Stratégie décennale de lutte contre le cancer : comment le cancéropole Clara va y contribuer

Cette fois, on ne parlera pas de la recherche Covid, car en parallèle, une autre stratégie nationale de santé publique se déploie : depuis début février, la France s'est dotée pour la première fois d'une stratégie de lutte contre le cancer sur dix ans. En Auvergne Rhône-Alpes, c'est le rôle du Cancéropôle Lyon Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA) que de "territorialiser" cette stratégie. Avec, à la clé, un budget de 3 millions d'euros, dont il vient de dévoiler le plan de match.
Le cancéropôle CLARA aide déjà les laboratoires à lancer leurs innovations grâce à des programmes de financement dédiés : il pourrait renforcer ce rôle dans le cadre de la nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer.
Le cancéropôle CLARA aide déjà les laboratoires à lancer leurs innovations grâce à des programmes de financement dédiés : il pourrait renforcer ce rôle dans le cadre de la nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer. (Crédits : DR)

Le Covid tend parfois à éclipser d'autres sujets de santé publique : chaque année, on dénombre en effet 42.400 nouveaux cas de cancers en Auvergne-Rhône-Alpes. Chez les hommes, l'incidence est de 349 cas pour 100.000 habitants (-2 % par rapport à la moyenne nationale) tandis que chez les femmes, elle s'élève à 259 cas pour 100.000 habitants (-1 % par rapport à la moyenne nationale).

Si la région AuRA se place un peu mieux que le reste de l'échiquier national en ce qui concerne le nombre de décès (-4%), ce chiffre représente tout de même 17.600 décès annuels. Avec, parmi les trois cancers les plus fréquents, ceux de la prostate, du poumon et du côlon-rectum chez l'homme et le cancer du sein, du côlon-rectum et du poumon chez la femme.

Ce n'est donc pas pour rien que le gouvernement a publié, début février, sa nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer. Dôtée d'une enveloppe globale de 1,74 milliard d'euros sur cinq ans (soit 20% de plus que le plan cancer 2017-2021), elle comporte quatre objectifs, dont celui de réduire de 600.000 le nombre de cancers évitables par année à l'horizon 2024 ou d'atteindre le million de dépistages par an supplémentaires d'ici 2025.

Ou encore réduire de deux tiers à un tiers la part de patients souffrant de séquelles cinq ans après un diagnostic, mais aussi améliorer significativement le taux du survie des cancers de plus mauvais pronostic, à l'horizon 2030.

Le cancéropôle CLARA est lui-même complètement inscrit dans cette stratégie décennale de lutte : "il en est même l'un des outils de déploiement ", comme l'explique Pierre Hainaut, le nouveau président, aux commandes du cancéropôle CLARA depuis février 2020. "Notre rôle est d'organiser le réseau afin de faire vivre la stratégie décennale au niveau territorial", développe-t-il.

De la prévention à la recherche

Parmi les enjeux de cette stratégie décennale, on retrouve notamment le sujet de la prévention, mais aussi une réaffirmation de la place de la recherche en faveur de l'acquisition de nouvelle connaissances. Une thématique chère au président du CLARA, puisqu'il est également un professeur réputé pour ses travaux sur les mutations du gène TP53, et auteur de plus de 400 publications internationales et de plusieurs ouvrages de référence, dont une récente Encyclopedie du Cancer.

La stratégie met également l'accent sur les cancers de mauvais pronostic, y compris les cancers pédiatriques, et se penche également sur l'accompagnement post-cancer et notamment celui de la personne âgée en oncogériatrie, ou encore du retour à l'emploi.

"Il était important de passer du plan cancer à la stratégie décennale, car cela permet de prendre en compte le poids du cancer dans la société", reconnaît Pierre Hainaut.

Pour lui, ce nouveau plan représente "une stratégie très globale, qui confère un certain nombre d'angles d'attaque". Et rappelle qu'en parallèle, un plan cancer européen est également en train de se mettre en place. De quoi essayer de bâtir des synergies, mais aussi de réaliser un fort coup d'accélérateur.

3 millions d'euros chaque année

Le CLARA s'est d'ailleurs d'ores et déjà mis en ordre de marché pour tenter de décliner ce plan à son échelle"Nous essayons donc d'être très créatifs. Chaque année, le CLARA mobilise 3 millions d'euros, dont 1,2 million de subventions de l'Institut national du cancer et des collectivités et 1,8 million mobilisés auprès de partenaires", détaille-t-il.

