[7/7] Saint-Etienne, Grenoble et Lyon soignent aussi leurs centres-villes

222. C'est le nombre de petites et moyennes villes retenues dans le cadre du plan national "Action cœur de ville" présenté par le gouvernement fin mars 2018. Ce plan de 5 milliards d'euros mobilisés sur 5 ans, qui s'inspire d'un rapport réalisé par le Haut-Ligérien André Marcon, vise à redonner de l’attractivité et du dynamisme aux centres de ces villes. Mais cette préoccupation n'est pas réservée aux petites et moyennes agglomérations. Conscientes des enjeux, Saint-Etienne, Grenoble et Lyon soignent leurs centres-villes, et notamment leurs commerçants. Zoom sur ces plans lancés à quelques jours d'intervalles, comme un écho à celui du gouvernement. Dernier volet de notre série consacrée à la revitalisation et l'attractivité des centres-villes de la région.
Le centre-ville de Saint-Etienne
Le centre-ville de Saint-Etienne (Crédits : Stéphanie Gallo)

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C'est un plan en sept points que la Ville de Saint-Etienne a décidé de mettre sur pieds pour redynamiser son commerce. Rien à voir avec les accusations portées par Lionel Saugues, adjoint au commerce démissionnaire en janvier dernier, selon Pascale Lacour sa successeure. Au contraire même puisque c'était une priorité de Gaël Perdriau depuis son élection. "Lionel Saugues a accusé Gaël Perdriau de tuer le commerce de centre-ville. En réalité, ce plan va nous permettre d'avancer enfin sur un certain nombre de dossiers que Lionel Saugues avait bloqués ou dont il ne s'était tout simplement pas occupé".

Entre "mesurettes" et droit de préemption

Parmi les mesures annoncées : la possibilité offerte aux commerçants d'installer des terrasses extérieures chauffées en fonction des conditions météorologiques et non plus d'un cadre administratif contraint, la mise en place de marchés de plein air plus qualitatifs et mieux organisés, une présence renforcée sur les salons pour promouvoir le commerce stéphanois ou encore la création d'un espace en centre-ville dédié au commerce. Celui-ci regroupera en un seul lieu les acteurs et services du développement commercial.

La Ville a également négocié un accord avec les propriétaires des grandes centres commerciaux de la ville : Apsys (Steel), Klepierre (Centre Deux) et Casino. Les programmations commerciales et plans d'action devraient se faire en toute complémentarité. Par exemple, des cartes de fidélité communes avec le centre-ville pourraient être mises en place. Les trois groupes se sont par ailleurs engagés à verser 150.000 euros d'ici à 2020 pour soutenir le commerce stéphanois.

Au-delà de ces dispositifs, qualifiés de "mesurettes" par Myriam Ulmer et Pierrick Courbon du groupe Nouvelle Gauche dans l'opposition municipale, des changements importants sont à noter dans l'organisation même du commerce de centre-ville. Notamment la fusion des deux principales associations de commerçants (Sainté centre-ville et Fascaps) qui sera complétée par la création du poste de manager de centre-ville.

"C'est un métier nouveau, qui se développe en France. Il permettra d'apporter une vraie cohérence aux initiatives commerciales", explique Gaël Perdriau.

Autre nouveauté majeure : la création du droit à la préemption commerciale. Sur le centre-ville (le périmètre précis reste à définir), la Ville se réserve désormais la possibilité d'acheter un fonds commercial, un commerce ou un bail commercial afin de le rétrocéder ensuite à un artisan ou à un commerçant qu'elle aura choisi. Objectif : favoriser l'implantation de commerces attractifs sur les quartiers stratégiques.

"Il faut que nous réservions des espaces pour accueillir des grandes enseignes, des locomotives", justifie Pascale Lacour.

Ce droit de préemption passera par la création d'une Foncière commerciale alimentée par l'Epase, Epora, la Caisse des Dépôts et Consignation, des banques... Le montant reste à confirmer par les partenaires mais un objectif de 10 millions d'euros serait évoqué.

A l'actif de Gaël Perdriau, cette stratégie est nouvelle à Saint-Etienne.

