Maladies émergentes : en visite chez Sanofi, Jean Castex veut reprendre le lead sur l'ARN messager

C'est une visite qui avait dû être reportée par l'arrivée de la guerre en Ukraine. Dix jours après, l'agenda de Jean Castex et de trois de ses ministres s'est à nouveau libéré pour traiter d'une autre priorité nationale : celle de l'investissement dans le domaine de la santé, en lien avec France 2030. Cette fois, c'est chez le groupe Sanofi à Lyon que Jean Castex a annoncé la nouvelle stratégie nationale de lutte contre les maladies infectieuses, qui comprend une enveloppe de 750 millions d'euros. Objectif affiché : faire un grand bond en avant en soutenant le lancement, en France, la première chaîne intégrée de production et de recherche sur la technologie stratégique de l'ARN messager (ARNm).
(Crédits : DR/Sanofi)

Un an et demi après qu'Emmanuel Macron ait visité le site de Sanofi en plein crise sanitaire en annonçant un premier investissement dans la création de la nouvelle unité de recherche modulaire dédiée aux ARN messagers à Neuville-sur-Saône, l'EVF (Evolutive Vaccine Facility), c'est Jean Castex qui a fait ce lundi le déplacement, à plusieurs titres : car en plus de poser la première pierre de ce nouveau site et montrer "que ce projet avance", le Premier ministre est venu annoncer, à Lyon, un autre volet majeur de la stratégie d'accélération nationale, en lien avec le plan France 2030.

Car après l'annonce d'une enveloppe globale de 7,5 milliards d'euros dédiée à la santé au sein du grand plan d'investissement français annoncé à l'automne dernier, c'est une nouvelle déclinaison de la stratégie nationale qui est cette fois dévoilée à Lyon, concernant la lutte contre les maladies émergentes et infectieuses.

Accompagné de trois de ses ministres, Olivier Véran (Santé), Frédérique Vidal, (Enseignement supérieur et recherche), et Agnès Pannier-Runacher (Industrie), Jean Castex est en effet venu matérialiser un soutien additionnel à la filière de la santé. Avec à la clé, une enveloppe de 750 millions d'euros octroyés à la lutte contre ces maladies émergentes et infectieuses, visant à financer des projets positionnés sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Soit un soutien allant de la recherche et à l'innovation, mais aussi à l'industrialisation de nouvelles technologies, comme celle de l'ARN messager.

En préambule, Jean Castex a eu un mot pour le contexte actuel : "Ce qu'on a vécu avec la crise sanitaire, et aujourd'hui la guerre en Ukraine, a beaucoup de lien avec le contenu de cette journée. Car la crise est révélatrice des faiblesses et accélère aussi le progrès".

"Notre pays a payé le prix de décennies de désindustrialisation et d'une baisse de budget dans la recherche" a indiqué le Premier Ministre, rappelant que "sur 76 biomedicaments commercialisés en Europe, 21 sont Allemands, 12 sont italiens et 5 sont Français." Jean Castex espère ainsi faire grimper ce chiffre à 20 biomedicaments français à l'issue de l'investissement massif annoncé.

Une enveloppe de 750 millions décomposée en trois volets

Il a aussi rappelé que la crise Covid-19 a démontré les difficultés d'approvisionnements dans le domaine de la santé, arguant que la nouvelle enveloppe annoncée ce lundi constitue une "disposition pour que cela ne se reproduise plus."

Cette enveloppe de 750 millions dirigée sur les maladies infectieuses et émergentes comprendra notamment un volet sur la recherche, avec le lancement de deux programmes visant à "contrôler efficacement les maladies, augmenter les connaissances se favoriser l'innovation", par l'Inserm et l'Inrae. Un volet innovation est par ailleurs prévu, "pour accélérer les projets pendant leur maturité et les valider pour accéder aux marchés le plus vite possible", a poursuivi le ministre. En enfin, l'industrie qui regroupera "près de la moitié des investissements, soit 300 millions en cinq ans", afin d'accélérer sur la capacité de production.

A cette occasion, un premier appel à manifestations d'intérêts "Maladies infectieuses émergentes et menaces NRBC" a d'ailleurs été dévoilé ce lundi, avec une première série de 15 projets lauréats. Soit un total de 25 partenaires scientifiques mobilisés autour d'un budget global de 92 millions d'euros d'investissements, dont 51 millions d'euros d'aides publiques émanant de l'Etat.

"La crise a fait ressortir ce manque de capacités de production industrielle et la nécessité de regagner une part de souveraineté", a précisé Matignon. Et après l'annonce de la création d'une nouvelle Agence dédiée à l'innovation en santé, annoncée courant 2022, c'est donc une nouvelle enveloppe qui sera fléchée vers des projets destinés à aller "un cran plus loin".

Sanofi précise son enveloppe de 2 milliards d'euros

Une volonté qui croisait justement celle du groupe lyonnais Sanofi, qui en a profité pour préciser, ce lundi, les contours de son grand plan d'investissement de 2 milliards d'euros sur cinq ans, annoncé en juin 2021 dans la recherche et le développement de l'ARN messager.