Concrètement, il regrette cependant qu'il existe encore "beaucoup d'attentes autour des cancéropôles, mais peu de moyens". Grâce à l'instauration de cette stratégie nationale, son idée est donc d'en profiter pour monter en puissance et "aller chercher des partenariats, notamment dans le cadre du plan cancer européen, afin d'augmenter notre capacité d'action au niveau local, national et international", envisage le président du directoire.

7 dispositifs de financement

Au total, le CLARA dispose de sept dispositifs de financement, sur lesquels elle pourra s'appuyer pour réaliser ce travail : à commencer par Oncostarter, le fleuron de son programme d'émergence.

"L'idée est de financer une idée nouvelle, grâce à une enveloppe de 40.000 euros sur un an. Il s'agit d'un premier socle pour prendre une d'avance, en contribuant au salaire d'un jeune chercheur et en payant son environnement pendant un an", détaille Pierre Hainaut.

Le dispositif reçoit des projets libres, mais aussi, chaque année, des projets sur un thème donné. Cette année, c'est par exemple la thématique de "l'expérience patient" qui a été retenue. "Nous allons donc étudier également des projets dans lesquels des patients sont impliqués, nous avons d'ailleurs déjà constitué un panel de patients experts", indique-t-il.

Le deuxième grand dispositif du CLARA est baptisé Preuve de concept. "Ces projets doivent être co-portés par un laboratoire et une entreprise et garantir que ce qui sort du laboratoire va ensuite pouvoir passer dans une démarche de valorisation. Il faut avoir la stratégie industrielle qui va avec l'application", précise Pierre Hainaut. Dans ce cadre, le CLARA finance au maximum 3 à 4 projets par an, à hauteur de 300.000 à 400.000 euros par projet.

Le troisième dispositif inclue les projets structurants où le CLARA se charge de réaliser l'articulation entre les projets et les partenaires et collectivités prêts à les porter.

Actuellement, le cancéropole dispose d'un éventail de sept projets structurants en chantier, réunissant généralement une dizaine de partenaires, par exemple sur le thème des expositions environnementales ou de l'alimentation en lien avec le cancer.

"Nos autres missions comprennent notamment le soutien à l'organisation de congrès scientifiques, d'accès à des programmes européens ou encore de mobilité", complète Pierre Hainaut.

Un écosystème sur lequel s'appuyer

Pour lui, le CLARA pourra s'appuyer, pour remplir sa mission, sur l'un des écosystèmes d'Auvergne-Rhône-Alpes les plus riches de France, notamment sur le plan recherche et innovation dans le domaine du cancer.

"Nous sommes la région numéro 2, après l'Île-de-France, en terme de densité de laboratoires, de recherches et de publications. Il existe une grande complémentarité entre les différents acteurs, ce qui permet d'être pilote sur le lancement de nouvelle idées", estime-t-il.

Pour accélérer encore les travaux à venir, Pierre Hainaut estime que le premier axe sera d'intégrer davantage les patients et les citoyens au sein des recherches menées : " Et le CLARA peut être innovant sur ce point, puisque nous pouvons former des patients et former les chercheurs à travailler avec eux. A terme, si nous sommes capables de faire cela, nous serons très innovants et très attractifs, même pour des investisseurs".

Sur le terrain de la prévention des cancers également, l'écosystème auralpin pourrait avoir un rôle à jouer : "Nous avons un écosystème unique dans la région, avec le CIRC, le centre Hygée à Saint-Étienne, le département de prévention du centre Léon Bérard à Lyon, le programme de cohorte sur les expositions à Grenoble, etc".

"Nous avons tous les ingrédients pour faire une stratégie de prévention très complète à l'échelle du territoire".

Enfin, la déclinaison de cette stratégie nationale devra également s'appuyer sur une accélération de la médecine moléculaire au bénéfice des patients. "Depuis trois ans, le programme Auragen a été lancé dans la région. C'est l'un des deux programmes pilotes du plan France génomique 2025, qui vise à développer des activités de séquençage. Nos centres sont très bien organisés en ce qui concerne le diagnostic moléculaire", cite en exemple Pierre Hainaut.

Ce dernier estime également que le cancéropole pourrait apporter son expertise dans le renforcement du maillage entre recherche fondamentale à la recherche clinique, mais également en soutenant les clusters qui permettent à tous les acteurs d'avoir accès aux nouveaux outils d'intelligence artificielle qui transforment également les pratiques du secteur. "Il manque un répertoire qui permettrait aux acteurs de connaître les plateaux techniques et des plateformes qui travaillent sur le cancer. Le CLARA pourrait également contribuer à en constituer un", conclut Pierre Hainaut.

 (avec ML)

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