Jean-Yves Grall (ARS AuRA) : "Les premières doses du vaccin Moderna sont arrivées dans l'Allier"

Elle a fait partie des régions les plus touchées lors de la seconde vague. En Auvergne Rhône-Alpes, la campagne de vaccination a démarré et monte en puissance avec près de 8.000 vaccinations par jour, pour 118.000 personnes déjà vaccinées. Jean-Yves Grall, directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, revient sur les défis logistiques et organisationnels découlant de cette gestion de crise, ainsi que les prochaines étapes d’une campagne de vaccination, confirmant au passage que les premières doses du vaccin Moderna sont arrivées dans l’Allier.
Pour l'heure, le directeur régional de l'ARS Jean-Yves Grall précise que seuls 14 cas du variant britannique auraient été identifiés en Auvergne Rhône-Alpes.
Pour l'heure, le directeur régional de l'ARS Jean-Yves Grall précise que seuls 14 cas du variant britannique auraient été identifiés en Auvergne Rhône-Alpes. (Crédits : DR/F. Ledru)

LA TRIBUNE AUVERGNE RHONE-ALPES - Votre structure, l'ARS, vient de terminer une année particulière, où elle s'est retrouvée aux avant-postes durant ces deux dernières vagues, et encore plus particulièrement sur la seconde, où la région AuRA était devenue l'un des épicentres du virus. Quel est le premier bilan que l'on puisse tirer de la gestion de ces deux premières phases de l'épidémie ?

JEAN-YVES GRALL - "Nous avons en effet été le premier territoire à avoir un cluster de coronavirus il y a près d'un an, puisque le 7 février marquait le début du cluster des Contamines Montjoie, en Haute-Savoie.

Lors de la première vague, nous avons réalisé une campagne de contact-tracing très rigoureuse jusqu'à début mars, une période qui a marqué l'apparition du cluster de Mulhouse et qui a ensuite essaimé sur la France entière et nous a débordé. Nous sommes passés à cette période en phase active de circulation du virus qui s'est traduit par une montée des personnes contaminées, dont environ 3% ont été hospitalisées, ce qui a généré un taux de 15 à 16% d'hospitalisations en réanimation.

Au plus fort de cette première vague, nous avons eu 3.055 personnes hospitalisées le 13 avril en Auvergne Rhône-Alpes, avec un pic le 6 avril à 783 personnes en réanimation. Sur cette première vague, nous avions pu apporter notre secours à des régions plus touchées comme la Bourgogne Franche-Comté, qui a réalisé 42 transferts vers nos hôpitaux, ainsi qu'une vingtaine pour la région Ile-de-France."

Malheureusement, la seconde vague a été beaucoup plus forte...

"La seconde vague épidémique a redémarré, plus forte que la première, fin août et début septembre, avec des taux d'incidence qui sont montés jusqu'à 1.200 dans la Loire, et notamment la métropole de Saint-Étienne, en octobre.

Dans un premier temps, le Rhône, la Loire, et l'Ain ont été touchés, puis dans un second temps, l'arc alpin avec le département de la Savoie, de la Haute-Savoie, et l'Isère à mesure que la situation des autres territoires s'améliorait.

Durant cette seconde vague, l'ensemble du territoire, y compris la partie de Clermont et du Puy-de-Dôme, n'a pas été épargné.

Entre le 1er octobre et le 1er novembre, nous avons ainsi sextuplé le nombre de personnes hospitalisées au sein de la région. Le pic d'hospitalisation que nous avons connu le 16 novembre a généré 7.125 personnes hospitalisées, avec 866 personnes en réanimation pour des motifs Covid.

Pour autant, notre territoire a fait face et n'a jamais été débordé, avec un passage de 560 à 1.240 lits opérationnels en réanimation, et une organisation territoriale public-privé, basée sur la déprogrammation des activités non-urgentes.

Nous avons également réalisé 124 transferts extra-régionaux de patients, afin de conserver en permanence un volet de 100 lits disponibles par jour pour accueillir de nouveaux patients."

Depuis quelques semaines, plusieurs mutations du virus, dont le variant britannique, inquiètent plus particulièrement. Nourrissez-vous également de fortes craintes concernant une possible reprise de l'épidémie en Auvergne Rhône-Alpes ?

"Pour l'instant, nous n'avons pas encore observé une montée du taux d'incidence au sein de notre région, mais nous restons très prudents. Celui-ci demeure pour l'heure à 222, ce qui n'a rien à voir avec ce que nous avons connu lors de la seconde vague.

Nous avons encore près de 3.800 personnes hospitalisées dont environ 400 en réanimation.

Ce qui nous inquiète est que nous partons d'un niveau qui demeure encore assez élevé, qui pourrait augmenter très brutalement en cas de généralisation du variant. Il faut donc continuer les mesures barrières et demeurer vigilant."

Votre organisation a-t-elle été en partie désarmée depuis le cœur de la seconde vague ?