La Ville ne disposait jusqu'ici d'aucun levier juridique et/ou financier pour piloter son centre-ville, pilotage passant presque nécessairement par cette possibilité de préemption. Mais elle est déjà opérationnelle dans de nombreuses agglomérations.

"Nous nous remettons au niveau de ce qui se fait dans d'autres grandes villes", reconnait Pascale Lacour.

L'adjointe explique d'ailleurs scruter minutieusement, avec ses services, le plan "Cœur de Ville" du gouvernement. Elle ne peut évidemment pas y prétendre puisqu'il est réservé aux petites et moyennes villes mais "il peut donner des idées sur des voies à suivre".

Renforcer la tendance

Depuis 2015, le solde entre les commerces créés et ceux qui ont mis la clé sous la porte est positif de 151 unités mais le commerce stéphanois n'a pas encore retrouvé son niveau de 2009.

Fin 2017, Saint-Etienne comptait ainsi 3 828 commerces contre 3 677 en 2015 et 3 906 en 2009. Un trend positif donc, mais qui s'est ralenti en 2017. L'équipe municipale entend bien lui donner un coup de fouet avec son nouveau plan commerce.

"Cette politique va dans le bon sens mais il va falloir plusieurs années pour en constater vraiment les effets positifs", prévient néanmoins Jérôme Grenier, élu en charge du commerce au sein de la délégation stéphanoise de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne.

Et d'alerter sur les points de vigilance : "Aujourd'hui, nos commerçants qui partent à la retraite ont du mal à trouver des repreneurs. Des vacances durables s'installent. De plus, Steel sera certainement favorable à la ville en général mais portera un coup rude au commerce de centre-ville...".

Lionel Saugues, ex-adjoint à la ville dénonce lui, un "pseudo plan". "Il s'agit en réalité d'une mesure de diversion qui fait suite aux départs récents d'élus et de cadres en charge du Commerce à la Ville de Saint-Etienne. Ce plan a été bâti dans l'urgence, ne propose rien de nouveau (marchés, terrasses, enseignes...) ou fait purement et simplement dans l'effet d'annonces (droit de préemption). Nos commerçants auraient pourtant mérité mieux face au projet commercial Steel qui aura un impact majeur pour l'avenir de notre centre-ville !"

La Presqu'île lyonnaise en cure de jouvence

Premier espace commercial de la région avec près de 3000 boutiques, la Presqu'île de Lyon voit chaque année quelque 11 millions de personnes, riverains, habitants et touristes du monde entier arpenter ses rues. Grâce à ce positionnement, au cœur d'une zone de chalandise majeure, elle échappe au phénomène de désaffection qui mine les villes moyennes.

Pour autant, pour les commerçants comme pour les élus, l'enjeu est bien de maintenir cette attractivité, sous peine de subir des revers commerciaux et touristiques. De la réhabilitation du Grand Hôtel Dieu à la renaissance du quartier Grolée et plus récemment à la mise en œuvre de l'opération "Cœur Presqu'île", la Presqu'île est partie pour une cure de jouvence qui durera encore deux bonnes années.

Lyon

Ce faisant, les élus visent bien évidemment à faire de la Presqu'île un territoire où se presseront encore plus de visiteurs. George Képénékian, maire de Lyon parle de "grande renaissance du cœur de ville" à propos de l'opération Cœur Presqu'île visant dans sa globalité à "rendre la ville encore plus attractive et à réaffirmer la vocation piétonne du secteur".

L'ambition est d'ailleurs partagée.

"Nous, commerçants, ce qui nous intéresse avant tout, ce sont les flux", insiste régulièrement Franck Delafon, le président de Tendance Presqu'île, association qui regroupe les commerçants de la Presqu'île.

Mis en œuvre par la Ville et la Métropole, le projet Cœur Presqu'île devra relever ce défi. Il a été bâti en pleine conscience des points faibles et fort du territoire. "Certains équipements sont vieillissants, d'autres ne sont plus adaptés aux nouveaux usages", constatait Gérard Collomb, alors sénateur maire de Lyon, et président de la Métropole, en lançant ce projet début 2017. Au total, dix espaces publics seront concernés par ce plan qui mobilise 27 millions d'euros d'investissement.

