Loi Travail : la dynamique des blocages à l'épreuve de la rue

Sous l'impulsion de la CGT, cette nouvelle journée de mobilisation contre la loi Travail intervient dans un contexte particulièrement tendu, après les préavis de grève en cascade et les blocages des raffineries du pays. En Auvergne Rhône-Alpes, c'est toute la filière pétrochimie qui pourrait être impactée. La contestation s'étend désormais aux centrales nucléaires. Mais la multiplication des mouvements a-t-elle trouvée un écho dans la rue, alors que les rassemblements hebdomadaires semblaient s'essouffler ?
(Crédits : Laurent Cerino / ADE)

Article publié le 26/05 à 06:05. Actualisé à 16:07

La 8e journée de mobilisation nationale contre la loi Travail - la 10e à Lyon -, qui se déroule ce jeudi 26 mai, a-t-elle trouvée un nouveau souffle ? Alors que le mouvement ralentissait, les blocages en cascade à travers le pays, initiés depuis le début de la semaine, pouvaient  redonner une nouvelle dimension à la contestation. Si les premières estimations policières font état de 3 300 participants, celles des organisateurs dénombrent 9 000 personnes, soit autant que le 19 mai dernier.

"Les blocages apparaissent comme une bouffée d'oxygène pour les syndicats. Cela enclenche une vraie dynamique", explique Christine Canale, secrétaire régionale à la CGT Auvergne Rhône-Alpes.

Dans le cortège, au passage des salariés de la raffinerie de Feyzin des applaudissements et salutations ont été remarqués.

 Risque sur la filière pétrochimique

Car en effet, les blocages se sont d'abord cristallisés autour de la production pétrolière. La raffinerie de Feyzin, exploitée par Total, est complètement à l'arrêt depuis le début de la semaine - tous les sites de raffinage du pays sont touchés par la grève - et toutes les expéditions au départ de Feyzin sont stoppées.

La direction estimait hier à 25 % le pourcentage de grévistes parmi les 600 collaborateurs. La plateforme traite chaque année près de 5 millions de tonnes de pétrole brut, ce qui la place au 7e rang français sur 8 en termes de capacité de production. Une production qui répond à 60 % des besoins de Rhône-Alpes.

Ce pétrole, une fois raffiné, peut également être stocké dans des dépôts de carburants. Si aucun des 16 dépôts régionaux n'avait, jusqu'à mardi soir, été bloqué, la situation pourrait évoluer. Selon notre correspondant local, le dépôt de Montélimar devrait être touché ce jeudi matin.

Kem One, Arkema

Pour sa part, le chimiste Kem One dont le siège est à Lyon précise que son site de Lavera, dans les Bouches-du-Rhône, ne peut plus produire de chlorure de vinyle (matière première entrant dans le PVC) du fait de l'arrêt du vapocraqueur de Lavera, contrôlé à 50/50 par Total et Ineos. Mais ses deux usines de Balan, dans l'Ain, et Saint-Fons, dans le Rhône, qui produisent le PVC, continuent à fonctionner normalement avec les stocks. "Nous pouvons tenir plusieurs jours", indique un porte-parole de la direction.

Quant à l'appel à la grève lancé par la CGT chez Arkema, ce jeudi, la participation à ce mouvement devrait être assez faible selon une source interne : "De 15 à 20 % des sites seulement sont concernés" et en particulier celui de Pierre-Bénite, au sud de Lyon. La même centrale syndicale a également annoncé que toutes les centrales nucléaires françaises d'EDF seront en grève, ce qui se traduira par une baisse de la production. Celle du Bugey, à 30 kilomètres de Lyon, est impactée, tandis qu'a celle de Tricastin (Saint-Paul-Trois-Châteaux), des barrages filtrants ont perturbé l'accès au site jeudi matin. La production d'électricité était ralentie.

Réaction du Medef

Le Medef Lyon-Rhône, par l'intermédiaire de son président Laurent Fiard, a réagi à travers un communiqué :

"Le blocage des raffineries par une poignée de militants saborde toute notre économie et paralyse entreprises et salariés. Transport de marchandises et de personnes, bâtiment, industrie, commerce, hôtellerie.... Chaque secteur est déjà lourdement impacté.

