P. Cannet, WWF France : "Le monde économique ne peut plus ignorer la nécessité d’agir"

Par Propos recueillis par Romain Charbonnier  |   |  941  mots
Ce mercredi 1er juillet, s'ouvre à Lyon le sommet Climat et Territoires. Objectif : souligner l'importance de l'approche territoriale des enjeux climatiques. Pierre Cannet, responsable du programme Climat et Énergie à WWF France, apporte son éclairage sur les enjeux de ce rendez-vous, organisé cinq mois avant la grande conférence mondiale COP21 à Paris.

Acteurs de l'économie-La Tribune : Quelles sont les raisons ayant conduit à l'organisation de ce sommet à Lyon ?

Pierre Cannet : Nous souhaitons fixer un cadre en montrant comment les actions menées dans les territoires par des villes, des communautés et des acteurs locaux non étatiques investis dans la lutte contre le changement climatique sont en première ligne, et parfois plus en avance sur les gouvernements. Grâce à des initiatives montrant que c'est possible, mais freinées par des pesanteurs administratives et des moyens financiers insuffisants. Nous souhaitons que les gouvernements fassent désormais davantage, mènent des programmes d'actions concrets et soient plus responsables. Il ne nous reste plus que cinq années pour passer sous l'objectif de la barre de 2°C de la hausse de la température, seuil au-delà duquel les effets seraient catastrophiques et irréversibles. Nous n'avons plus le temps d'attendre, c'est encore possible, mais il faut agir vite et mobiliser davantage.

À la suite des différents ateliers et conférences qui se tiendront durant ces deux jours à Lyon, quel sera l'objectif final ?

Le sommet est un appel aux gouvernements. Une déclaration d'engagements et de propositions sera rédigée par l'ensemble des acteurs à la suite de l'événement. Cette mobilisation devra ensuite être prise en compte par les États présents lors de la COP21 organisée à Paris à la fin de l'année, afin d'influencer les négociations.

Les États se sont engagés en 2009, lors de la COP21 à Copenhague, à passer sous ce seuil des 2°C. Tiennent-ils leur promesse ?

Non ! Les gouvernements ont souhaité, après Copenhague, passer sous la barre des 2°C, mais aujourd'hui ils sont à 2,6 °C. Ils ne sont donc pas au rendez-vous de cet engagement. Ils doivent prendre la mesure de l'urgence à agir. Comment ces pays peuvent-ils procéder ? En regardant les initiatives menées dans les territoires démontrant que c'est possible à court terme de changer les choses. Des actions de coopération sont également à mener notamment entre les pays en développement et les pays développés, c'est ensemble et uni que nous atteindrons ce but.

L'objectif de limiter le réchauffement de la planète à 2°C est-il remis en cause ?

L'ensemble des pays est conscient de cet objectif. D'autres vont même plus loin et voudraient limiter le réchauffement à 1,5 °C d'ici à la fin du siècle. C'est un long processus. Tout l'enjeu consiste à ne pas laisser tomber, ni baisser les bras surtout que l'on observe un véritable changement, des balbutiements un peu partout dans le monde depuis trois ans. L'encyclique du Pape est encourageante ; la Chine fait des efforts depuis 2012 et investit dans les énergies renouvelables ; aux États-Unis, le Clean energy act est une avancée majeure. Les rapports et les différentes analyses des experts se succèdent et sont de plus en plus écoutés notamment par les acteurs économiques. Les signes sont encourageants. Et la volonté de changer est là. Nous devons continuer à y croire et à ne pas relâcher la pression.

Les États doivent se mobiliser davantage, une remarque valable également pour les acteurs économiques dont le modèle doit évoluer ?

Les investissements dans les énergies fossiles représentent encore des centaines de milliards d'euros alors que la part dans les énergies renouvelables n'est que de 250 milliards d'euros. Trop peu pour soutenir cette économique. La force de frappe pour changer est de trouver un nouveau modèle. Les grandes entreprises notamment énergétiques ont un rôle à jouer dans les négociations et leur responsabilité est d'aller vers plus d'énergies renouvelables et moins fossiles. Aujourd'hui, le monde économique ne peut plus ignorer la réalité et la nécessité d'agir. Malheureusement, l'entreprise au sens générale n'est pas totalement à l'écoute des enjeux et certaines appartiennent encore à la vieille économie.

De quelle manière mobiliser les entreprises, grandes comme les petites, à davantage de responsabilisation ?

Elles doivent s'engager à être plus responsables dans tous les métiers, dans tous les secteurs. On ne peut pas faire du green washing et dans le même temps s'adonner à du lobbying pour freiner les négociations. Si elles veulent véritablement s'engager, elles doivent signer un engagement de responsabilité totale. Aussi, nous disons aux entreprises, n'attendez pas les États pour vous mobiliser. Vous avez la possibilité de le faire en vous engageant à votre manière dans la lutte contre le réchauffement climatique, en menant des actions comme le bilan carbone. Les PME sont également l'une des cibles importantes que nous devons sensibiliser. À WWF, nous avons ainsi créé un club PME qui regroupe les entreprises déjà conscientes qu'elles peuvent agir. Et elles sont nombreuses à intégrer cette notion de transformation, mais limitées à la mettre en œuvre. La question environnementale demande parfois un appui plus important des collectivités locales et des Régions.

Durant le sommet, WWF copilote un atelier sur les forêts. Qu'allez vous défendre ?

Il s'agit d'un sujet complexe sur lequel WWF est très engagé. Nous avons l'obsession de réduire la déforestation dans le monde. Ces dernières années, nous perdons en moyenne 13 millions d'hectares sur les quatre milliards d'hectares de forêts existantes. Une situation due principalement à la déforestation illégale. Nous avons donc lancé un appel pour zéro net déforestation d'ici 2020, concernant 11 forêts (situées par exemple au Congo ou en Asie du Sud-Est). Une initiative s'inscrit dans celle de la Déclaration de New York sur les forêts, instaurée en 2014, qui vise à réduire de moitié la déforestation d'ici 2020 et à la stopper d'ici 2030. Plus de 130 gouvernements, compagnies, peuples autochtones s'y sont engagés.