Easynove-Groupe Perraud, récit d'une reprise atypique

C'est un sauvetage d'entreprise inédit mené dans le secteur du transport de personnes. Le groupe Perraud, 9e transporteur privé de France, aurait pu tout simplement disparaitre en 2013. C'était sans compter sur le soutien de 23 PME, qui ont mobilisé énergies et capitaux pour sauvegarder l'entreprise via une nouvelle structure : Easynove.

En juin 2012, le groupe Perraud est placé en procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce de Grenoble avec une période d'observation de 18 mois. Fondée en 1945, cette société de transports familiale iséroise a connu plusieurs phases de croissance externe. La dernière, en août 2011 avec la reprise des entreprises du Groupe Eyraud (Eyraud autocars, Brun Voyages, Autocars Ville, Voyages Gouy et Autocars Rouard) a bien failli lui être fatale.

Des erreurs stratégiques

En un an, le groupe Perraud passe de 400 à 600 salariés, avec un chiffre d'affaires qui grimpe de 20 à 35 millions d'euros. « Il y a eu des erreurs stratégiques. Le groupe s'était développé très vite avec des foyers de pertes importants.Très rapidement la situation va devenir critique avec un épuisement de la trésorerie avec, à la clé, 12 millions d'euros de pertes en un an », précise Gilles Pernaton du Cabinet Pokka qui a accompagné le processus de reprise.

Le passif s'accumule : 16 millions d'euros de dette, dont 12 millions de dettes bancaires et 11 millions d'euros de dette en crédits-bails concernant l'achat de véhicule. Le groupe Perraud filait tout droit vers la liquidation. « On pensait qu'il n'y aurait pas de moyen de le sauver » ajoute Frédéric Pinet, actuel président du groupe. Le 18 décembre, à l'issue de la période d'observation, un plan de sauvegarde est accepté par le tribunal de commerce de Grenoble. Il prévoit l'entrée au capital du groupe Perraud, à hauteur de 80 %, d'une nouvelle société baptisée Easynove. Elle apporte 4,5 millions d'euros de cash à injecter dans l'entreprise et négocie la dette avec les créanciers.

Un petit miracle

Easynove prend le contrôle du groupe Perraud, le 6 janvier 2014. 6 mois après, le transporteur a retrouvé la capacité financière pour exploiter son parc de 300 autocars. Les banques ont accepté d'abandonner 75 % de la dette. Les crédits-bails sont rallongés de trois ans.Comment s'est produit ce petit miracle ? Le groupe Perraud est initialement adhérent de « Réunir », un réseau de transporteurs privés indépendants qui regroupe une centaine de chefs d'entreprises avec près de 200 implantations en France.

« L'idée a été de fédérer les entreprises de transports de ce réseau autour de cette idée de reprise » rappelle Gilles Pernaton. Les Autocars Pinet, le groupe Berthelet, les Autocars Borini et les Courriers Rhôdaniens sont parmi les premiers à se mobiliser pour un tour de table. « Il y a une solidarité exemplaire dans ce dossier. Serge Perraud a eu la clairvoyance de voir son erreur et d'en parler. Il a eu le courage d'agir puis de passer la main. Tous les acteurs ont joué le jeu » constate Gilles Pernaton.« On a tout de suite senti ce mouvement. Il y a une amitié profonde qui nous liait, mais d'autres PME nous ont rejoint parce qu'elles partagent notre vision des choses» explique Philippe Borini, président d'Easynove. Au final, 23 PME dont 18 de transports privés de voyageurs décident d'apporter leur pierre à l'édifice pour fonder la SA Easynove.

Après restructuration, le groupe Perraud-Easynove compte aujourd'hui 400 salariés et génère 24 millions de chiffre d'affaires. 60 % de l'activité vient de l'exploitation de 55 lignes régulières de transports urbains et interurbains en Isère, Savoie et Drôme.« Sans Esaynove, le groupe Perraud aurait été liquidé avec le licenciement de la moitié des effectifs. Les grands groupes de transports attendaient une liquidation pour reprendre par bribes l'entreprise ».

Cette reprise d'une PME par d'autres PME, s'inscrit dans un contexte difficile pour les transporteurs indépendants. « On observe depuis quelques années un durcissement de la concurrence. Les PME se retrouvent face à quatre grands groupes très puissants pour des appels d'offres de plus en plus exigeants. Et de nombreuses entreprises se retrouvent en position délicate », relève Alain-Jean Berthelet, président de « Réunir ».

À moyen terme Easynove pourrait donc bien se placer comme un nouvel acteur stratégique du secteur face à une logique de concentration. Avec l'objectif d'attirer de nouveaux investisseurs et de s'appuyer sur les banques pour réaliser d'autres opérations et défendre une économie des territoires en préservant le tissu des PME.
« L'idée c'est qu'il n'y ait plus de disparitions de PME de transport et de devenir une alternative à des chefs d'entreprises qui envisage de céder leur société », conclut Frédéric Pinet.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 12/07/2014 à 7:17
Signaler
Enfin des informations officialisées sur l'avenir de notre Groupe. Merci aux acteurs de se sauvetage hors du commun. Ayons tout de même une pensée pour tous les salariés de notre entreprise qui se sont investis et qui continus à y travailler, "ron...

à écrit le 09/07/2014 à 12:37
Signaler
pour la coupe du monde , de 2018, les G.O. pourront- ils trouver sur le continent un bus français, si cela existe encore, pour véhiculer , très publicitairement nos grande champions de l' équipe de France.. je n' ai vu que du Hundai !!!!!!

à écrit le 08/07/2014 à 18:35
Signaler
J'ai apprécié cette lecture qui fait du bien dans la contexte socio-économique actuel, en manque de "cas" astucieusement constructifs. BRAVO des 2 mains pour ce "petit miracle" et plein de courage pour la suite.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.