"Nous avons observer une diminution du nombre de personnes en réanimation globale, ce qui fait que nous avons aujourd'hui 776 lits ouverts en réanimation contre 1.200 auparavant. Mais nous sommes prêts à réarmer des lits s'il le faut.

Nous savons que le nombre de gens hospitalisés est directement proportionnel au nombre de gens infectés, ce qui signifie qu'avec un variant plus contagieux, l'épidémie pourrait repartir de plus belle."

La campagne de vaccination a démarré à l'échelle du pays, ainsi que dans notre territoire, dans un contexte où la lenteur du démarrage a plusieurs fois été décrié. Comment se déroule la montée en puissance en Auvergne Rhône-Alpes ?

"En quatre semaines, nous avons atteint les 118.972 personnes vaccinées ce lundi 25 janvier, ce qui représente déjà un certain nombre de primo vaccinations, qui devront ensuite recevoir une seconde injection au bout de quatre semaines.

Nous n'avons pour l'instant pas d'éléments épidémiologiques qui nous permettent de dire si la primo vaccination a déjà un effet sur les personnes vaccinées."

Sait-on combien d'hospitalisations notre région pourraient être évitées à l'échelle d'AuRA, grâce à cette campagne de vaccination ?

"Nous avons du mal à l'évaluer, car il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions sur la vaccination de 100.000 personnes. Mais nous devrions en savoir plus d'ici le printemps."

Quelles seront les prochaines étapes de montée en volume de cette campagne ?

"Notre stratégie vaccinale est une déclinaison de la politique appliquée à l'échelle nationale. La cible annoncée est celle d'un million de personnes vaccinées d'ici fin janvier, et ce chiffre et déjà largement dépassé.

En Auvergne Rhône-Alpes, nous représentons environ 11 à 12 % de la population française, et nous nous calerons sur cet objectif, que nous atteindrons également.

Nous vaccinons pour l'instant à la fois les personnes de plus de 75 ans depuis le 18 janvier, ainsi que le personnel de santé de plus de 50 ans ou présentant des facteurs de comorbidité. Ce à quoi plusieurs publics ont été rajoutés, comme les ambulanciers, les pompiers, ainsi qu'une liste de personnes considérées comme fragiles et qui peuvent être éligibles à la vaccination de manière prioritaire. Ces personnes peuvent être vaccinées à la fois dans les 92 centres de vaccination établis dans la région, mais aussi dans les hôpitaux ainsi que dans les EHPAD."

Quel est actuellement le temps d'attente pour se faire vacciner au sein de notre région ?

"Il est nécessaire en effet de prendre rendez-vous, mais il faut avant tout rappeler que nous n'allons pas vacciner en deux jours l'ensemble de la population française. Le délai d'attente dépend de chaque centre ainsi que du moment où la personne appelle. Sur certaines journées, nous pouvons connaître des pics où les lignes peuvent être saturées.

Mais tout l'enjeu est également de faciliter la prise de rendez-vous pour la seconde dose, car l'objectif est de privilégier la complétude vaccinale, qui sera la condition de succès de cette campagne de vaccination.

Et comme nous le savons, celle-ci dépendra du nombre de doses disponibles et notamment de l'approvisionnement des vaccins Pfizer. Ne pas disposer du nombre de doses que la France souhaitait ne rend pas les choses simples, et oblige à prendre son temps".

Justement, d'autres vaccins sont sur le point d'arriver sur le marché et notamment le vaccin produit par Moderna. Quel est le calendrier pour l'arrivée de ses vaccins en AuRA ?

"Nous avons déjà reçu un peu de doses provenant de Moderna, mais pour l'instant uniquement dans le département de l'Allier -4.800 doses étaient attendues pour une première livraison au CH de Moulins, ndlr-. On nous avait aussi beaucoup parlé de AstraZeneca, mais nous avons appris ce week-end que ce laboratoire aurait du mal à livrer l'ensemble des commandes au niveau européen, sur le premier trimestre comme elle s'y était engagée.

Il nous faut donc faire pour l'instant avec un vaccin qui n'est pas facile à manier, qui demande le respect d'une chaîne de froid importante, et qui est conditionné par doses de six.

Dans un tel contexte, il faut souligner que nous sommes tout de même arrivés à réaliser plus de 1 million de vaccinations à l'échelle nationale en l'espace de trois semaines et demi".

De quelle manière gérez-vous justement cette logistique ? Les vaccins arrivent désormais à quelle fréquence ?

"Les doses sont livrées toutes les semaines de manière perlée, avec une visibilité sur les arrivages à l'échelle de trois ou quatre semaines à l'avance."

Disposez-vous actuellement de stocks non utilisés ?

"Nous écoulons en moyenne sur l'ensemble de la semaine l'ensemble des doses reçues. Nous n'avons pas de stock à proprement parler, nous fonctionnons presque à flux tendus."

Sur le long terme, la France a misé sur un stock de vaccins diversifié, commandé auprès de différents fournisseurs. Existera-t-il une stratégie visant à privilégier certains vaccins en fonction de certains publics cibles ou contre-indications potentielles ?