Quatre enjeux intimement liés

Lancé depuis un an, et conduit par phases du nord au sud de la Presqu'île, le projet Cœur Presqu'île s'achèvera en 2020. Quatre enjeux ont été identifiés par les élus : conforter l'attractivité de la Presqu'île ; conforter le rayonnement de l'agglomération en valorisant son patrimoine ; renforcer le dynamisme commercial et favoriser la vocation piétonne et le confort des cheminements.

Face à ces défis, un seul objectif : ne pas muséifier la ville qui doit rester vivante pour améliorer le quotidien des habitants. Le cadre étant posé, il se décline par des aménagements urbains au niveau des sols, mais aussi de l'éclairage et de la sécurité "adaptés à chaque lieux".

Certains comme la place Tolozan ou la rue Joseph Serlin et la rue de la République se contentent d'un petit lifting, quand d'autres comme la rue Victor Hugo ou la place de la Comédie vont subir des transformations plus radicales.

Grenoble, un centre-ville en pleine mutation

C'est la mesure qui avait fait le plus grincer des dents, au sein d'un plan plus global visant à restructurer et donner une meilleure image du centre-ville grenoblois. En fermant le boulevard Agutte Sembat à la circulation le 2 mai 2017, la municipalité Piolle avait souhaité en faire un symbole : une autoroute à vélo, et une piétonisation accrue pour le centre-ville, avec des changements de sens de circulation visant à rapprocher plusieurs secteurs de la ville. "L'idée était de réunir ces différentes zones pour leur donner l'image d'un grand centre de métropole", indique Lucille Lheureux, adjointe aux Espaces publics à la ville de Grenoble.

"Il s'agit de l'élargissement du plateau piétonnier du centre-ville comme jamais", atteste Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole.

Un an plus tard, l'ambition est toujours là. Mais depuis cet important changement, le relifting de la voirie se fait encore attendre : car si le plan Cœur de Ville Cœur de Métropole a bien démarré au sein de différents quartiers de la ville depuis l'été dernier, il est encore loin d'être terminé. "La complexité est qu'on a à la fois dû faire vite et prendre le temps pour chaque zone de réaliser des concertations, tout en prenant en compte du planning des soldes, des fêtes de fin d'année pour les travaux. Il a fallu jongler avec les impératifs", affirme-t-elle.

Centre-ville Grenoble

A tel point que si le boulevard Agutte Sembat, qui drainait jusqu'à 15 000 voitures par jour en centre-ville a bien été fermé depuis un an, la route n'a pas bougé malgré la fermeture à la circulation.

"Nous avons hâte de pouvoir passer à la phase de travaux, qui va commencer en juin, et qui comprendra un élargissement des trottoirs, ne voie de chaque côté pour les bus, et une voie centrale pour les vélos", affirme Lucille Lheureux.

Pas d'effondrement, mais...

De son côté, le président de Grenoble Alpes Métropole dresse un bilan plutôt positif : "On constate une occupation en légère hausse des locaux commerciaux, avec un taux de vacance qui est passé de 8,8% à 8,3% entre l'automne 2015 et 2017. On s'éloigne de la barre des 10% qui est considérée comme une situation préoccupante, même si derrière ce taux, il peut exister une grande variabilité en fonction des commerces".

Selon lui, la fréquentation du centre-ville resterait stable, d'après les données de l'Observatoire mis en place par la ville et la métropole, et dont les données de circulation sont recueillies par la société Orange.

"La circulation automobile continue de baisser (4% à l'entrée et 3% à la sortie de la ville) et se traduit par une plus forte fréquentation des parkings relais (+7%) et des parkings en ouvrage (+4%), des deux lignes chronos de bus allant à Meylan (+5%) et Eybens (+6%)".

La pratique de la marche (+3%) et du vélo (+5%) seraient également en hausse, tandis que la création de la ligne Chrono Vélo sur l'avenue des Jeux Olympiques aurait connu un pic de 22%.

"Il y avait cette panique de dire qu'il existait déjà un équilibre fragile, mais les commerçants ont constaté qu'il n'y avait pas d'effondrement comme cela avait été annoncé", estime Lucille Lheureux, qui estime que ce projet ne détourne pas la clientèle du centre-ville.

