Grâce à des travaux du CEA de Grenoble, un homme paraplégique depuis dix ans arrive à remarcher

Avec un implant sur le cerveau et un autre sur la moelle épinière qui créent un pont numérique, des chercheurs du CEA de Grenoble et de la plateforme scientifique suisse Neurorestore ont réussi à faire remarcher un homme paraplégique depuis des années. Une prouesse aujourd'hui qui tend à s'affiner et devenir plus accessible demain.
(Crédits : DR Lausanne-University-Hospital/EPFL/Jimmy-Ravier)

Après dix ans sans utiliser ses jambes, Gert-Jan, un patient paraplégique a pu re-marcher grâce à la pensée. Cette prouesse est rendue possible par l'utilisation d'une interface cerveau-machine (BCI) établissant un « pont digital » qui restaure la connexion entre le cerveau et les membres, via la moelle épinière.

Une avancée considérable qui est le fruit d'un travail conjoint du CEA de Grenoble (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), via son centre de recherche Clinatec, avec Neurorestore, plateforme suisse qui regroupe des scientifique de l'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) et de l'UNIL (Université de Lausanne) ainsi que du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois).

Des implants développés par le CEA

A cause de la paraplégie, la moelle épinière est déconnectée du cerveau, ce qui empêche les mouvements, car la transmission du message est rompue. La technologie développée, qui est au stade de la preuve de concept, permet ainsi de recréer cette connexion grâce à des implants.

Deux implants sont positionnés sur le cerveau du patient, au-dessus de la région du cerveau qui est responsable des mouvements des jambes, et un autre sur la moelle épinière, sur la partie qui permet leur activation.

Ces implants sans fils placés sur le cerveau, développés par le CEA de Grenoble, enregistrent et décodent l'activité cérébrale. « Ils transmettent ensuite les données à un ordinateur qui va les traiter. Ces intentions sont ensuite converties en séquences de stimulation électrique de la moelle épinière, qui à leur tour activent les muscles des jambes pour réaliser le mouvement désiré », détaille le communiqué commun.

Contrairement aux implants qui avaient servi lors d'essais précédents sur des primates, les implants sur le cerveau ne sont pas invasifs, c'est-à-dire qu'ils ne traversent pas la dure-mère.

Pour passer le cap du test sur un humain, il fallait une technologie moins agressive pour le cerveau, avec des électrodes moins pénétrantes. « On s'est tournés vers le "messie" de Grenoble », a relaté lors de la présentation du projet, Jocelyne Bloch, neurochirurgienne et professeure au CHUV, à l'UNIL et à l'EPFL. Le CEA s'était en effet déjà fait connaître en 2019 en faisant la démonstration d'un patient tétraplégique qui pouvait se mouvoir via un exosquelette, piloté par ses signaux cérébraux. Pour positionner les implants sur Gert-Jan, il a toutefois fallu réaliser une craniotomie - soit enlever une partie du crâne et la remplacer par les électrodes.

« Au fur et à mesure on a observé une récupération neurologique en coupant le système », a ajouté Jocelyn Bloch. A ce jour Gert-Jan ne peut marcher que trente minutes à cause de la fatigue que génère l'activité chez lui, le système a quant à lui une durée d'utilisation de deux heures.

« C'est radicalement différent de ce qu'on a fait précédemment. Ici Gert-Jan a juste besoin de penser à marcher pour le faire. C'est très précis, il peut parler et bouger les bras tout en marchant », s'est réjouit Grégoire Courtine, professeur en neurosciences à l'EPFL, au CHUV et à l'UNIL·

Vers une miniaturisation

Le patient a d'abord été capable de contrôler un avatar sur ordinateur - pour caler l'algorithme - auquel Gert-Jan demandait, par la pensée, de lever une jambe puis l'autre. Il est ensuite passé à la marche, avec la technologie (l'ordinateur qui décode) intégrée sur un déambulateur.

« Il y a aussi un gros travail sur les algorithmes, en particulier pour pouvoir décoder avec un temps de latence rapide. Pour qu'au moment de l'intention et de la prédiction il se passe 300 à 500 millisecondes ce qui permet donc d'avoir un délai court sur le contrôle de la chaîne » a expliqué Guillaume Charvet, responsable du programme Brain-Computer Interface (BCI) au CEA.

L'implant peut-être gardé plusieurs année, il ne contient pas de batterie et de fils, c'est un casque que porte Gert-Jan lors de la marche qui sert à récupérer les signaux, les envoie à l'ordinateur qui communique ensuite avec l'implant dans de la moelle épinière

« La prochaine étape est de miniaturiser le casque et que le message ne soit plus sur un ordinateur, mais sur une puce », a poursuivi Guillaume Charvet. Pourquoi pas un jour, intégrer cette puce au téléphone d'un patient, par exemple, et ainsi gagner en mobilité et en praticité. C'est donc ce sur quoi travaille Clinatech.

Un objectif tout à fait atteignable, selon Jocelyne Bloch : « Comme pour les premier pacemaker où les gens se promenaient avec leur chariot, j'ai bon espoir que ça se miniaturise. »

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