Michel Charmont, ancien frère, témoigne

« Des actes de type mafieux »

De ses neuf années passées dans son atelier lyonnais du Grand Orient, Michel Charmont ne conserve ni amertume ni aigreur. Il confie seulement sa « déception » de ne pas avoir trouvé ce qu'il quêtait : un lieu de grande tolérance, l'opportunité de faire grandir et de fortifier ses principes éthiques, l'occasion de conduire des actions collectives desquelles son métier « très individualiste » d'architecte l'écartait naturellement.
Certes, « tout s'est plutôt bien passé ». Stoïque face à un cérémonial d'intronisation pourtant impressionnant - « questionné, yeux bandés, par l'assistance » -, il retrouve très vite un peu de cette fraternité qui caractérisait son...atelier de l'Ecole d'architecture de Paris, et rencontre des personnes qui, « dans leur grand majorité », sont « chaleureuses, humaines ». Certaines, à l'image de cet enseignant d'un grand lycée lyonnais également épris d'apiculture, sont même « exceptionnelles de bonté et de sagesse ».
Mais peu à peu la lassitude le pénètre. Le devoir d'entraide n'est pas aussi affirmé. Ni même la tolérance - c'est d'ailleurs le comportement sectaire d'un « intégriste » de la laïcité, prosélyte de l'anticléricalisme, qui, neuf ans après son entrée, le convaincra définitivement de partir -. A la veille du triomphe de François Mitterrand en 1981, il se retrouve « seul, lâché insidieusement par (s)mes six autres partenaires », pour rédiger l'opuscule commémorant le cent cinquantième anniversaire de l'atelier. Michel Charmont est gagné par la fadeur d'une structure, d'un fonctionnement, d'une expression de valeurs, d'une puissance d'influence qui ne sont pas aussi prégnants et exigeants qu'il l'espérait. Il les juge même « banals ». Il est également affecté douloureusement par des pratiques délictueuses.
Celles-ci ont pour théâtre la « fraternelle du bâtiment », qu'il rejoint rapidement après son arrivée. « Ce n'est rien d'autre qu'un jeu de marchands de tapis mafieux ». Là, donneurs - principalement « les mairies socialistes » - et exécutants d'ordre se partagent les marchés et les travaux sur le département. Lui-même en bénéficie au début, et « renvoie l'ascenseur » auprès de l'entrepreneur de charpente qui avait sollicité son entrée dans la loge. Lequel se serait occupé plus tard « du service de répartition des travaux (sic) du Parti socialiste »... « Mais cela ne perturba pas mon éthique, car il était compétent. Et, à savoir-faire comparable, il est normal de donner la préférence à des gens dont on partage les valeurs ».

Une petite minorité d'affairistes
Certes, d'aucuns pratiquent délibérément l'affairisme « au point qu'ils ne savent même plus » la quête maçonnique qu'ils sont censés venus poursuivre. Michel Charmont insiste toutefois sur « les autres ». Et parmi eux ce patron d'une entreprise coopérative de maçonnerie, l'une des trois plus importantes de la région, dont l'éthique ne succomba pas aux sirènes collusives. « Il démontra qu'on peut être tout à la fois franc-maçon, acteur majeur du bâtiment, et probe ». Michel Charmont relativise d'ailleurs fortement ces dérives, favorisées par une marginalité qui ne doit pas occulter les motivations « tout à fait louables ou au moins neutres » de la grande majorité des maçons.
Son refus de participer à la fraternelle sera sinon comprise - « je fus catalogué ultra-puriste » - du moins acceptée. Quelques frères lui témoignent leur sympathie. Mais cela s'avère insuffisant. En 1985, confirmant l'adage selon lequel « il est aussi facile de quitter la franc-maçonnerie qu'il est difficile de l'intégrer » et démythifiant les courantes assertions, fallacieuses, sur le principe sectateur de l'asservissement, Michel Charmont se retire, sans bruit, de son atelier et cesse de payer sa cotisation. Ses frères, respectueux de son choix, admettent qu'il est inutile de chercher à le retenir.


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