Métropole de Lyon : les vies parallèles de David Kimelfeld

Longtemps dans l'ombre de Gérard Collomb, David Kimelfeld est désormais en pleine lumière. Élu ce lundi à la présidence de la métropole de Lyon, succédant à son mentor parti au ministère de l'Intérieur, l'homme politique reste également un chef d'entreprise. Il continue à s’occuper de quelques clients chez Tepmare, l’entreprise qu’il a créée avec son associé Gilles Faveyrial. Infatigable et bon vivant, il est apprécié pour sa loyauté, son efficacité et son pragmatisme. Portrait du nouvel homme fort de la deuxième agglomération de France.
David Kimelfeld est désormais président de la métropole de Lyon.

David Kimelfeld a donné rendez-vous à de jeunes entrepreneurs évoluant dans l'univers des industries créatives, ce matin du jeudi 10 décembre au Voxx, bar branché des pentes du quartier de la Croix-Rousse. Le premier vice-président de la Métropole en charge de l'économie souhaite connaître leurs attentes.

« C'est important de vous écouter. Sans ce type d'échanges, on se déconnecte de la réalité et on se regarde le nombril », explique-t-il d'une voix chaude et détendue.

Autour des tables basses et d'un café, chacun s'exprime librement après s'être présenté. L'élu qui les a réunis prend des notes, relève au passage quelques contradictions, mais avec bienveillance. Et lève la séance une heure plus tard :

« J'aurai l'occasion de vous faire des propositions très concrètes », assure-t-il. « Ils ont un bon état d'esprit. Ils ne demandent pas de financements. Ils veulent de la souplesse, de l'adaptabilité. Je comprends qu'Emmanuel Macron soit compris par eux », confie-t-il en aparté.

Guillaume Abou, président de 656, groupe de médias et évènementiel, attend de connaître la suite qui sera donnée :

« Sur le moment, cela a bien marché. D'entrée de jeu, il a posé le mode de fonctionnement. Il est à l'aise et il y a de l'humain chez lui. Une réunion dans un lieu comme cela, c'est bien. »

David Kimelfeld est ainsi : « Attentif aux autres, il regarde les gens dans les yeux », remarque Nathalie Pradines, élue à la chambre de commerce et d'industrie de Lyon. « Il est cash », lance Maud, sa collaboratrice depuis huit ans à la mairie du 4e arrondissement de Lyon, également présente ce jour de décembre.

Copains de lycée

Celui qui en parle le mieux, dans la sphère professionnelle, c'est Gilles Faveyrial. Ensemble, ils ont créé, en décembre 1989, la société Tepmare, commissionnaire en transport maritime pour le fret, et aujourd'hui basée cours Suchet, dans le 2e arrondissement. Ils se connaissent depuis la seconde, au lycée du Parc Chabrières, à Oullins (Rhône). « Nous étions de la même trempe, un peu organisateurs déjà. Et, on montait facilement au créneau lorsqu'il fallait revendiquer. Scolairement, nous étions plutôt moyens », se remémore son camarade de classe.

« J'aimais l'urgence et j'aurais adoré travailler au Samu. »

Dans un premier temps, ils se sont orientés vers des professions sociales. Éducateur de jeunes enfants pour Gilles Faveyrial, infirmier pour David Kimelfeld, né le 17 juin 1961, dans le 3e arrondissement :

« J'ai pris cette décision en terminale car, à l'époque, nous n'avions pas besoin du baccalauréat. De plus, je pensais que j'allais le rater. »

Il garde un très bon souvenir de ses trois années en service de cardiologie, aux Hospices Civils de Lyon : « J'aimais l'urgence et j'aurais adoré travailler au Samu. » Mais il abandonne l'hôpital en 1986, non par dépit − « Je pensais que j'y reviendrais un jour » −, mais par un concours de circonstances. Le jeune David, qui préside alors la MJC de Brignais, dans la banlieue lyonnaise, avait organisé une exposition d'objets d'art africains et était en quête d'un sponsor pour les acheminer du Burkina Faso.

