K'Store (Groupe Casino) : quel avenir pour cette galerie de centre-ville ?

Situé en plein cœur de Grenoble, le centre commercial K’Store, une propriété du groupe Casino, est une référence bien connue. Pourtant, depuis quelques mois, cette galerie de centre-ville cherche désespérément à remplir plusieurs locaux vacants. Elle peine à retrouver sa place - et son souffle - dans un paysage marqué, lui aussi, par les mutations du commerce de centre-ville. Reportage.
D'après des chiffres confirmés par le groupe Casino, 7 des 11 espaces commerciaux présents en rez-de-chaussée seraient actuellement occupés.
D'après des chiffres confirmés par le groupe Casino, 7 des 11 espaces commerciaux présents en rez-de-chaussée seraient actuellement occupés. (Crédits : ML)

Située au 26 cours Berriat, entre la gare et le cœur de ville, la galerie commerciale K'Store fait partie des commerces emblématiques de Grenoble. Créée en 1971, elle est devenue la propriété du groupe Casino et comprend un supermarché, ainsi qu'un espace commercial en rez-de-chaussée d'environ 3 400 m² avec 11 boutiques, une boutique Go Sport et une salle de sport à l'étage.

Dès sa reprise en 2016, le groupe Casino a entrepris une série de travaux (montant : NC) ayant conduit à rénover le sol, le réseau de climatisation et de chauffage ainsi que le parking.

Mais les commerçants indépendants de cette galerie affirment enregistrer des pertes importantes depuis la réduction du cours Berriat à un seul sens de circulation. Lorsqu'on arrive sur place, force est de constater que plusieurs locaux de petites à grande surfaces sont vides, et ce, dès l'entrée du cours. Malgré la présence de l'enseigne Go Sport, qui a fait de son magasin de K'Store le vaisseau amiral de sa présence à Grenoble - tout en ajoutant une nouvelle entrée qui donne directement sur le Cours Jean-Jaurès -, le centre commercial peine à retrouver de sa vitalité.

Des locaux vides

A la tête de la Brasserie "le K" depuis 3 ans, Léornarda Lurilli pointe du doigt les trois locaux vides situés face à elle.

"Nous sommes arrivés lorsqu'il y avait encore King Jouet. On a désormais devant nous une laverie automatique et un espace de jeux pour enfants, mais on ne peut pas dire que ce sont pas vraiment des commerces".

Une coiffeuse de l'enseigne Coiff&Co, Marine, qui travaille dans la galerie depuis 6 ans, dresse un constat similaire : "Nous avons vue sur un local qui est vide depuis 3 ans, tandis que deux autres espaces accolés le sont également depuis 2 ans et 1 an et demi".

"La galerie manque d'enseignes. Or, le gestionnaire préfère ne pas louer plutôt que de baisser les prix", appuie pour sa part Sylvie de Sousa, gérante de la cordonnerie.

D'après des chiffres confirmés par le groupe Casino, 7 des 11 espaces commerciaux présents en rez-de-chaussée seraient actuellement occupés.

Résultat ? Les commerçants regrettent une perte d'attractivité pour la galerie.

"Nous avons perdu au moins 30% de fréquentation rien qu'au niveau de l'entrée principale. Et c'est sans compter les commerces qui se situent tout au fond de la galerie", affirme l'une des coiffeuses, qui regrette, comme plusieurs autres commerçants rencontrés, que "les visiteurs ne prennent désormais le passage plus que pour le traverser à pied".

Un nouveau plan de circulation qui divise

Car un autre phénomène semble en marche : la réduction à un sens unique de circulation, impulsée par la municipalité Piolle en avril 2017. Elle aurait eu un impact direct et durable sur la fréquentation du centre commercial, à en croire les intéressés.

D'après la gérante de la brasserie « le K », les commerces des alentours auraient enregistré depuis cette période une baisse moyenne de fréquentation moyenne de 30 à 40%. "Les clients se plaignent que les places sont trop chères en centre-ville. Le centre commercial possède bien un parking, mais il est payant", affiche-t-elle.

Résultat : sa clientèle serait désormais essentiellement composée de personnes du quartier. Pour la responsable de la cordonnerie, Sylvie de Sousa, les habitués "qui venaient de partout autour de Grenoble" ne veulent désormais plus entrer dans la ville.

"Ils vont à l'extérieur, ou commandent sur Amazon. J'ai même des personnes qui habitent Saint-Ismier et qui me donnent des chaussures à réparer le matin afin de ne pas avoir à se déplacer en ville, mais ce n'est pas une solution", estime-t-elle.

Et ce n'est pas l'une des coiffeuses de l'enseigne Coiff&Co qui dira le contraire : le changement de sens de circulation aurait poussé un peu plus les gens vers la sortie de Grenoble. "Ils ne prennent même plus le temps de s'arrêter une fois dans les bouchons".

Une théorie que réfutait toutefois le président de la métropole, Christophe Ferrari, lors de la présentation du premier bilan de l'opération Coeur de Ville Coeur de Métropole, rendu public au printemps 2018.

