"Nous déplorons que le Lyon-Turin soit vu comme un projet régional", Stéphane Guggino (Comité pour la Transalpine Lyon-Turin)

Inlassablement, depuis presque trente ans, le Comité pour la Transalpine milite pour la construction de cette liaison ferroviaire. S'il est composé en majorité d'élus de tous bords, le Comité cherche à quitter le champ du politique pour s'appuyer sur le soutien de la communauté économique, dont une cinquantaine d'entreprises. Entretien avec Stéphane Guggino, son délégué général.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Après une succession de présidents issus du monde politique, comme par exemple Raymond Barre, le comité est désormais présidé par un "grand patron", Jacques Gounon, DPG du groupe Getlink (Eurotunnel). Pourquoi ce choix stratégique ?

STÉPHANE GUGGINO - Notre ambition a toujours été de porter un projet de territoire. Or, les acteurs d'un territoire sont certes politiques, et 80 % de notre budget [300000 euros par an, ndlr] est bien financé par les collectivités impliquées. Mais ils sont aussi économiques. Le Lyon-Turin est un outil de compétitivité pour les entreprises. Nous soutenons un projet qui va préfigurer l'avenir économique, non seulement de la région, mais de tout un corridor au sud de l'Europe. Après Franck Riboud, l'ancien PDG de Danone, l'arrivée de Jacques Gounon en 2016 confirme cette ambition. Nous déplorons que le Lyon-Turin soit vu comme un projet régional alors qu'en Italie il fait la une des journaux tous les jours. Il est un enjeu géostratégique majeur à l'échelle du sud du continent. C'est d'ailleurs ainsi que l'Europe le conçoit.

L'intérêt des acteurs locaux est parfois incompatible avec la géostratégie européenne. Comment convaincre les opposants au projet ?

Il y a un petit mouvement de contestation que nous ne nions pas. Bien sûr, il faut apporter des solutions aux nuisances liées aux travaux et au bruit. Mais l'impact environnemental des travaux n'est rien à côté de la pollution due aux camions. Près de 3 millions de poids lourds traversent les deux tunnels nous reliant à l'Italie. Un trafic en hausse de près de 2 % par an. Le Lyon-Turin pourrait enlever 1 million de poids lourds de la route. C'est la seule réponse possible à la pollution pour nos vallées alpines. Les opposants estiment qu'il est possible d'améliorer le tunnel historique du Mont-Cenis. Or, c'est un tunnel du XIXe siècle : la réglementation obligerait, pour des questions de sécurité, à construire un second tube pour un coût de 1,5 à 1,7 milliard d'euros. Et même avec cela, il y aurait un autre problème : la compétitivité de ce tunnel. Les pentes sont trop importantes pour augmenter la cadence des trains et on ne pourrait, en réalité, faire passer seulement 56 à 64 trains par jour [les opposants avancent un chiffre de 120 trains]. La saturation du "vieux" tunnel porte aussi sur les voies qui y mènent, car le trafic passager se mêle au transport de marchandises. Il ne peut plus répondre aux enjeux du transport du XXIe siècle.

Les opposants soulignent aussi que le fret sur les rails diminue. Les projections d'augmentation du trafic ne paraissent donc pas justifiées au regard de l'investissement à venir...

Si le transfert ne se fait pas aujourd'hui, c'est que l'infrastructure n'est pas adaptée. Que cherche une entreprise de transport ? : la rapidité, la régularité et la fiabilité. Au regard de la situation, c'est normal que cela ne fonctionne pas assez. Nous sommes dans la même configuration qu'à l'époque de la construction du tunnel sous la Manche : qui peut dire, aujourd'hui, avec du recul, que c'était une erreur ? Certes, c'est une infrastructure chère. C'est pour cela que nous soutenons l'idée qu'il faut épurer le budget de construction des voies d'accès, condition indispensable pour une exploitation maximale des lignes, sans le sacrifier. Mais ce projet n'est pas inutile. La rentabilité économique d'une infrastructure ne se juge que sur le long terme.

Pourtant, malgré l'engagement de l'État, le recul sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes montre que rien n'est impossible...

Si on considère qu'il faut arrêter le projet, il faudra alors débourser entre 3 et 4 milliards d'euros : il faudra rompre le traité international qui le régit, passer devant le tribunal arbitral européen, rembourser les fonds européens, sans compter la remise en état environnementale des sites... Je suis persuadé que le bon sens l'emportera.

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