Encore une fois, ce sont les entreprises les plus petites ou déjà fragilisées qui verront, les premières, leur existence menacée".

Les transports touchés

Enfin, concernant les stations-services, la préfecture de Rhône-Alpes a livré son dernier bilan régional mercredi à 17 heures :

"Sur près de 1 780 stations-services, 543 étaient en rupture ou en difficulté contre 551 hier (lundi, NDLR). Dans le Rhône, la situation s'est même améliorée par rapport à ce matin (88 en rupture ou difficulté à 15 h contre 110 à 10 h 30), compte tenu des nombreux mouvements de camions des dépôts de carburant vers ces stations-service."

Pour le moment, la préfet Michel Delpuech n'envisage aucune "réquisition de la ressource ou de restriction de la distribution", a-t-il souligné dans un communiqué, mercredi soir.

Les transports sont aussi touchés par des mouvements sociaux. Les cheminots sont en grève depuis mercredi et ce jeudi. Un mouvement de grève a également été déposé chez Keolys Lyon, exploitant de TCL. Mais selon la direction, le mouvement est très peu suivi ce jeudi, et sans conséquence sur le trafic. Par contre, à Grenoble, les transports en commun sont très perturbés. Les contrôleurs aériens rejoignaient à leur tour le mouvement ce jeudi. Mais selon Aéroports de Lyon, l'essentiel des annulations devraient se concentrer à Paris, où Orly a déjà annoncé la suppression de 20 % des vols.

Cependant, un mouvement national plus large a été annoncé par les contrôleurs aériens pour les 3, 4 et 5 juin. Le motif est de peser sur la renégociation de leur cadre social et indemnitaire, alors que les cheminots, eux, ont déposé un préavis de grève à compter du 31 mai pour peser dans la phase finale de négociations sur les conditions de travail des cheminots.

Convergence des luttes

Cette "convergence des luttes" est une opportunité pour la CGT. "Il existe de vraies passerelles entre les différents mouvements. Il y a la loi Travail certes, mais aussi de nombreux combats dans plusieurs secteurs de la part des syndicats. Avec la nécessité de défendre la même chose : le pacte social français", justifie Christine Canale, secrétaire régionale à la CGT Auvergne Rhône Alpes.

Alors que la confrontation se durcit au niveau national entre la confédération et le gouvernement, cette opposition permet aussi aux sections régionales de resserrer les liens avec les syndicats locaux sur le terrain.

"Les syndicats confirment la dynamique de la confédération. Les sections d'entreprises estimaient qu'une action de mobilisation tous les 15 jours, ce n'était pas suffisant pour faire bouger les lignes", détaille Christine Canale.

Grande mobilisation le 14 juin

Le mouvement pourrait encore davantage se radicaliser, en fonction de la mobilisation de ce jeudi. La CGT, devrait faire le point en fin de journée sur le nombre d'arrêts programmés dans les entreprises et industries de la région. Tout dépendra de la réponse gouvernementale.

En déplacement mardi à Jérusalem, le Premier ministre Manuel Valls a assuré qu'il n'y aurait "pas de retrait" du projet de loi Travail. Il s'est engagé à ce que "d'autres sites" (de raffineries) soient "libérés", après l'évacuation musclée de Fos-sur-Mer à l'aube, mardi.

Au delà du rendez-vous de ce jeudi, la CGT a déjà programmé une grande journée de mobilisation le 14 juin, pour laquelle une réflexion est menée au niveau régional, notamment en Auvergne Rhône-Alpes, pour savoir dans quelle mesure les militants locaux monteront à Paris.

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Commentaire 1
à écrit le 26/05/2016 à 12:13
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Le blocage actuel est dure pour tout le monde du travail mais les retraités avec moins de 1500 euros et ceux qui sont encore plus mal lotis comprendrons surtout lorsque l'on compare avec les salaires incroyables accordés à des soit disant patrons q...

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