[La montagne, l’or vert de demain 1/5] La crise sanitaire joue en faveur de la montagne

[Série d'été] De l’inquiétude au soulagement. Alors que les acteurs de la montagne ont entamé leur saison d’été avec prudence, compte-tenu de la situation sanitaire, c’est finalement un sentiment de bonne surprise qui semble l’emporter aux quatre coins des massifs alpins. Avec, au menu, le retour de la clientèle française, qui a délaissé cet été l’étranger pour se recentrer sur de grands espaces favorisant la distanciation sociale.
Deux semaines après le coup d'envoi de la saison, les chiffres en matière de fréquentation sont déjà comparables à ceux de l'an dernier à la même période pour la montagne alpine.
Deux semaines après le coup d'envoi de la saison, les chiffres en matière de fréquentation sont déjà comparables à ceux de l'an dernier à la même période pour la montagne alpine. (Crédits : DR/AuvergneRhoneAlpesTourisme)

Le Covid 19 deviendra-t-il l'accélérateur nécessaire au tourisme quatre saisons ? C'est dans tous les cas la question que l'on peut se poser, quelques semaines après le coup d'envoi de la saison estivale en montagne, qui a démarré début juillet avec l'ouverture de la plupart des massifs alpins.

Alors que le tourisme pèse habituellement très lourd dans le PIB de la région Auvergne-Rhône Alpes, puisque l'ensemble de ce secteur génère chaque année près de 21,2 milliards d'euros de retombées économiques (soit 8% du PIB régional), la plaçant même au rang de seconde région touristique française, la montagne elle-même représente près de la moitié des 155 millions de nuitées enregistrées habituellement chaque année dans l'ensemble de la région.

"Plus de 60% de l'économie touristique au sens large dépend du tourisme en montagne", confirme Lionel Flasseur, directeur général d'Auvergne Rhône-Alpes Tourisme, qui rappelle que le volume des nuitées marchandes en été (52%) dépasse même celui de l'hiver.

Autant dire que même si les stations alpines ont pu bénéficier d'une bonne saison hivernale, juste avant le coup d'arrêt brutal de leurs activités en mars dernier en raison de la crise sanitaire, toutes regardaient avec un œil particulièrement inquiet l'arrivée de la saison d'été.

"Alors que les pertes atteignent près de 2,4 milliards d'euros sur le domaine du tourisme au sens large sur la période allant du 15 mars à la mi-juin, les acteurs de la montagne, qui avaient déjà réalisé l'essentiel de leur saison, tablent plutôt sur une moyenne de 15 à 20% de pertes", estime Lionel Flasseur.

Un soulagement après l'inquiétude

La plupart d'entre eux se disent néanmoins aujourd'hui "soulagés". "Si l'on nous avait dit il y a deux mois que nous allons vivre la situation actuelle, on aurait signé tout de suite", résume Claudie Blanc, directrice générale de Savoie Mont-Blanc Tourisme, à la tête d'un réseau de 112 stations savoyardes.

Car deux semaines après le coup d'envoi de la saison, les chiffres en matière de fréquentation sont déjà comparables à ceux de l'an dernier à la même période.

Même tendance aux 7 Laux en Isère, où la société de remontées mécaniques enregistre par exemple une croissance de 85% depuis le début de la saison grâce à la fréquentation accrue des randonneurs et vététistes.

"C'est la même chose du côté de la station du col de Marcieu, où les équipements destinés à l'été progressent de 73 % par rapport à la saison précédente, grâce également à une météo plus clémente que l'an dernier", illustre Alexandre Chalençon, directeur de l'office du tourisme Belledonne Chartreuse.

"Notre été va être quasiment identique à l'an dernier, qui marquait déjà un record à l'échelle des 50 dernières années", abonde Éric Chevalier, directeur de l'Office de Tourisme des Arcs (73).

Car à l'issue de la période de confinement, les Français ont remisé leurs passeports et sorti leurs chaussures de randonnée. Avec à la clé, un vivier de près de 9 millions de Français qui partaient traditionnellement à l'étranger chaque année, et qui ont cherché cette année un plan B pour leurs vacances d'été.

Arrivés d'Ile-de-France, mais également des régions Est, ou encore du bassin lyonnais, tous recherchaient l'air et les grands espaces après les deux derniers mois de confinement.

"On note cette année un fort développement de la clientèle de proximité, qui ne représentant jusqu'ici que 27% des visiteurs en été. Ce chiffre a quasiment doublé au sein de certaines stations, avec une clientèle urbaine qui s'est déplacée davantage à l'échelle de sa région", affirme Lionel Flasseur.

Gagner des parts de marché sur le littoral

Une bonne nouvelle pour les acteurs locaux, habituellement concurrencés par les voyages à l'étranger et les destinations de bord de mer lors de la période estivale.

"Après la période du confinement, les Français souhaitaient sortir de chez eux et accéder à des grands espaces. Et ce, tout en respectant les consignes sanitaires, qui demeurent encore à l'esprit. Dans un tel contexte, la montagne a un caractère assez rassurant car il existe moins de promiscuité sur les sentiers de randonnées que sur le littoral", concède Claudie Blanc.

Une bonne nouvelle après la tempête, pour les acteurs du tourisme, qui tentaient justement depuis quelques années de mettre en valeur les atouts de leurs massifs, à grands renforts de communications ciblant différents publics. Le Covid-19 semble avoir joué un rôle d'accélérateur hors pair :

"Tous nos plans de communication étaient prêts et sont tombés pile dans les attentes de cette période afin de rassurer les voyageurs", reprend la directrice générale de Savoie Mont-Blanc Tourisme.

Auvergne Rhône-Ales Tourisme rappelle qu'une grande campagne TV vient d'être menée au cours des dernières semaines, en partenariat avec l'ensemble des acteurs de la montagne, en vue de répondre aux aspirations des Français et à leur désir de grands espaces. "Ce grand dispositif de communication d'environ 300 000 euros visait notamment à mettre en avant tous les attributs positifs de la montagne et de faire armes égales avec le littoral", indique Lionel Flasseur.

D'autant plus que la montagne avait, en sa faveur, quelques bottes secrètes : à savoir, la présence de nombreux lacs de montagne, lui permettant même de ravir quelques parts de marché aux littoraux.

"On assiste déjà depuis quelque temps à des ruées autour de certains plans d'eau, comme le lac d'Annecy ou le lac d'Aiguebelette, dont les accès autoroutiers sont d'ailleurs fermés le week-end car ils sont victimes de leur succès", glisse Claudie Blanc.

La destination montagne pourra également compter cet été sur un large panel d'activités outdoor, issues de la diversification menée, au cours des dernières années, par les stations soucieuses d'élargir leur public cible. Avec, au menu, du trail, de la randonnée, du VTT électrique et autres fat bikes, ou encore de la tyrolienne, des parcours aventure ainsi que des parcs aquatiques ou du tir à l'arc...

"Il ne faut pas oublier que beaucoup de Français ont redécouvert la marche lors du confinement, en faisant le tour de leur quartier tandis que les stations étaient très en avance sur le développement d'activités comme le vélo et le VTT, dans lesquelles elles avaient déjà investi depuis plusieurs années", rappelle Claudie Blanc. A la montagne, le début de saison démarre donc avec le soleil au beau fixe.

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