"Globalement, les contre-indications (concernant le risque allergique, ndlr) sont vraies pour l'ensemble des vaccins amenés à arriver sur le marché.

Nous allons surtout nous focaliser sur l'idée de proposer la vaccination à l'ensemble de la population, comme a pu l'indiquer le ministre, pour l'été prochain.

Nous ne ferons pas de panachage en délivrant une première dose du vaccin de Pfizer et un rappel de Moderna. Ce sera surtout une question d'organisation.

Le plus grand enjeu demeure, à ce jour, l'attente de la fourniture de ces vaccins en quantité plus importante. Mais il y aura des doses pour tout le monde."

Faites-vous partie des discussions menées entre le gouvernement français et certains fabricants, comme Sanofi basé en région lyonnaise, en vue de réaliser la fabrication de ces vaccins en sous-traitance ?

"Nous ne faisons pas du tout partie de ces discussions, qui relèvent avant tout de l'Etat français."

Des chefs d'entreprises, ainsi que différentes institutions, ont d'ores et déjà proposé leur aide afin d' accueillir des centres de vaccination et de participer à cette campagne. En Auvergne Rhône-Alpes, le président LR a également bâti une campagne de test massive en décembre dernier, reposant sur 1.300 centres de test éphémères : comptez-vous vous appuyer à l'avenir sur ce type de structures pour monter en puissance ?

"Pourquoi pas, mais pour l'instant nous ne sommes pas dans cette optique car nous sommes vraiment au démarrage de la campagne.

Il est délicat pour l'instant d'avoir une telle stratégie alors que nos approvisionnements restent tendus.

Ouvrir des centres par partout complexifierait encore davantage notre tâche. Mais il est certain que lorsque nous aurons des vaccins avec des modes de conservation plus traditionnels, nous pourrons faire appel aux cabinets de médecins ainsi qu'au réseau de pharmacies.

Mais lorsque nous aurons suffisamment de doses pour couvrir les 8 millions d'habitants de notre région, rien ne s'opposera à ce que l'on ouvre plus largement des centres de vaccination. Mais pour l'heure, les conditions de conservation impliquant la chaîne du froid ainsi que des flacons multidoses nous empêchent d'envisager cette logistique".

Un mot également concernant la surveillance du variant sur notre territoire, pour laquelle la région lyonnaise héberge d'ailleurs le centre national de référence, où est séquencée cette nouvelle mutation. Existe-t-il sur ce terrain aussi, une montée en puissance de la stratégie de tests ?

"Notre stratégie consiste à essayer de déterminer la probabilité qu'une personne infectée soit affectée par ce variant, en déterminant par exemple si elle revient d'Angleterre ou si elle a été en contact avec des ressortissants à risques.

Lorsque cette probabilité existe, un séquençage supplémentaire est réalisé par ce centre afin de déterminer s'il s'agit du variant. Ce séquençage s'ajoute à la RT-PCR classique et prend quelques jours.

Pour l'instant, nous avons identifié ainsi 14 cas de ce variant britannique en Auvergne Rhône-Alpes. Mais il faut rappeler qu'en tous les cas, les gestes barrières demeurent les mêmes."

Se dirige-t-on néanmoins vers une montée en puissance de ces tests spécifiques, en a-t-on les capacités ?

"A l'heure actuelle, nous n'en sommes pas là. Notre stratégie est de tester uniquement des cas spécifiques, qui sont issues d'une remontée entre les signes cliniques ainsi que l'interrogatoire du patient."

Cette fin de semaine, des chercheurs de l'université de Montréal ont mis en évidence le rôle possible d'une nouvelle molécule, la colchicine, qui aurait un effet sur le processus inflammatoire de la maladie. Dans un contexte où la France manque de vaccins, cette découverte peut-elle faire évoluer les modes de prise en charge ?

"Dans le cadre de la prise en charge d'un patient Covid, il y a plusieurs étapes, à commencer par le respect des gestes barrière, qui demeure le numéro un car, que nous ne répéterons jamais assez, cela consiste avant tout à éviter de tomber malade et de devenir contagieux.

Le deuxième traitement préventif est celui de la vaccination, dont les résultats laissent apparaître dans certains pays qu'il diminuerait nettement les formes graves.

Pour ceux qui le nécessitent ensuite, nous avons actuellement des traitements à base d'oxygénation et d'anticoagulants, ainsi que d'un anti-inflammatoire, le dexaméthasone.

À ce stade, la colchicine n'a pas encore fait l'objet de validations, du protocole, ce pourrait être une piste, tout comme l'était à l'époque l'hydroxychloroquine. Mais il ne faut pas oublier que les deux premiers volets préventifs sont les plus stratégiques, car ce sont eux qui visent à éviter de tomber malades".

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Commentaire 1
à écrit le 27/01/2021 à 18:20
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A quoi servent réellement les ARS? Elles ont été aux abonnés absents au début de l'épidémie! Pas capable de surveiller des stocks de sécurité pour des masques, du gel, des blouses, … Nous avons découvert qu'il n'y avait pas de réponse opérationnel...

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