André Mounier : "Je n’aurais jamais dû accepter la fusion des CCI de Saint-Etienne et de Lyon"

Après plusieurs mois de repli, l’ex-président de la CCI de Saint-Etienne, André Mounier, sort de son silence pour régler ses comptes : avec Emmanuel Imberton, le président de la CCI Lyon-Saint-Etienne-Roanne à qui il reproche d'avoir phagocyté la fusion des deux chambres consulaires, donnant toutes les clés de décisions aux Lyonnais ; avec les élus consulaires stéphanois, envers lesquels il regrette leur absence de "résistance" ; avec Xavier Pelletier, l'actuel directeur général, critiquant son manque d'expérience en entreprise ; enfin, avec Gaël Perdriau, le président de la métropole ligérienne, accusé de ne pas "avoir tenu ses promesses". Déclarations sans filtre.
Très vite, les décisions ont été prises par les Lyonnais, au détriment de Saint-Etienne. La CGPME et le MEDEF se sont mis d'accord pour désigner Emmanuel Imberton à la tête de cette nouvelle CCI métropolitaine [...] Cela peut laisser penser à un arrangement entre amis, estime André Mounier.
"Très vite, les décisions ont été prises par les Lyonnais, au détriment de Saint-Etienne. La CGPME et le MEDEF se sont mis d'accord pour désigner Emmanuel Imberton à la tête de cette nouvelle CCI métropolitaine [...] Cela peut laisser penser à un arrangement entre amis", estime André Mounier. (Crédits : DR)

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ACTEURS DE L'ECONOMIE - LA TRIBUNE. Après 6 ans de présidence de la CGPME Loire et deux mandats à la tête de la Chambre de commerce et d'Industrie de Saint-Etienne, vous avez tiré votre révérence fin 2016. Depuis, on vous entend très peu et on vous voit encore moins dans les réceptions des milieux économiques. Avez-vous tiré un trait définitif sur votre engagement militant ?

ANDRÉ MOUNIER. Certainement pas. Je vais d'ailleurs prochainement intégrer des conseils d'administration, j'étudie les propositions. Mais il est vrai que j'ai pris énormément de recul depuis la fin de mon mandat. Ces derniers mois ont été très rudes pour moi, je n'étais vraiment pas bien. A tel point que j'ai dû me faire accompagner dans cette période.

La hantise de la retraite ?

Non, il était prévu depuis bien longtemps que je ne me représenterais pas. En revanche, j'ai particulièrement mal vécu les conditions de la fusion en 2016 avec les CCI de Lyon et de Roanne.

Pourtant, vous en avez été un fervent militant de ce rapprochement...

La proposition avait un sens, nous avions les mêmes bassins économiques et d'emplois. De plus, nous venions de perdre 30 % de nos ressources fiscales. Nous n'étions pas plus en difficulté que d'autres mais une fusion me semblait la meilleure voie pour notre chambre. Je la voyais comme un rapprochement négocié entre égaux. J'ai déchanté rapidement ! Cette erreur m'a secoué. Vraiment.

Que s'est-il passé ?

Très vite, les décisions ont été prises par les Lyonnais, au détriment de Saint-Etienne. La CGPME et le MEDEF se sont mis d'accord pour désigner Emmanuel Imberton à la tête de cette nouvelle CCI métropolitaine. Je pensais qu'il serait logique que le premier vice-président soit Stéphanois. Pourtant, les deux syndicats patronaux régionaux ont décidé de nommer le Lyonnais Philippe Guérand (actuel président de la Chambre de commerce et d'industrie régionale, Medef). Cela peut laisser penser à un arrangement entre amis. Cela a étonné aussi d'autres présidents de CCI en Rhône-Alpes. J'ai commencé à prendre mes distances aussitôt.

Lire aussi : Guy Métral (CCI Haute-Savoie) : "Je n'accepte pas l'opacité, l'enfumage et les accords lyonno-lyonnnais"

Autre exemple flagrant de cette attitude, Xavier Pelletier, le directeur général, a été recruté sans négociation aucune avec les élus stéphanois et les élus roannais. Quand on travaille avec un partenaire qui compte 25 000 entreprises, il me semble que la moindre des politesses est de les consulter, non ? J'ai été le seul à le faire remarquer car les Roannais avaient pour seule priorité d'échapper à une absorption par Saint-Etienne.

On nous a présenté ce recrutement certes. Mais seulement présenté. A aucun moment, nous n'avons voté. Je n'ai rien contre M. Pelletier, je n'ai rien contre les énarques, mais confier les manettes d'un établissement public en charge du développement économique à quelqu'un qui n'a jamais mis les pieds dans une entreprise, cela ne me parait pas cohérent. Au final, la quasi-totalité des directions est partie à Lyon. C'est un scandale.


A l'époque, quelques bruits avaient filtré suite à des réunions mouvementées. Pourtant, vous n'avez jamais élevé le ton dans les médias. Avez-vous essayé de faire entendre votre voix en interne ou avez-vous assisté, résigné, à la mise en place de cette nouvelle organisation ?