Désormais, on sait que ce sera la France, et notamment ses sites basés en région lyonnaise à Neuville-sur-Saône et à Marcy-l'Etoile (Auvergne Rhône-Alpes), qui seront particulièrement concernés : Sanofi compte en effet flécher la quasi totalité de cette somme (soit 1,5 milliards d'euros) ses sites français au cours des 10 prochaines années (dont 935 millions sous cinq ans), afin de développer ses investissements dans le domaine des vaccins à ARNm.

Sur place, Olivier Bogillot, président de Sanofi France a rappelé que "l'ambition, c'est d'avoir un investissement accéléré ici à Lyon, pour l'ARNm, de la recherche à la production. Il y a un enjeu de souveraineté".

Et selon Paul Hudson, le directeur général de Sanofi, cet investissement "est le plus important que l'entreprise ait réalisé jusqu'ici. Nous espérons construire quelque chose qui va durer."

Le groupe a notamment précisé quelques cibles : celles de développer jusqu'à "dix nouveaux candidats vaccins, dont six en ARNm pour la grippe, l'acné grave, la chlamydia et la bronchiolite". Un premier vaccin contre la grippe étant déjà en phase d'essai clinique, le deuxième "devrait aussi arriver".

Et ce, à travers un investissement massif qui devrait aussi permettre à Sanofi de peser sur la scène européenne, face à ses concurrents comme Pfizer, Moderna, CureVac ou encore BioNtech. "L'idée c'est d'être en tête dans la course, et nous le sommes car nous avons commencé les premiers développement de vaccins", a précisé Olivier Bogillot.

Paul Hudson a quant à lui préféré écarter le retard, régulièrement reproché à Sanofi dans le développement de son vaccin à ARNm face à la crise Covid, en rappelant la nature des travaux engagés : "Vous avez pu croire que nous étions en retard, mais cela représente deux ans d'efforts de nos salariés", a rappelé le directeur général.

Désormais, on sait également que l'Etat français compte lui aussi participer à cet effort qui vise à redévelopper des capacités de production ainsi qu'une chaîne de valeur intégrée en France, en partant notamment du bassin lyonnais, même si Matignon a botté en touche concernant le détail de l'aide allouée, qui devra encore être discutée à l'échelle européenne, en lien avec les échanges en cours visant à faire émerger un grand projet industriel européen dans le domaine de la santé.

En d'autres termes, il est encore trop tôt pour dire si Sanofi sera la tête de pont de cette "Europe des vaccins" post-Covid qui est soutenue par le gouvernement français, mais cela semble bien l'objectif poursuivi en coulisses, et qui permettrait également de faire grimper le montant des aides allouées à l'industriel lyonnais.

visite Castex Sanofi

Sanofi veut mettre le turbo pour rattraper le retard accumulé

Un soutien de l'Etat qui arrive néanmoins à pic pour Sanofi également puisqu'après que son projet de vaccin à ARNm contre le Covid ait pris du retard -pour être finalement abandonné à l'automne dernier-, le groupe Sanofi s'est mis en ordre de marche pour prendre lui-même le virage de cette nouvelle technologie que constitue l'ARNm.

Il avait pour cela finalisé l'acquisition de la Biotech américaine Translate Bio en septembre 2021 afin de renforcer ses capacités de recherche dans ce domaine.

Une occasion, pour Matignon, de se féliciter que le groupe ait plutôt choisi d'investir non pas aux Etats-Unis, où les locaux de Translate Bio sont toujours hébergés, mais plutôt au sein de son berceau lyonnais, "où il pourra s'appuyer sur un écosystème de partenaires locaux."

Le groupe avait déjà confirmé en juin 2021 sa volonté de construire, de toutes pièces ou presque, un Centre d'excellence dédié aux vaccins à ARNm basé à Marcy l'Etoile (Rhône), qui rassemblera ainsi près de 400 collaborateurs spécialisés autour de « toutes les capacités nécessaires au développement et à la production de vaccins à ARNm ».

Hormis le fait d'expliquer qu'il serait « entièrement financé par une réaffectation de ressources », le groupe n'avait pas encore dessiné les contours de cette réorganisation, pour un laboratoire qui emploie au global 100.000 collaborateurs dans 100 pays, dont près de 5.000 salariés en région lyonnaise.

Le groupe Sanofi avait par ailleurs confirmé, à l'été 2020, un investissement majeur de 610 millions d'euros sur le bassin lyonnais, comprenant à la fois la création d'un site de bioproduction de vaccins à Neuville-sur-Saône (490 millions sur cinq ans) visant à produire 3 à 4 vaccins simultanément, ainsi qu'un nouveau centre de recherche dédiés aux vaccins sur son site historique de Marcy-l'Etoile (120 millions). Deux sommes qui viennent s'ajouter aux enveloppes évoquées ce lundi par la direction du groupe.

(publié le 07/03/2022 à 18:00, actualisé à 19:37)

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Commentaires 3
à écrit le 08/03/2022 à 15:09
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Et un vaccin de phase 4 toujours pas, jamais ? Vous êtes tous chaque jour de plus en plus inquiétants.

à écrit le 08/03/2022 à 10:21
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Mieux vaut tard que jamais... mais ces investissements arrivent un peu après la guerre, non?

à écrit le 07/03/2022 à 22:50
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C'est quand même ballot, biontech était européen , ils ont été racheté par les américains qui ont fait un max de pognon avec l'ARM m . C'est dans la même veine qu'Alstom ,on l'a donné à nos amis américains puis ils nous l'ont revendu une fois le savo...

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