Mais les commerçants du centre-ville grenoblois sont loin d'être du même avis... La semaine dernière, ils se sont même réunis pour dénoncer le premier bilan dressé par la métropole et la ville, à travers un courrier au Dauphiné Libéré.

"La ville a supprimé un axe majeur qui amenait 15 000 véhicules par jour. Cela a été moins le clash que ce que l'on aurait pu prétendre, mais les commerces enregistrent une énorme baisse de la fréquentation, plus ou moins bien répartie entre les différents secteurs", souligne Christian Hoffmann, antiquaire et président de Label Ville, l'Association des unions commerciales de Grenoble (AUCG).

Des quartiers en pleine métamorphose

Certains quartiers, comme le cours Berriat, devenu à sens unique, ou encore les rues Chenoise et Montorge, piétonnisées, seraient davantage touchés. "Personne n'est contre la piétonisation, mais cela nécessite de la concertation et de permettre le passage de la voiture à certains endroits", affirme Christian Hoffmann, qui glisse que certains locaux commerciaux sont vacants depuis six mois aux Halles Sainte-Claire.

"Les véhicules se reportent sur les rues en parallèle, tandis que le cœur de ville a perdu de son accessibilité avec des bouchons tous les jours, aux trois entrées de l'agglomération", déplore Marc Mayet, gérant d'une bijouterie située place Victor Hugo.

"Une étude va sortir la semaine prochaine et démontrer qu'il existe un vrai problème en matière d'embouteillages", atteste François Bazès, vice-président de la CCI de Grenoble en charge du commerce, qui rapporte que dans certains secteurs tels que les quartiers Strasbourg Chavant, Berriat ou Agutte Sembat, les commerçants ont connu "des baisses allant de -10 à -20% de leur chiffre d'affaires".

Plusieurs affirment même que ce plan de circulation accélère les mutations en cours au sein du tissu local.

"On voit des commerçants qui se rassemblent autour de magasins ayant un positionnement proche, ou d'autres zones qui se vident. Si cela continue, le cœur de ville va rapetisser", croît Marc Mayet.

Bien que certaines évolutions sociétales étaient déjà en route, comme les transports en commun ou le vélo, ce dernier estime que les collectivités "ont poussé le curseur de manière excessive, avec le risque que la ville se vide".

"Si cette stratégie allait de pair avec la création de nouveaux parkings autour de Grenoble ou de nouvelles lignes de transport, cela se comprendrait davantage", résume le vice-président de la CCI, lui-même commerçant.

La question centrale des stationnements

A la ville de Grenoble, Lucille Lheureux rappelle qu'en amont de ces changements, les tarifs des parkings en ouvrage ont été revus afin qu'ils soient moins coûteux que les emplacements sur la voie publique, durant les deux premières heures de stationnement. "C'est certainement une mesure qui gagne à être connue", note-t-elle.

Contrairement à d'autres villes, la ville de Grenoble a misé jusqu'ici sur un mix composé de parkings relais, situés aux portes de la ville, et des parkings en ouvrage, positionnés en centre-ville et opérés par Vinci. "Il faut que Grenoble se dote de parkings relais dignes de ce nom, plus attractifs", estime François Bazès.

Ce à quoi Christophe Ferrari répond en estimant qu'une réflexion doit être menée sur leur emplacement "à l'échelle de la métropole".

"On va continuer à travailler afin qu'ils soient bien positionnés aux grandes entrées de la métropole et notamment du côté de la Tronche-Meylan, et de la Presqu'île".

Si l'implantation de nouvelles poches de stationnement près du centre-ville peuvent aussi être étudiées en fonction des opportunités qui se présenteront, "la topographie ainsi que la rareté du foncier fait que c'est un choix moins adapté à Grenoble", avance le président de la métropole.

De son côté, Lucille Lheureux reconnaît qu'il existe encore des efforts à mener en matière de signalétique.

"Nous avons près de 1000 places disponibles chaque jour dans les parkings en ouvrage du centre-ville, alors que le gens pensent qu'ils ne pourront pas se garer et tournent dans le centre-ville à la recherche d'une place".

Pour cela, l'adjointe aux Espaces publics affirme que la ville travaille à l'édition "d'un document d'information qui pourrait mis à disposition des commerces pour informer leurs clients".

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