Tout trouvé auprès du père de Gilles Faveyrial, à la tête de Exmare, organisateur de transport maritime. Séduit par la fibre commerciale de l'ami de son fils, il l'embauche. David Kimelfeld raconte : « Je suis parti avec ma petite mallette. Il m'a coaché. Il était exigeant et poussait parfois de grands coups de gueule. J'ai adoré apprendre ce métier. »

David Kimelfeld

L'élu lyonnais a toujours gardé un pied chez Tepmare. Il a conservé quelques clients importants

Toujours un pied dans l'entreprise

L'élu lyonnais a toujours gardé un pied chez Tepmare. Il a conservé quelques clients importants, qu'il suit depuis longtemps : le groupe Plastic Omnium (division environnement) ou encore Arjowiggins (papiers de haute sécurité). « Il a le meilleur dans l'entreprise et ce qui convient à son timing », s'amuse Gilles Faveyrial.

« Je lui ai toujours dit qu'il ne fallait pas considérer Tepmare comme un carcan, car je sentais qu'il voulait s'engager en politique. Son rôle public n'a pas de résonance dans l'entreprise. En revanche, celle-ci lui a permis de se former à la gestion du groupe, à la communication... Tout a été fait afin qu'il puisse dégager du temps pour ses fonctions d'élu sans que Tepmare en souffre, ni moi non plus. Et dès qu'il est entré au Grand Lyon, il venait de moins en moins. »

La décision est alors prise d'un commun accord, « comme toujours », de transférer une partie de sa clientèle au directeur commercial en lui déléguant des responsabilités ainsi qu'au directeur administratif et financier. Thomas Desglis et Willy Martinez, les deux cadres concernés, plus jeunes, sont peu à peu montés en grade et contrôlent désormais la majorité du capital aux côtés des deux fondateurs qui, comme au premier jour, partagent le même bureau.

« J'y passe une fois par semaine. C'est important pour moi de garder ce contact. Ce sont des instants de respiration », indique David Kimelfeld.

Un autre de ses amis, Jean-Michel Daclin, actuel président d'OnlyLyon Tourisme et Congrès, confirme : « Un jour, au téléphone, il me dit : « Je suis au boulot et tu ne peux pas savoir le bien que cela me fait ». »

David Kimelfeld

Ils se sont connus lorsqu'il était adjoint à la mairie du 4e arrondissement : « Dans cet arrondissement, il a rapidement compris ce qu'il fallait faire dans la filière de la soie », qui fut le fief des canuts et le siège de nombreux soyeux, poursuit l'ex-vice-président au Grand Lyon délégué aux Relations internationales.

David Kimelfeld a d'ailleurs un peu baigné dans la nippe : il évoque son grand-père maternel, tailleur, lorsqu'il lui faut couper le ruban inaugural d'une opération immobilière, près du Gros Caillou de la Croix-Rousse, ce même 10 décembre.

Dans la grande rue voisine, Jacques Descours, fleuriste, et élu à la CCI de Lyon, se souvient : « J'ai participé à de nombreuses réunions avec lui lorsque j'étais président de l'association des commerçants. Nous nous voyions de 15 à 30 minutes et nous résolvions les problèmes. Il sait aller jusqu'au bout, en expliquant et en faisant en sorte que cela fonctionne. »

« Politiquement très bon »

Efficacité et pragmatisme, ces qualités lui sont également reconnues par Philippe Guérand, premier vice-président de la CCI et vice-président du Medef Lyon-Rhône. « Il est important d'avoir des élus politiques professionnels, mais il faut également des élus comme David Kimelfeld, qui sont aussi des chefs d'entreprise », glisse ce patron, à la tête de la Sier, société immobilière.

« Il est politiquement très bon, mais il ne se résume pas à cela », renchérit Jean-Michel Daclin.

Un entrepreneur en charge de l'économie à la Métropole, c'est un vrai plus. « Il est sans ambiguïté quant à ses engagements politiques de gauche. Il a une certaine facilité d'échange avec les chefs d'entreprise. Négocier des contrats, connaître l'angoisse des fins de mois et des salaires à payer, il sait ce que c'est  », acquiesce Jacques de Chilly, à la direction des affaires économiques et internationales de la Métropole, son collaborateur de référence.

« Il est apprécié des équipes, car il est très ouvert. Souvent il fonctionne en direct avec les personnes de mon service. C'est sa façon de travailler », admet-il.

Conférence-Ville-intelligente.D.Kimelfeld

"Il est sans ambiguïté quant à ses engagements politiques de gauche."

L'insertion (compétence dont la Métropole a hérité du Département) est un sujet qu'il a tout particulièrement souhaité prendre à bras le corps. Par conviction.