Selon l'Observatoire mis en place par la métropole, le taux de vacance des locaux commerciaux s'affichait en légère baisse (8,3% contre 8,8% à l'automne précédent). Et surtout, le trafic automobile aux sorties de Grenoble aurait baissé de 3% et de 4 % aux entrées tandis que le nombre de passages en centre-ville serait quasiment le même...

Avec au menu, une augmentation de la marche (+3%) et des lignes de transport en commun Chrono (+ 5 % et + 6 % pour le C1 et le C4).

Le lien avec l'extérieur mis à mal

Si le groupe Casino n'a pas souhaité s'exprimer directement, malgré plusieurs demandes d'interviews, une source en interne précise que "les commerçants notent effectivement une baisse de la fréquentation qui serait due, au moins partiellement, au changement de sens de circulation du cours Berriat". Et ajoute : "Le départ de l'enseigne King Jouet en mars 2017 a certainement également eu un impact sur la baisse de fréquentation de la galerie marchande".

Un problème d'accessibilité d'autant plus préoccupant pour les commerçants que les projets commerciaux ne manquent pas sur la place grenobloise : rénovation de Grand Place, arrivée du nouveau géant Neyrpic à 10 minutes du centre-ville de Grenoble...

Lire aussi : Grenoble : un centre commercial nouvelle génération aux portes de la ville

"Il existe déjà trop de centres commerciaux dans l'agglomération, et on va en créer d'autres", regrette Sylvie de Sousa, qui cite les zones commerciales de Meylan, Comboire, Echirolles et Saint-Egrève.

Cependant, l'une des commerçantes du cours Berriat, située à quelques mètres de K-Store mais avec pignon sur rue, nuance le tableau. Avec la crainte que le cours ne perde de son attractivité face à ce qu'elle qualifie de "mauvaise presse" :

"Le changement de circulation a forcément eu un impact car nous sommes l'un des deux boulevards les plus concernés. Cela change la donne, mais de là à dire que tout va mal...".

Du côté du groupe Casino, une source en interne estime que le centre commercial K'Store ne sera pas directement impacté par l'arrivée du projet Neyrpic à Saint Martin d'Hères, "les zones de chalandise étant complètement distinctes et la vocation des sites également, avec un centre commercial de proximité versus un centre de shopping et loisirs", fait-on valoir.

Reste que malgré son parking flambant neuf de 130 places, K'Store ne pourra pas compter sur celui-ci pour séduire les visiteurs, puisqu'il s'avère payant, à la différence d'autres centres commerciaux.

"Nous avons demandé à ce qu'il y ait aussi une première heure gratuite, comme à la Caserne de Bonne, mais cela nous a été refusé", affirme Malika Ben Dheria, gérante d'une boutique de décoration et de prêt-à-porter dont les clients peuvent venir de Chambéry voire Lyon grâce à ses publications sur les réseaux sociaux.

Sollicité sur ce point, le groupe Casino répond que "le parking a fait l'objet d'une rénovation complète en 2018 avec une refonte de sa signalétique, une augmentation de la surface des stationnements et une indication du nombre de places disponibles".

"Mais il n'est pas envisagé à ce jour de proposer la gratuité du parking", affirme une source interne, qui dit craindre une "cannibalisation du parking par les résidents voisins" compte-tenu des emplacements limités à l'extérieur.

Des fins de mois difficiles

Dans ce contexte, plusieurs commerçants affirment avoir du mal à boucler leurs fins de mois, et à s'acquitter d'un loyer devenu trop cher pour leurs recettes.

"Lorsque j'ai repris, je ne savais pas que les règles de la galerie nous imposent d'être présents tous les jours fériés, et de rester ouverts même si un après-midi est désert", lâche Léornarda Lurilli.

Car dans cette galerie du centre-ville, les commerçants doivent répondre aux mêmes règles et horaires qu'au sein des grandes surfaces commerciales, soit une ouverture du lundi au samedi, de 9h30 à 19h30.

Et alors que les clients se font rares, Malika Ben Dheria est contrainte de faire tourner seule son magasin depuis plusieurs mois, en réalisant près de 60 heures de travail hebdomadaire.

"Depuis janvier, la fréquentation a fortement chuté. On a perdu bien plus que 40%. Je n'ai pas les moyens de payer une vendeuse, qui me coûterait environ 30 000€ par année".

La gérante de la cordonnerie affirme étudier la possibilité de déménager, et recherche un emplacement à la fois "accessible et passant", sans pour autant avoir encore trouvé la solution...

"Le seul endroit bien placé compte-tenu des difficultés de circulation serait désormais le carrefour entre Alsace Lorraine et Jean Jaurès, car il est au croisement de plusieurs lignes de transport en commun", estime son cordonnier, Franck Malbert. Et de glisser : "La situation est telle qu'on se demande s'il n'y a pas un intérêt quelque part pour cette galerie, qui occupe tout un pâté de maison..."

Si la direction du groupe Casino n'a pas souhaité accorder d'interview à Acteurs de l'économie-La Tribune, elle a précisé que sa politique tarifaire était "alignée" avec les tarifs pratiqués en centre-ville. Contactée, la direction de Go Sport n'a pas donné suite à nos demandes, ni celle de la nouvelle salle de sport Feel Sport.

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