C'est au pied du mur qu'on juge le travail du maçon. Je pensais qu'Emmanuel Imberton allait comprendre. J'ai dit en interne, mais seulement en interne c'est vrai, ce que je pensais de cette organisation, de ce recrutement. C'est comme si je soufflais dans un violon. Après mon départ, le processus s'est poursuivi sur la même lignée, sans aucune résistance de la part des nouveaux élus et du président de la délégation stéphanoise. Au final, Saint-Etienne est devenue une chambre d'enregistrement. M. Imberton et M. Pelletier décident de tout. Cela me fait une peine terrible.

Au-delà des postes de direction et des questions de personnes, vous semblez estimer que les intérêts stéphanois ne sont pas aussi bien défendus qu'ils devraient l'être ?

Oui. Je n'ai pas l'impression que la CCI métropolitaine "mouille" vraiment le maillot pour nous. Plusieurs industriels stéphanois m'ont appelé pour me dire que c'était une catastrophe. Il faut que les directions soient sur place pour faire du bon travail.

Certains murmurent qu'ils vous avaient prévenu. Comment expliquez-vous ce que vous analysez désormais comme une erreur ? Pourquoi n'avez-vous pas verrouillé le processus de rapprochement avec des engagements écrits ?

Plusieurs présidents de CCI de Rhône-Alpes dont ceux des chambres de l'Ain, de Grenoble, de l'Ardèche et de Villefranche-sur-Saône m'ont mis en garde, c'est vrai. Certains élus stéphanois étaient contre, c'est vrai aussi. Mais au final, la majorité était partante, je n'étais pas seul.

J'avais mis en place une commission qui a fait le tour des organisations patronales, des clubs d'entreprise, des partenaires... Les membres de cette commission m'ont indiqué que c'était une bonne décision. Je n'ai pas signé bêtement, le processus d'organisation semblait nous convenir mais sa mise en œuvre pratique a dérapé. Nous avons commis l'erreur de n'être pas assez présents dans cette étape de construction.

Le directeur général de notre CCI de Saint-Etienne nous a mal représenté dans cette opération. J'ai été trompé par Emmanuel Imberton, je n'envisageais absolument pas cette fusion ainsi. Sinon, je n'y serais pas allé. Lorsque j'en ai vraiment pris conscience, il était trop tard. Nous avions acté cette fusion en assemblée générale. Ensuite, j'ai été minoritaire au bureau, je ne pouvais plus rien faire.

Il est de notoriété publique que vous étiez hyperprésent, voire omniprésent et même omnipotent, dans votre chambre. Vos anciens services doivent souffler...

J'ai certainement été trop engagé, trop PDG. Mais c'est dans ma nature... Et puis je pense que les élus doivent être présents. Encore un point qui nous différencie avec Emmanuel Imberton. Pour lui, le principal est d'être entouré de directeurs ultra diplômés. Je crois, au contraire, que les hommes et les femmes de l'art, les chefs d'entreprise donc, sont les mieux à même de porter et de comprendre les dossiers.

Avez-vous réussi aujourd'hui à tourner la page ?

L'année qui vient de s'écouler a été compliquée pour moi. Je m'étais mis en tête que j'avais trompé le territoire. Depuis, je me suis responsabilisé. J'ai constaté que ceux qui m'ont succédé continuent de contribuer à la disparition de notre chambre, je vais beaucoup mieux et je suis passé à autre chose.

A autre chose probablement mais toujours pas à de la politique donc. Pourtant, lors des dernières élections municipales, vous aviez décidé de retirer votre candidature pour soutenir Gaël Perdriau. Pourquoi n'avez-vous pas rejoint son équipe ?

C'est un de mes plus gros regrets. J'aurais dû aller jusqu'au bout et mener ma candidature à terme. J'aurais eu un vrai poids de négociation ensuite. J'aurais pu jouer un rôle économique dans cette équipe municipale. Je me suis retiré mais je n'ai pas eu le retour escompté. Les promesses qui m'avaient été faites à l'oral n'ont pas été tenues. Gaël Perdriau ne m'a rien proposé après les élections. La politique est décidément un autre monde, c'est ainsi...

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Commentaires 4
à écrit le 27/01/2018 à 16:53
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Devise du réseau obsolète des cci : Ego-Privilèges-Avidité Un vrai soap opéra latino avec des acteurs incompétents, arrogants, qui sont dignes des plus mauvais nanars. Pendant ce temps, la vie des entreprises continue (heureusement qu'elles ne compt...

à écrit le 26/01/2018 à 10:55
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A Saint-Etienne, il y a depuis toujours cette jalousie contre Lyon, qu'on accuse de tous les maux. Saint-Etienne rêve de devenir chef à la place de Lyon. C'est pas nouveau cette jalousie et cette concurrence contre les Lyonnais.

à écrit le 26/01/2018 à 9:41
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Pôv pôv petit monsieur qui n'a signé que parce qu'il espérait le poste de Vice-Président de la nouvelle CCI, il l'avoue d'ailleurs lui-même ... il se dédouane de tout, n'a aucune responsabilité, c'est la faute de l'un, de l'autre, il est incompris, ...

à écrit le 26/01/2018 à 3:34
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