« J'ai demandé à présider une commission locale de l'emploi. Je l'ai fait pendant six mois pour toucher du doigt la complexité du dispositif. On ne pouvait pas se lancer, tête baissée, sans lancer une grande concertation que Gérard Collomb a acceptée. Il faut maintenant passer à l'opérationnel. L'enjeu de l'insertion, c'est l'emploi. Nous avons une marge de manœuvre dans l'agglomération. Toutefois, nous ne ferons pas des miracles », souligne David Kimelfeld.

« Travailler avec lui a été un vrai bonheur. Derrière les grands chefs à plumes et leur entourage, nous avons réussi à fluidifier les relations entre nos deux collectivités », atteste Jean-Louis Gagnaire, ex-vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes, en charge de l'économie, et député PS de la Loire.

Sa mission de premier vice-président à la Métropole (désormais président de la collectivité, NDLR) et celle de maire d'arrondissement, il les remplit avec un égal plaisir. « J'y consacre à peu près le même temps. L'une m'aide pour l'autre. La mairie m'amène à être au plus proche, mais il y aurait une petite frustration à demeurer uniquement dans la proximité », souffle-t-il.

Quant à sa responsabilité de premier secrétaire fédéral du PS, dans le Rhône, « c'est une activité militante » comme une autre (il en congé de cette fonction suite à son ralliement à En Marche, NDLR). Aux dires de certains, Gérard Collomb aurait très mal accueilli son élection au sein de cette instance. Mais, n'en déplaise à l'édile lyonnais, David Kimelfeld est « moins aux ordres qu'on veut bien le dire », lâche un observateur.

Épicurien

La gestion de l'agenda de David Kimelfled est quelque peu compliquée. « Néanmoins, ce n'est pas gênant : on est là pour faire le job », lâche Jacques de Chilly. D'aucuns reprochent à l'élu de ne pas entrer dans les détails des dossiers contrairement à Gérard Collomb, réputé perfectionniste. Là encore les collaborateurs sont là.

« À le voir tapoter sur ses deux téléphones, je lui demande parfois : « Comment fais-tu ? Tu n'es pas fatigué ? Tu n'en as pas marre ? ». Il me répond qu'il y arrive toujours. Il possède ses propres soupapes, glisse Gilles Faveyrial. C'est un épicurien. Il aime la vie, les bons vins et la bonne chère. »

L'humour affleure toujours chez celui qui vit depuis longtemps la diversité au quotidien

Sa famille n'est jamais loin de ses pensées. Et il parle volontiers de sa vie privée. De ses deux jeunes enfants (7 ans et demi et 4 ans et demi) qu'il dépose le matin à l'école. De son épouse Leila, avec laquelle il déjeune le vendredi : « Fixer un jour était la seule façon de s'y tenir », confie David Kimelfeld. De sa belle-mère, musulmane pratiquante « qui peut quitter la table au milieu d'un repas pour aller prier dans la pièce d'à côté, en se tournant vers la Mecque ».

L'humour affleure toujours chez celui qui vit depuis longtemps la diversité au quotidien : sa mère est catholique, son père, juif. Et pour incarner cette multiplicité d'origines, il a prénommé sa fille aînée de 28 ans, née de son premier mariage : Sarah, Djamila, Hélène, confie son ami Gilles Faveyrial.

Le dauphin ?

C'est parce qu'il n'a pas envie de passer une partie de la semaine à Paris, loin des siens et de ses amis, qu'il dit ne pas être intéressé par un mandat parlementaire. Mais, au fait, rêve-t-il de remplacer, un jour, Gérard Collomb ?

« L'objectif d'aujourd'hui, c'est de réussir ce que l'on est en train de bâtir. 2020, c'est loin. Le président de la Métropole ne pourra pas être maire. Et Gérard Collomb n'a pas fait connaître son choix. L'opposition n'est pas mon mode de fonctionnement. C'est lui que les Lyonnais ont élu », balaye l'intéressé en homme loyal.

« Jamais, il ne se présente comme le dauphin du maire de Lyon, même en privé », certifiait à l'époque Gilles Faveyrial. « Gérard Collomb ne veut pas de dauphin », appuyait alors Jean-Michel Daclin. Pourtant, en août 2016, l'actuel ministre de l'Intérieur l'adoubait.

Aux yeux de Jacques de Chilly, « de tous les gens autour de lui, c'est celui qui est le plus à même de lui succéder ». David Kimelfeld devra alors accepter d'entrer dans la lumière pour se faire connaître sur la place lyonnaise. C'est chose faite depuis ce lundi 10 juillet 2017.

Article publié le 18/02/2016. Actualisé le 30/08/2016 à 17:50 et le 10/07/2017 à 11:31

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