne Rhône-Alpes, répartis entre les deux branches Eau et
Déchets gérées par le groupe. Avec, en premier lieu, la crainte que leur futur acquéreur, Veolia, ne choisisse de se défaire entièrement de l'activité déchets, moins rentable que celle de l'eau.

1.200 salariés rien qu'à l'échelle de la métropole lyonnaise

"Le groupe Suez emploie près de 1.200 salariés rien qu'à l'échelle de la métropole lyonnaise, tandis que la région AuRa héberge le siège de sa branche destinée à l'eau à Rillieux (...) ainsi que de sa branche dédiée aux activités de recyclage à Vaise", explique Cyril Savtchenko-Belsky, membre du comité de groupe Suez France et responsable de l'union professionnelle des métiers du déchet à la CFE-CGC.

L'intersyndicale redoute également que cette fusion ne se traduise par des coupes sèches au sein des fonctions supports, dont n'aurait plus besoin Veolia, et qui demeurent largement représentées en Auvergne Rhône-Alpes avec la présence, par exemple, d'une plateforme nationale de facturation à Villeurbanne (Rhône), qui emploie 200 collaborateurs.

"On ne peut pas prédire l'ensemble des coupes qui pourraient intervenir au niveau régional, mais l'on sait déjà très bien que les 10.000 suppressions d'emplois annoncées en France concerneront prioritairement, si le projet se concrétise, les fonctions support qui sont, par définition, redondantes de celles de Veolia", rappelle le délégué syndical.

Mais ce qui est inquiète principalement les représentants des salariés locaux mais la manière dont le futur acquéreur de Suez pourrait se départir d'une grande partie des activités liées au nouvel ensemble :

"À eux deux, Suez et Veolia réunis gèrent 90 % des centres d'enfouissement des déchets français et près de 80 % des incinérateurs français. Or, ils ont déjà expliqué que pour des raisons de concurrence, Veolia devrait en céder une grande partie", reprend Cyril Savtchenko-Belsky.

Une situation qui laisse ainsi craindre un démantèlement des activités de gestion des déchets du groupe, au profit de la constitution d'un grand empire de l'eau. "Suez et Veolia sont tous les deux des acteurs de taille mondiale, mais la fusion des deux ne représenterait, au final que 5 % du marché de l'eau chinois -que viserait notamment Veolia à travers ce deal-. Or, on nous explique que l'on pourrait potentiellement gagner des parts de marché à l'international à un horizon non établi, afin de justifier que l'on supprimerait des emplois dès aujourd'hui dans un moment socialement difficile".

Une seule demande : du temps pour réagir

Les représentants des salariés demandent donc désormais en premier lieu du temps pour évaluer la situation, et réagir. "On ne peut pas régler le sort des 90.000 collaborateurs de Suez en seulement quatre semaines, et encore moins en une semaine", fait valoir Cyril Savtchenko-Belsky, qui fait écho aux différents calendriers défini par le groupe Veolia. Et d'ajouter : "On a l'impression que le dossier bénéficie d'une série d'opportunités, comme le départ de la directrice générale d'Engie, l'effet du Covid-19 qui a fait baisser le cours de l'action... Tout ça pour bâtir une offre en seulement quatre semaines".

Alors qu'un nouveau rebondissement dans ce dossier s'est matérialisé cette semaine par l'arrivée d'un nouveau fonds, Ardian, qui pourrait bien voler au secours du groupe Suez, Cyril Savtchenko-Belsky rappelle à nouveau que les salariés souhaitent avant tout qu'on leur laisse du temps pour étudier "tous les projets" qui peuvent se présenter.

"Nous ne souhaitons pas rentrer dans la polémique, nous demandons simplement à ce stade d'avoir le temps d'échanger plus qu'une semaine sur l'avenir du groupe. Il existe plusieurs options, avec parmi elles le fonds Ardian, ou encore l'actionnariat salarié : toutes les options doivent être étudiées".

Un dossier à la tournure politique

En attendant, salariés comme direction seraient en pleine campagne pour rencontrer différents parlementaires en vue de peser au niveau national. "Compte-tenu du calendrier très limité que nous avons, nous avons fait le choix de rencontrer plusieurs députés du Rhône, issus de différentes sensibilités. Nous n'avons pas eu à les supplier car ils étaient bien conscients de l'enjeu. Nous sommes présents à l'échelle de la région Auvergne Rhône-Alpes dans l'ensemble des départements, et nous collectons notamment une partie des déchets de la métropole de Lyon", rappelle Cyril Savtchenko-Belsky.

Le 28 septembre dernier, près de 70 élus issus de tous bords avaient signé une tribune appelant à ce que la décision soit prise en concertation avec les acteurs locaux, s'inquiétant des conditions d'accès aux services publics de l'eau et des déchets à venir. La députée LR de la 4ème circonscription de Savoie, Virginie Duby-Muller, a posé une question d'actualité à ce sujet, tandis qu'une tribune a été co-signée par 19 députés LR.

Si les salariés n'ont pour l'instant pas choisi de se mettre en grève afin de ne pas "pénaliser" leurs principaux clients, qui demeurent les entreprises ainsi que les collectivités faisant appel à Suez pour leur gestion des déchets ou de l'eau, plusieurs actions, comme une mobilisation au pied de la tour de Engie à Paris, ainsi qu'au niveau local sur les sites de Rillieux-la-Pape (Rhône) ou de Confluence à Lyon, ont également eu lieu.

"Mais la situation évolue au jour le jour, nous avons rendez-vous avec des parlementaires jusqu'à la mi-octobre alors que dès ce lundi soir, notre soir pourrait être scellé", résume Cyril Savtchenko-Belsky.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.